Question d'origine :
Bonjour
Est-ce que HADOPI en devenant ARCOM (avec le CSA) a gagné ou perdu de son pouvoir ? Ont-ils plus de moyens ? Y-a-t-il plus ou moins de répression ?
merci
Réponse du Guichet
L'Arcom, "l'Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique" dispose de nouveaux moyens et outils pour accomplir ses missions. Parmi ceux-ci, 355 salariés, un budget de 46,6 millions d'euros pour l'exercice 2022, et des mécanismes innovants (liste noire, sites miroirs, référé en matière de live streaming sportif). Les premiers résultats communiqués à la presse font état de la disparition de 250 services de contenus sportifs illégaux. Pour avoir les résultats définitifs de l'année 2022, il faudra consulter le rapport d'activité ou le bilan de l'année en cours, à ce jour non disponible.
Bonjour,
Vous voulez savoir si l'Arcom a plus de moyens pour accomplir ses missions et si celles-ci sont concluantes.
D'après le site du CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) sont devenus l’Arcom le 1er janvier 2022. "L'Arcom est le garant de la liberté de communication, et veille à ce que les médias audiovisuels et numériques soient pluralistes et respectueux de toutes et tous."
L'article Qu'est-ce que l'Arcom, le nouveau gendarme de l'audiovisuel et du numérique ? d' Adrien Franque et l'AFP, paru dans Libération le 30 décembre 2021, consultable via Europresse en bibliothèque ou en accès à distance pour les abonnés de la BML, précise les chantiers sur lesquels devait travailler l'Arcom :
L'Arcom reprendra le système de réponse graduée contre le piratage de la Hadopi, qui consiste à adresser plusieurs avertissements à un internaute contrevenant avant le déclenchement d'une procédure judiciaire. Mais l'autorité adoptera également une nouvelle approche pour contrer les plateformes de streaming illégales, en «élaborant des listes des sites illicites en liaison avec les ayants droit», qui pourront «saisir la justice pour faire interdire [ces sites] auprès des fournisseurs d'accès internet», explique Roch-Olivier Maistre à l'AFP. En matière de piratage sportif, une pratique qui a atteint un seuil critique ces dernières années, les organisateurs d'événements (grandes fédérations sportives, diffuseurs audiovisuels) pourront de leur côté «saisir la justice en urgence pour faire bloquer les sites qui diffuseraient de manière illégale les manifestations sportives», ajoute-t-il. Un renforcement des moyens très attendu par les acteurs du foot français par exemple, qui estiment les droits TV de la Ligue 1 dévalorisés par la démocratisation du piratage.
Mais c'est du côté des anciennes missions du CSA que l'année s'annonce aussi chargée. Depuis peu, l'autorité encadre les offres de services vidéo à la demande étrangers, soit les géants américains du secteur comme Netflix, Amazon Prime Video, Disney +?ou Apple TV. Ceux-ci sont rentrés début juillet dans le système français de financement des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques au même titre que les acteurs français du secteur. Sur Internet, l'Arcom contrôlera les moyens mis en place par les plateformes en ligne (Facebook, Twitter ou YouTube) pour lutter contre la manipulation de l'information ou la diffusion de contenus haineux mais aussi pour protéger les plus jeunes, notamment en faisant respecter l'interdiction de l'accès des mineurs aux sites pornographiques , une nouvelle mission fixée par la loi cet été.
Enfin, outre ces compétences supplémentaires, l'Arcom va continuer à réguler les médias traditionnels (radios, télévisions) selon sa feuille de route initiale, soit la loi de 1986 visant la défense du pluralisme des opinions ou encore une juste représentation de la société. Cela passe par le respect des temps de parole durant la campagne présidentielle ou celle des législatives. Mais l'autorité aura aussi son mot à dire sur les grandes manoeuvres capitalistiques à l'oeuvre en 2022, notamment la fusion TF1-M6 ou l'OPA de Vivendi sur Lagardère . Tout ça, sur fond de grand débat sur la concentration des médias : une commission d'enquête est en cours au Sénat, tandis qu'un rapport gouvernemental doit être remis au premier trimestre 2022. Pour sa première année d'activité, l'Arcom ne devrait pas manquer de travail.
L'article de Chloé Woitier, Le CSA et la Hadopi fusionnent pour devenir l’Arcom, publié dans Le Figaro le 28 décembre 2021, consultable via Europresse dans les mêmes conditions que citées ci-dessus, apporte d'autres précisions :
La naissance de l'Arcom est la conséquence logique de la multiplication des missions du CSA. Au cours des trois dernières années, le gendarme de l'audiovisuel a gagné par la loi de nouvelles compétences dans les champs de la lutte contre la haine en ligne, la désinformation en période électorale, la protection des mineurs face aux sites pornographiques, les nouvelles obligations des plateformes de vidéos américaines dans le financement de la création française... Et il sera bientôt chargé de l'application en France du futur règlement européen Digital Services Act. Il était donc nécessaire que l'autorité se réorganise pour assurer ses nouvelles fonctions. Cette fusion s'accompagne ainsi de l'élargissement du collège, qui passe de 7 à 9 membres. L'ex-président de la Hadopi Denis Rapone et la conseillère à la chambre sociale de la Cour de cassation Laurence Pécaut-Rivolier ont été nommés il y a deux semaines. Les membres du collège seront renouvelés par tiers tous les deux ans et choisis par cinq autorités distinctes (Élysée, Sénat, Assemblée nationale, Conseil d'État, Cour de cassation).
Côté effectifs, l'Arcom emploiera en première année 355 salariés, qui travailleront dans les locaux de l'ex-CSA dans le 15e arrondissement de Paris. Pour l'ensemble de ses prérogatives, l'autorité sera dotée d'un budget de 46,6 millions d'euros pour l'exercice 2022. Roch-Olivier Maistre demandera « plus de moyens dès le projet de loi de finances 2023. Si nous voulons assurer nos missions de manière efficace, il faut que nous nous renforcions » . L'alter ego britannique de l'Arcom, l'Ofcom, va lui aussi gagner de nouvelles compétences dans le numérique en 2022. Et cela s'accompagne outre-Manche de la création de 300 postes dédiés exclusivement à la régulation des acteurs de la tech... ainsi que d'une enveloppe budgétaire pour recourir à des cabinets d'audit et des missions d'experts. Cette débauche de moyens est difficilement envisageable en France. Mais le président de l'Arcom plaidera pour la création d'une dizaine de nouveaux postes par an sur les trois années à venir.
Nouvelles missions
Car les salariés de l'Arcom ne manqueront pas d'occupations. Parmi leurs nouvelles missions figure la lutte contre les sites de streaming diffusant illégalement des compétitions sportives. L'autorité travaillera de concert avec les ayants droit (fédérations sportives, chaînes de télévision...) pour identifier ces sites illicites et demander aux acteurs de la publicité et des moyens de paiements de bannir cette liste noire. L'Arcom ou les ayants droit saisiront aussi la justice pour demander le blocage de ces plateformes illégales et de leurs sites miroirs pendant la durée de la compétition sportive piratée.
L'Arcom va aussi davantage superviser les réseaux sociaux. « Cette régulation est différente de celle de l'audiovisuel. Un internaute ne pourra pas saisir l'Arcom comme il signale aujourd'hui au CSA un programme télé qui le heurte. Nous ne contrôlerons pas les contenus numériques, mais nous vérifierons que les plateformes respectent leurs obligations de moyens » , souligne Roch-Olivier Maistre.
Vérifier le respect de la loi
Concrètement, dès que le décret d'application de la dite « loi sé- paratisme » sera publié, l'Arcom devra s'assurer que Facebook, Instagram, Twitter ou YouTube se conforment à leurs nouvelles obligations en matière de modération. Parmi celles-ci : expliquer aux internautes pourquoi leurs publications ont été supprimées, indiquer clairement quels types de propos sont interdits ou dévoiler les coulisses des services de modération.
L'Arcom pourra demander combien de modérateurs sont alloués au marché français et quelle part du travail est effectuée par des intelligences artificielles. La loi exige aussi la transparence sur les algorithmes de recommandation des contenus. « Ce dialogue intense et exigeant passera par des questionnaires, des rapports annuels, et surtout un pouvoir de sanction qui va modifier le rapport de force » , explique le président de l'Arcom. L'autorité pourra imposer une amende égale à 1 % du chiffre d'affaires annuel mondial des plateformes qui ne respecteront pas la loi, et qui pourra monter à 6 % en cas d'infractions répétées. Google, Facebook ou Twitter ne seront toutefois pas de nouveaux interlocuteurs pour l'Arcom. « Nous les connaissons bien depuis le vote en 2018 de la loi contre la désinformation en période électorale. Nous avons noué des relations de confiance avec les équipes françaises mais aussi américaines » , note Roch-Olivier Maistre.
Fusion du CSA et de la HAPODI : l’ARCOM aura-t-elle les moyens de ses ambitions ? publié sur le site Dalloz, revient de manière plus fine encore sur les missions de l'Arcom et les nouveaux mécanismes qui ont été mis en place pour "lutter contre toutes les formes d’atteinte aux droits des titulaires de programmes audiovisuels, culturels et sportifs sur internet" notamment sur la "liste noire", la lutte contre les sites miroirs, le référé en matière de live streaming sportif et la procédure de sanction de l’ARCOM :
Les compétences et missions de l’ARCOM
La loi n° 2021-1382 modifie l’article L. 331-13 du code de la propriété intellectuelle en énonçant les trois principales missions de l’ARCOM :
1 - une mission de protection des œuvres et objets auxquels sont attachés un droit d’auteur, un droit voisin ou un droit d’exploitation audiovisuelle mentionné à l’article L. 333-10 du code du sport, à l’égard des atteintes à ces droits commises sur les réseaux de communications électroniques utilisés pour la fourniture de services de communication au public en ligne ;
2 - une mission d’encouragement au développement de l’offre légale et d’observation de l’utilisation licite et illicite des œuvres et objectifs mentionnés au 1) ;
3 - une mission de régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques de protection et d’identification des œuvres et des objets protégés.
L’ARCOM hérite des missions jusqu’à présent confiées à la fois au CSA et à la HADOPI et devient ainsi l’organe central de régulation de la communication. La régulation audiovisuelle qui était de la compétence du CSA est étendue à l’ensemble de la communication au public par voie électronique.L’ARCOM dispose donc d’une compétence ainsi que de pouvoirs élargis : elle assurera une mission de conciliation mais sera également dotée d’un pouvoir d’information et d’enquête qu’elle exercera par le biais de ses agents. Les compétences et les pouvoirs de contrôle et d’enquête dont le CSA disposait sont modernisés.
La nouvelle autorité pourra également échanger des informations avec l’Autorité de la concurrence, notamment lorsqu’elle sera consultée pour avis sur des projets de concentration et de fusion dans le secteur de l’audiovisuel, « sans que le secret des affaires puisse y faire obstacle » (L. n° 86-1067, 30 sept. 1986, art. 41-4 mod.).
Les outils mis à la disposition de l’ARCOM pour lutter contre le piratage en ligne
[...]
L’article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle est modifié afin de prévoir un système de « liste noire » que l’ARCOM pourra rendre publique. Elle y inscrira le nom et les agissements de sites qui portent atteinte « de manière grave et répétée » aux droits d’auteur ou aux droits voisins, à partir de constats d’infractions recueillis. Cette liste pourra notamment servir d’appui pour les actions judiciaires des ayants droit.
Le deuxième mécanisme consiste à lutter contre les sites miroirs. L’article L. 331-27 du code de la propriété intellectuelle tel qu’énoncé dans la loi prévoit que lorsqu’une décision judiciaire passée en force de chose jugée ordonne toute mesure propre à empêcher l’accès à un service de communication au public en ligne, l’ARCOM peut demander à toute personne visée par cette décision d’empêcher l’accès à tout service de communication au public en ligne reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu du service condamné.
Ces outils sont destinés à lutter contre le phénomène de répétition des infractions sur internet, dans la mesure où les sanctions judiciaires de blocage ou de déréférencement des sites illicites sont facilement détournées en pratique par la création d’un nouveau site accessible par un autre nom de domaine.
Le mécanisme de réponse graduée est par ailleurs enrichi de la possibilité donnée à un ayant droit individuel de saisir directement l’ARCOM d’une demande d’intervention, alors que cette possibilité n’était auparavant donnée qu’à un organisme de gestion collective.
Enfin, il convient de saluer la précision effectuée par la loi selon laquelle le droit de s’opposer aux radiodiffusions et aux exploitations en ligne rentre dans le champ d’application du droit voisin des entreprises de communication audiovisuelle visées à l’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle ainsi que la création d’un mécanisme ad hoc de référé pour lutter contre la retransmission illicite des manifestations et compétitions sportives (live streaming), un enjeu important pour les futurs détenteurs des droits de diffusion des Jeux olympiques de 2024.
La riposte graduée de la HADOPI conservée
L’ARCOM détient un pouvoir de sanction avec notamment un système de pénalités contractuelles afin d’assurer le respect des obligations conventionnelles et inflige des sanctions proportionnées à la gravité du manquement.
Ce mécanisme de sanction n’apparaît pas différent du principe de la réponse graduée mis en place par la HADOPI : un e-mail d’avertissement était adressé à l’internaute pour un téléchargement illégal, en cas de récidive dans les six mois, un deuxième avertissement, en cas de troisième récidive dans les douze mois, le cas était examiné par la commission qui pouvait saisir le tribunal du dossier. L’internaute encourrait alors une amende de 1 500 €. Or le bilan de la HADOPI, onze ans après sa création, est extrêmement mitigé et on peut se poser la question de la pertinence du maintien de cette riposte en matière de piratage sur internet.
La procédure de sanction de l’ARCOM comprendra trois étapes : l’envoi d’une mise en demeure par le collège de l’autorité de régulation, le déclenchement d’une procédure de poursuites par un rapporteur indépendant désigné par le vice-président du Conseil d’État, le prononcé de la sanction par le collège de l’autorité.
Pour en savoir plus la protection de la création, vous pouvez vous rendre sur la page Promotion et protection de la création du site de l'Arcam.
Conviée par l'Arcom, la presse a été informée des premiers résultats depuis la création de cet organe de contrôle :
L’Arcom fait disparaître 250 plateformes
Grâce à ces deux nouveaux outils, l’Arcom se félicite d’avoir abouti à cinq décisions de justice. Elles ont été rendues pour des acteurs comme la LFP (Ligue de Football Professionnel) et des diffuseurs, Canal + et beIN Sports. Leurs requêtes ont porté sur des rediffusions illicites de compétitions comme le Top 14, la Ligue des Champions, la Coupe d’Afrique des nations, la Ligue 1, et la Ligue 2.À eux seuls, ces cinq jugements auront permis de mettre fin à 250 services de contenus sportifs illégaux. L’Arcom estime que cela représente 63% des audiences, presque deux tiers.
Cependant, l’Autorité note qu’elle peut encore mieux faire. En effet, pour elle, la clé réside dans la rapidité d’action, essentielle dans le cas des diffusions d’événements sportifs. Denis Rapone déplore des blocages arrivant parfois « quelques heures seulement après la saisine ».
Si ce premier bilan va dans le bon sens, l’Arcom a rappelé en conclusion qu’elle avait d’autres missions, notamment celle de la lutte contre le piratage d’œuvres culturelles. Néanmoins, elle souhaite disposer d’outils techniques et législatifs plus aboutis.
Source : Arcom : quel bilan après 100 jours d’activités ?, Valentin Blanchot, Siècle Digital, avril 2022
Pour connaître les résultats de la protection des droits sur internet par l'Arcom, il faudra attendre que 2022 soit écoulée afin d'avoir son rapport d'activités ou son bilan annuel.
Bonne journée.
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