Découvre-t-on encore aujourd'hui des squelettes de mammouths ou de dinosaures complets ?
Question d'origine :
Quand on visite un musée d'histoire naturelle, on peut voir des squelettes de mammouths ou de dinosaures mais aujourd'hui, découvre-t-on encore ce genre de fossiles complet dans le monde ?
Est-ce que ce sont les musées qui financent les fouilles pour ensuite les exposer ? Et si non qui est-ce ? Est-ce que les musées achètent les squelettes ou alors ils les redoivent en donations/prêts ? Y-a-t il un marché publique/privée de vente de squelettes de dinosaures ou de mammouths ? Une autorité de régulation et de traçage ?

Réponse du Guichet

Même s'il est rare de retrouver des squelettes complets de mammouths ou de dinosaures, nous vous proposons quelques exemples récents de découvertes. C'est grâce à l'archéologie préventive qu'en France, la majorité des découvertes se font. Les acteurs de l'archéologie sont nombreux et variés. Parmi eux on compte l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), les collectivités territoriales, des opérateurs privés agréés dans le cadre de travaux d'aménagement mais aussi les chercheurs dans le cadre de leurs travaux universitaires, les laboratoires de recherche, et enfin les associations locales d’histoire et d’archéologie...
Si aujourd'hui le marché des squelettes de dinosaures attire les ultra-riches, en France, nous bénéficions d'une législation permettant à l’État de préempter des objets rares qui ont vocation à rejoindre un musée.
Bonjour,
La découverte de squelettes complets de mammouths ou de dinosaures est relativement rare. Toutefois, dernièrement, plusieurs squelettes ont été retrouvés. Quelques exemples :
- Plusieurs parties d’un squelette de mammouth laineux ont été découvertes dans le lac Pechevalavato, situé au nord de la Sibérie, en Russie
Sibérie : un squelette de mammouth parfaitement conservé découvert dans un lac
Russie : des pêcheurs découvrent un squelette de mammouth
- Plusieurs ossements de dinosaures ont été découverts dans le nord-est du Montana, à Hell Creek
Aux Etats-Unis, les ossements de quatre dinosaures exhumés dans le Montana
- Des paléontologues de la Virginia Tech ont découvert le plus ancien fossile de dinosaure jamais retrouvé en Afrique
Le plus vieux dinosaure connu d'Afrique découvert au Zimbabwe
Découverte du plus vieux squelette de dinosaure d'Afrique
- Un squelette de dinosaure sauropode a été découvert dans le jardin d’une maison de Pombal au Portugal
Portugal : découverte d’un énorme squelette de dinosaure sauropode dans le jardin d’une maison
Un immense squelette de dinosaure découvert au Portugal
- Des mineurs du Klondike au Canada ont découvert un bébé mammouth momifié dans la glace
Un bébé mammouth momifié, retrouvé dans la glace au Canada !
L'incroyable corps momifié d'un bébé mammouth découvert au Canada
Il est vrai que les musées d'histoire naturelle jouent un rôle majeur, avec les universités, dans la conservation des collections, leur étude scientifique et leur présentation au public. Comme le démontrent plusieurs des exemples ci-dessus, ce ne sont pas toujours les paléontologues ou archéologues qui découvrent des squelettes de dinosaures ou de mammouths. Leur découverte est parfois le fruit du hasard.
Toutefois, des restes animaux sont le plus souvent retrouvés lors de fouilles archéologiques. Dans quel cadre sont-elles réalisées ?
Il y a trois types d’archéologie : l’archéologie programmée, qui consiste à organiser des fouilles méthodiques sur un site protégé ; c’est typiquement une activité saisonnière d’archéologues d’université, du CNRS ou du ministère de la Culture. Ensuite, l’archéologie de sauvetage, qui consiste à faire fouiller en catastrophe un chantier par des archéologues professionnels ou amateurs, à la suite d’un signalement de vestiges. Finalement, l’archéologie préventive consiste à mener des fouilles programmées en un délai défini afin d’étudier les sols archéologiques d’un terrain avant qu’un chantier n’y commence.
source : « L’archéologie préventive a émergé de l’indignation devant la destruction du patrimoine »
En France, comme dans beaucoup d'autres pays, une majeure partie des fouilles est réalisée dans le cadre de l'archéologie préventive.
C'est depuis 2001 qu'une loi imposant des fouilles archéologiques préalables à tout travaux de construction a été votée. Jusque-là, des milliers de sites étaient irrémédiablement détruits. Cette loi confie à l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) le soin de réaliser des fouilles « préventives », en y associant les services archéologiques municipaux ou départementaux. Elles sont payées par les aménageurs, sauf les moins fortunés ou les simples particuliers, pour qui la fouille est prise en charge par un fonds spécial.
Lorsqu’un projet d’aménagement risque de détruire des vestiges archéologiques, l’État prescrit à l’aménageur de faire réaliser un diagnostic ou une fouille d’archéologie préventive, ou de modifier son projet. Les opérations de diagnostic et de fouille sont mises en œuvre sous le contrôle scientifique et technique du ministère de la Culture par des opérateurs qualifiés. En moyenne, 2200 diagnostics et 450 fouilles préventives sont réalisés chaque année en France.
source et pour en savoir plus :
Redevance d'archéologie préventive
Les opérateurs de l'archéologie préventive
Instituée en 2001 et prévue à l'article L. 542-2 du code du patrimoine, la redevance d'archéologie préventive (RAP) permet de financer les diagnostics archéologiques réalisés par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) et par les collectivités territoriales qui ont choisi d'exercer cette compétence.
source : Le financement de la recherche patrimoniale par le ministère de la culture
L’archéologie programmée relève de projets scientifiques indépendants de tels travaux d'aménagement. Ces programmes de recherche sont portés par des institutions comme l’Université ou le CNRS en collaboration avec les archéologues de l’Inrap.
A noter : le Muséum national d'Histoire naturelle de Paris présente sur son site officiel ses différents types de partenariats :
Le Muséum national d'Histoire naturelle réalise son activité de recherche en collaboration avec des partenaires de toutes natures.
La recherche au Muséum s’appuie en premier lieu sur ses unités de recherche, qui sont aujourd’hui mixtes en totalité (parmi les 18 laboratoires de l’établissement, 17 sont en partenariat avec le CNRS, 4 avec l’IRD, 1 avec l’Inserm, 5 avec l’UPMC, 1 avec l’EHESS, 1 avec l’EPHE, des liens étroits étant par ailleurs noués avec l’université Paris Diderot, l’INRAP et l’Ifremer). Ces cotutelles ou partenariats privilégiés des unités forment le premier cercle des collaborations scientifiques du Muséum.
La recherche avec le CNRS s’appuie en particulier sur un partenariat entre le Muséum et l’Institut Ecologie et Environnement du CNRS (INEE) auquel 11 laboratoires sont rattachés. Ce dispositif a permis d’accompagner l’effort de l’établissement dans différentes opérations telles que l’acquisition d’équipements scientifiques de très haute technologie.
Un développement en constante évolution au niveau national et international
La recherche partenariale du Muséum ne cesse de se développer à l’échelle nationale et internationale.
À l'échelle nationale, la recherche partenariale a connu un essor aussi bien avec les acteurs publics (organismes de recherche, universités, région Île-de-France, collectivités territoriales…) que privés.
À l’international, l’action de l’établissement est ciblée sur l’Europe et les pays du Sud, notamment Madagascar et le Brésil. Les collaborations européennes se pérennisent et s’amplifient à travers notamment l’implication de l’établissement dans les dispositifs européens (PCRD puis Horizon 2020). Hors Europe, des coopérations ont été nouées, majoritairement avec des universités, sur des thèmes tels que l’étude des récifs coralliens, la biodiversité terrestre et marine du Pacifique sud ou la bio-archéologie. De grandes expéditions naturalistes, largement articulées sur un partenariat international, ont été conduites ainsi fin 2012 en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Le Muséum noue des partenariats avec des entreprises privées basées en France comme à l’étranger. Elles sont de toutes catégories (grandes entreprises, ETI, PME, TPE et start-ups) et de tous secteurs. Notons que des partenariats du Muséum avec des acteurs industriels ont été labellisés par des pôles de compétitivité tels que Medicen et Cosmetic Valley, ce qui reflète la qualité de la recherche partenariale de l’institution avec le monde socio-économique.
Qu'en est-il à l'étranger ? Voici une traduction d'un article d'une revue intitulée American Paleontologist :
Les études sur les dinosaures se sont institutionnalisées dans les musées et les collèges, mais comme d'autres scientifiques, les paléontologues ont encore du mal à réunir suffisamment d'argent pour financer leurs études. De temps en temps, un riche bienfaiteur peut fournir des fonds, et certaines fondations réservent des fonds pour des recherches passionnantes sur les dinosaures, mais pour la plupart des paléontologues, la plupart du temps, le financement de la recherche prend la forme de subventions.
Obtenir une subvention peut être une tâche éprouvante. Les paléontologues écrivent continuellement à différentes fondations et sociétés dans l'espoir de gagner certaines des subventions les plus prestigieuses (qui, selon Dodson, sont généralement celles qui rapportent le plus de financement à l'institution d'origine du paléontologue). L'agence gouvernementale National Science Foundation est l'un des plus grands bassins auxquels les chercheurs postulent. Le budget global de l'agence est de plus de 6 milliards de dollars, mais une part relativement infime de ce gâteau revient aux paléontologues au cours d'une année donnée. Selon les calculs de Dodson, entre 1983 et 2009, la NSF a accordé 88 subventions pour mener des recherches sur les dinosaures et leurs proches parents, totalisant un montant relativement modeste de 11 millions de dollars. La plupart des spécialistes des dinosaures dépendent du financement d'autres sources pour la plupart de leurs carrières.
Pour les paléontologues, conclut Dodson, le financement de la recherche est du catch-as-catch-can. Les scientifiques soumettent continuellement des propositions à des fondations comme la NSF dans l'espoir de recevoir d'importantes subventions qui leur permettront de mener à bien leur travail, mais la plupart du temps, les spécialistes des dinosaures doivent compter sur une collection de subventions plus petites, le mécénat d'organismes privés donateurs, partenariats avec des sociétés de télévision et autres opportunités pour continuer à travailler. De nos jours, être un paléontologue à succès exige un sens aigu des affaires ainsi que de la créativité intellectuelle. Bien qu'il puisse être difficile de trouver des financements, les récompenses de tels efforts - une meilleure compréhension de la vie ancienne - valent bien la lutte.
source : Who Pays for Dino Research? / Riley Black
Pour répondre à votre interrogation sur les marchés de vente de squelettes, nous vous proposons la lecture d'un article de Capital intitulé Les squelettes de dinosaure, nouveau jouet des riches ? Si le marché des squelettes attire les ultra-riches, en France, nous bénéficions d'une législation permettant à l’État de préempter des objets rares qui ont vocation à rejoindre un musée. Explications :
En 2007, DiCaprio et Nicolas Cage s’étaient disputé aux enchères l’achat d’un crâne de tyrannosaurus bataar (également appelé tarbosaurus). Au final, Cage l’avait emporté pour 230.000 euros. Pas de chance, l’acteur (ruiné depuis) a dû restituer ce crâne de dinosaure à la Mongolie d’où il était sorti illégalement. [...]
Si Nicolas Cage a dû restituer à la Mongolie son crâne de tarbosaurus, des paléontologues du monde entier s’émeuvent d’un tel commerce. Ainsi, la Société de paléontologie des vertébrés, une association américaine, s’était fendue d’une lettre ouverte pour dénoncer ce marché en 2018 à l’occasion de la vente (par la maison Aguttes) d’un dinosaure carnivore présenté comme «une espèce totalement nouvelle». «Pour ma part, je refuserai toujours de vendre des squelettes d’une espèce rare, voire jamais identifiée, continue Alexandre Giquello. Dans ce cas, sa place est dans un musée.» Il y a cependant un fait : les musées ne peuvent plus acheter aux prix stratosphériques récemment atteints par le marché. Mais aussi un autre fait : avant qu’ils ne redeviennent à la mode, les musées n’achetaient plus de dinosaures. Ils possédaient généralement les pièces qu’il leur fallait.
Et pas d’inquiétude pour ces établissements : si une espèce réellement inconnue venait à se retrouver dans une salle des ventes française, l’Etat pourrait toujours utiliser son droit de préemption. «C’est une spécificité française. Une fois le marteau tombé, un représentant de l’Etat peut se lever dans la salle pour acheter l’objet au prix de la dernière enchère. Ça ne s’est jamais produit avec des dinosaures, mais lorsque cela arrive, le dernier enchérisseur est aussi surpris que mécontent. Un jour un client américain m’a dit que la France était vraiment un pays communiste.» Pour cette raison, les commissaires-priseurs recommandent à leurs clients de prendre contact en amont avec les conservateurs de musée. En leur proposant d’éventuels mécénats ou des prêts de pièces acquises, riches clients et pauvres musées réalisent un partenariat où tout le monde sort gagnant.
Les réponses à ces trois questions pourront également vous intéresser :
3. LES MUSÉES PARTICIPENT-ILS AUX ENCHÈRES ?
Très rarement en tant qu'acheteurs. Disposant de quelques dizaines de milliers d'euros seulement pour enrichir leurs collections, ils ne peuvent pas rivaliser avec les sommes colossales mises sur la table par des collectionneurs milliardaires. À moins d'avoir le soutien de sponsors aux poches bien remplies… C'est ainsi que le Field Museum de Chicago (États-Unis) s'est procuré, en 1997, un squelette de tyrannosaure baptisé « Sue » pour 8,36 millions de dollars (7 millions d'euros) grâce aux fonds apportés par McDonald's et Walt Disney. Bien que l'achat de telles pièces soit très rare, les musées sont parfois présents sur des ventes moins spectaculaires. « Ils peuvent alors exercer leur #droit de préemption# sur certaines pièces qui les intéressent », explique François Escuillié, paléontologue et directeur de la société de fouilles et d'extraction Eldonia. Mais ils doivent attendre la fin de la vente et acheter le fossile au prix de la dernière enchère.
En revanche, si on les trouve rarement en tant que clients, les musées publics ne sont jamais vendeurs. En effet, « les musées publics dont les collections sont affectées au domaine public ne peuvent s'en séparer, conformément au code du patrimoine » , confirme Yves-Bernard Debie. Inutile donc d'insister auprès du musée de la ville pour acheter ce brontosaure qui vous a tapé dans l'œil !
4. D'OÙ VIENNENT LES DINOSAURES DES MUSÉES ?
La plupart des fossiles qu'ils détiennent proviennent de dons ou de fouilles réalisées par leurs propres soins, ou déléguées à des sociétés en qui ils ont confiance. En effet, aller chercher soi-même ses fossiles présente plusieurs intérêts. Tout d'abord, celui d'étudier le sol duquel on les extrait. « Car le contexte dans lequel on trouve le fossile, les autres organismes qui se trouvent autour de lui, sa position et sa localité exactes sont des sources d'information tout aussi précieuses que le fossile lui-même », explique Damien Germain, maître de conférences et chargé de collection au Muséum national d'Histoire naturelle de Paris. C'est aussi le meilleur moyen d'être certain que le fossile n'est pas un assemblage hétéroclite de plusieurs animaux dont on n'a retrouvé que des morceaux afin de reconstituer un squelette complet. Quant aux gros fossiles que les musées exposent dans leur galerie pour émerveiller les visiteurs, sachez qu'il s'agit souvent de moulages en plâtre ou en résine. Eh oui, une belle copie est tout aussi spectaculaire qu'un véritable fossile… pour une fraction de son prix.
5. EST-CE GRAVE DE VENDRE DES FOSSILES À N'IMPORTE QUI ?
Oui et non. Lorsqu'un fossile part dans une collection privée, son nouveau propriétaire a le droit d'en faire ce qu'il veut, y compris le garder rien que pour lui. Et lorsque le fossile a déjà fait l'objet d'articles scientifiques (comme cela a été le cas pour le tyrannosaure Stan), cela pose un double problème. Tout d'abord, le fossile n'étant plus accessible aux chercheurs, ces derniers n'ont plus aucun moyen de vérifier l'exactitude des précédentes études scientifiques. Raison pour laquelle la Société américaine de paléontologie des vertébrés a émis une protestation officielle concernant (entre autres) la vente de Stan.
Ensuite, il n'est plus possible d'approfondir ces recherches à l'aide de nouvelles techniques, telles que le tomodensitomètre (CT scan) ou le rayonnement synchrotron, qui permettent de voir des détails inédits au cœur du fossile, avec une précision stupéfiante et ce, sans l'abîmer.
Certes, il arrive que des propriétaires privés choisissent de remettre leurs acquisitions à disposition du public et des scientifiques. Cela a, par exemple, été le cas d'Arkhane (photo ci-dessous), un fossile de prédateur du #Jurassique# vendu en 2014, et laissé à disposition de l'Institut royal des sciences naturelles de Belgique quatre ans plus tard.
Mais un tel scénario est extrêmement rare… et insuffisant. « Pour qu'un fossile soit considéré comme un objet d'étude scientifique, il doit appartenir à un organisme (musée, université ) qui garantisse sa bonne conservation et son accès permanent aux scientifiques » , explique Jean Le Loeuff, paléontologue au musée des Dinosaures d'Espéraza (Aude). « Dans leur écrasante majorité, les squelettes vendus aux enchères n'ont pas de grand intérêt scientifique », assure François Escuillié. Car les spécimens les plus spectaculaires ne sont pas forcément les plus intéressants à étudier. « Ce qui nous fait rêver, ce sont des préservations exceptionnelles d'organes mous (cœur, cerveau, viscères, etc. ), de peau ou de plumes qui, la plupart du temps, se décomposent avant d'avoir pu être fossilisés », conclut Damien Germain, du Muséum national d'Histoire naturelle.
source : La folie des ventes de dinos / Erwan Lecomte - Science et Vie Junior - 9 décembre 2020
Quelques articles pour aller plus loin :
- Aspects juridiques de la protection des dinosaures / Jean-Dominique Wahiche - La Lettre de l’OCIM, 147 | 2013, 13-21.
- Le juteux marché des squelettes de dinosaures / Le Point - 15/08/2020
- "Souvent, les squelettes de dinosaures vendus aux enchères ne sont pas très intéressants scientifiquement" / Fiona Moghaddam - Radio France - 16 septembre 2021
Bonne journée.
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