Existe-t-il un registre permettant de retrouver un ancêtre émigré sur l'île de jersey ?
Question d'origine :
Bonjour
Au cours de la Révolution française de nombreux nobles ont émigré vers l'île de jersey. Y-a-t-il un registre tenu par l'administration de l'époque permettant de retrouver un ancêtre émigré ? Et auprès de qui s'adresser aujourd'hui pour en prendre connaissance ?
Merci
Réponse du Guichet

Les archives nationales sont des ressources incontournables dans le cadre de vos recherches. Il en va de même pour les sites en ligne de généalogie qui doivent pouvoir vous être très utiles.
Bonjour,
Rappelons tout d’abord le contexte qui a poussé les nobles français à émigrer dans les pays européens au moment de la Révolution:
L'Émigration désigne le départ d'environ 140 000 Français hors du territoire de leur pays, entre 1789 et 1800, en raison des troubles révolutionnaires et ceci dès le lendemain du 14 juillet 1789 et la prise de la Bastille. Ces fidèles de leur religion et de l'institution monarchique craignent pour ces dernières, et la tournure violente des évènements les fait craindre aussi pour leur propre intégrité physique. Si nombre d'entre eux sont nobles, prêtres ou religieux (44 %), il y a aussi des militaires (4 %), des bourgeois (17 %), des paysans (20 %), des ouvriers, artisans et commerçants (15 %). Certains émigrent pour combattre la Révolution de l’extérieur, d'autres pour échapper à ses violences, en particulier à la Terreur.
L'Angleterre, devant l'afflux des émigrés français, autorise l'ouverture de chapelles catholiques à Londres, comme dans le Sud du pays à Southampton et dans les îles anglo-normandes de Jersey et Guernesey. Si en 1789 et 1790, il était relativement aisé de plier bagage, même avec ses biens, son argenterie, son or, cela devint beaucoup plus compliqué à partir de 1791. Les autorités révolutionnaires se rendent compte qu'il s'agit d'une fuite des capitaux qui peut nuire à l'économie nationale si elle continue. De plus, les émigrés devenaient menaçants et formaient de grands rassemblements à la frontière. Ils menaçaient ceux qui ne favorisaient pas leur entreprise de la confiscation de leurs biens et même de supplices. Devant ce mouvement qui s’accentuait de jour en jour, Louis XVI prend des mesures pour l’enrayer.
Des lois sont donc votées pour restreindre le pouvoir de mobilité des possibles émigrants et le 31 octobre 1791, l'Assemblée législative, par un décret, ordonne aux émigrés de rentrer avant le 1er janvier de l'année suivante sous peine d’être déclarés rebelles et déchus de leurs droits.
[…] En 1793, la Convention fait inscrire le nom des émigrés par communes dans des listes. Après la bataille de Valmy, on avait trouvé, sur l’un d'eux, un livre d’ordre indiquant les principaux noms de l’armée de Condé. La Convention décrète que ce livre d’ordre serait coté et paraphé à chaque page par deux secrétaires et que les commissaires feraient le relevé des noms des émigrés dont la liste serait imprimée, affichée et envoyée à toutes les municipalités.
En novembre 1792, le nom de tous les émigrés bannis y est inscrit. À cette époque, le Moniteur universel publie la liste de ceux habitant Paris. En février 1795, les députés en mission, ayant rayé des citoyens qui n’avaient pas rempli les formalités prescrites par les lois, ou fait inscrire sur cette liste ceux qui ne devaient pas y être portés, la Convention décréta qu’à l’avenir, les inscriptions et radiations seraient soumises à l’examen du comité de législation pour être infirmées ou confirmées par lui. Le 25 avril de la même année, afin d’empêcher la rentrée en France de nombreux émigrés, qui parvenaient à obtenir de faux certificats de résidence, attestant leur état d’ouvrier ou de laboureurs, l’Assemblée décida que l’état par département des radiations prononcées définitivement jusqu’à ce jour par le comité de législation, serait imprimé et, qu’il ne serait plus fait de radiations que par décret de la Convention nationale sur le rapport de son comité de législation. L’inscription sur cette liste qui compta jusqu’à 32 000 personnes, équivalait à un arrêt de mort. (Source: article Wikipedia)
Les archives nationales mettent à disposition une fiche d’orientation afin de rechercher un émigré de la Révolution (1789-1825). Cette fiche très complète remet également en contexte cette émigration nobiliaire:
«Entre 1789 et 1800, environ 150 000 personnes, d’une grande hétérogénéité sociale et géographique, quittèrent clandestinement la France, pour les pays d’Europe et d’Amérique, en raison des troubles révolutionnaires. Abandonnant leurs biens, ces émigrés voulurent combattre la Révolution de l’extérieur ou échapper à la mort, selon le contexte historique et la législation en vigueur. La première vague de départ, antérieure à 1792, fut essentiellement aristocratique et contre révolutionnaire.
L’émigration volontaire, elle s’organisa autour du comte d’Artois, avec l’intention de rétablir la monarchie par les armes. Le 17 juillet 1789, le comte d’Artois, puis les Polignac et de grands seigneurs de la Cour furent les premiers à passer à l’étranger, rejoignant Turin et la cour du roi de Sardaigne, beau-père du comte de Provence, du comte d'Artois et de leur sœur Clotilde de France, puis l'électorat de Trêves. Le marquis de Bouillé, les membres du ministère de Broglie, Calonne, le prince de Bourbon-Condé, nombre de courtisans les suivirent. S'ensuivit l'exil des officiers de l'armée et de la marine et des prêtres opposés à la Constitution civile du clergé (12 juillet 1790). L'arrestation de Louis XVI, le 21 juin 1791 à Varennes, renforça cet exil. Le comte de Provence gagna les Pays-Bas autrichiens. De l’étranger, pour hâter l’émigration, les royalistes établirent des bureaux à Paris et dans les grandes villes de France et éditèrent des journaux. Le 10 août 1792, date de la prise des Tuileries, 30 000 personnes avaient quitté le pays, selon la liste générale publiée en l’an II. Les assimilant à des traîtres à la Patrie, l’Assemblée nationale vota la loi du 8 avril 1792 sur la confiscation des biens de ceux qui étaient absents du territoire depuis le 1 er juillet 1789, puis la vente de ces biens (2 septembre 1792).
Une première liste officielle des émigrés fut alors dressée. La seconde vague d’émigration, plus importante, motivée par le massacre des Tuileries et le début de la Terreur, s’élargit à toutes les classes sociales : noblesse, clergé, bourgeoisie, commerçants, ouvriers et artisans, paysans. Le contexte de guerre s’ajoutait au durcissement de la loi, qui instaura la déportation des prêtres réfractaires (décret du 26 août 1792), l'exécution de tout émigré pris les armes à la main (9 octobre 1792), le bannissement à perpétuité et la peine de mort en cas de retour sur le territoire (décret du 25 octobre 1792), l’immédiateté des sanctions (décret du 28 mars 1793 « contre les émigrés »), bientôt étendues aux parents des prévenus (« loi des suspects » du 17 septembre 1793). »
Vous pouvez donc commencer vos recherches en consultant les ressources à disposition des archives nationales.
Pour ce qui est de Jersey spécifiquement, les réfugiés sont la plupart des victimes françaises de persécutions idéologiques. Il y eut d’abord des Huguenots, ainsi, en 1738, George II, roi de Grande-Bretagne et d'Irlande, nomme Jean Cavalier, chef des camisards, lieutenant-gouverneur de l'île de Jersey.
À la Révolution française, des nobles émigrés, venant de familles appartenant à la noblesse de l'ouest de la France ; enfin, lors du Second Empire, des républicains, dont le plus célèbre est Victor Hugo, établi sur Jersey, puis sur Guernesey.
Notons qu’en 1848, ce sont 2 000 républicains qui arrivent, et encore 2 000 en 1852. Puis vinrent les ordres religieux: jésuites, oblats, compagnons de Jésus, et l’ordre des Frères de Lamennais. Jersey fut aussi un havre d'asile pour les insoumis au service militaire, notamment sous le Second Empire. Jersey était en effet l'endroit idéal pour se faire oublier, mais suffisamment proche des côtes de France pour pouvoir revenir à l'occasion.
Dans son ouvrage L'émigration française vers Jersey 1850-1950, Michel Monteil explique:
«Un siècle après l’arrivée en grand nombre de réfugiés religieux français, Jersey se retrouva le but, ou simplement le lieu de transit d’une nouvelle foule considérable, en regard de sa population, d’émigrés français fuyant la Révolution française. Ceux-ci étaient constitués de deux groupes importants: les nobles et leurs familles, et les prêtres dits «réfractaires», qui avaient refusé de prêter serment à la République.
A l’époque, Jersey devait compter un peu plus d’une vingtaine de milliers d’habitants. En l’espace de quelques mois, ce furent 3000 à 4000 personnes qui débarquèrent dans l’île, soit l’équivalent de un sixième à un cinquième de la population autochtone.
Les nobles qui résidaient temporairement à Jersey et étaient en âge de porter les armes furent recrutés pour le corps expéditionnaire à destination de Quiberon. En 1795, leur nombre atteignait 3500. Le débarquement des émigrés à Quiberon se soldat par un désastre militaire, et la plupart de ceux qui étaient partis de Jersey ne revinrent pas, tués pendant l’attaque, ou fusillés ou emprisonnés après. Beaucoup de leurs familles par contre restèrent sur l’île et bon nombre s’y établirent définitivement.»
En outre, différents sites de généalogie peuvent aussi s’avérer très utiles dans vos recherches. Certains seront parfois en anglais:
The french genealogy blog traite sur cette page des nobles français émigrés à Bath et à Jersey.
La base généalogique Roglo vous permet de faire des recherches par nom, titre ou domaines selon les renseignements que vous possédez sur votre ancêtre.
Un article de la revue de généalogie récapitule les ressources en ligne à disposition pour avoir accès aux dossiers des émigrés de la Révolution.
Le site Filae vous propose également un moteur de recherche par patronyme.
Enfin, voici quelques ouvrages présents dans les collections de la bibliothèque, que nous vous conseillons de consulter:
Histoire de l'émigration : 1789-1814 / Ghislain de Diesbach
La chute des aristocrates : 1787-1792 : la naissance de la droite / Jacques de Saint-Victor
Découvrir ses ancêtres sous la Révolution : guillotinés ? émigrés ? convaincus ? profiteurs ? / Marie-Odile Mergnac
Les familles françaises à Jersey pendant la révolution / Comte Régis de l’Estourbeillon ou en ligne
L'émigration française vers Jersey 1850-1950 / Michel Monteil où le premier chapitre traite de la Révolution française et du nouvel afflux d’immigrés français.