Question d'origine :
Comment savoir quand abandonner ? (Ambitions, relations, travail etc...)
Réponse du Guichet
Face à ce choix, plusieurs options s'offrent à vous : pile ou face, la réflexion, le lâcher prise ou encore l'anticipation.
Bonjour,
Abandonner c'est renoncer volontairement, et c'est trouver la force de changer une situation qui ne vous convient pas ou plus. Dans son ouvrage intitulé Le changement personnel, Nicolas Marquis, professeur de sociologie et de méthodologie à l'université Saint-Louis (Bruxelles), explique :
Face à une grande épreuve, plutôt que de combattre il peut être bon de fuir. Nombre d'élèves de classes préparatoires aux grandes écoles, sentant qu'ils ne pourront pas tenir le rythme de travail, "décrochent" avant la fin ; de plus en plus nombreux sont les cadres salariés, surmenés et surbookés, qui décident de quitter leur emploi pour changer de vie? Dans les couples, quand on ne s'entend plus, il n'est plus de mise de chercher à tout prix à recoller les morceaux ; on se sépare. Dans son Eloge de la fuite, H. Laborit rappelle que la fuite a quelque chose de sain et salutaire.
La fuite n'est pas forcément de la lâcheté : c'est une condition de survie dans le monde vivant. Il n'est pas lâche de vouloir changer d'études si l'on s'est rendu compte qu'elles ne correspondaient pas à ses attentes. Prendre le large, changer de travail, quitter une relation de couple devenue invivable... L'exil, l'évasion et le départ pour un nouveau milieu sont l'un des moteurs de l'histoire humaine. Il existe plusieurs façons de fuir : le départ, la démission, l'abandon, la fugue, l'exil, l'arrêt. Des doctorants abandonnent leur thèse, des femmes quittent leur mari, des pères fuient leur foeyer, des salariés démissionnent ou se font mettre en longue maladie, des élèves sèchent les cours, des adlescents fuguent, des émigrés fuient leur région, etc.
La fuite n'est pas toujours un échec : on peut chercher à s'échapper vers le haut (l'ascension sociale en est un moyen). On peut profiter d'un départ pour construire une nouvelle vie : c'est le grand espoir des immigrés pauvres. Quand une porte se ferme, une autre s'ouvre. Voilà ce que ressentent beaucoup de femmes divorcées. Après une première phase difficile, elles considèrent après coup que leur décision de rompre a été une bonne décision qui les a "libérées". Il n'est peut être pas toujours bon de chercher à résoudre les problèmes. Parfois, il est plus sain d'abandonner. La fuite peut donc être un acte positif, même si elle emporte souvent avec elle un parfum d'échec ou de culpabilité.
Face à un choix aussi cornélien que celui de l'abandon, certains conseillent le pile ou face :
Comment savoir si cela vaut la peine d’abandonner ?
Steven Levitt et Stephen Dubner ont mis sur pied un site Web – Freakonomics Experiments – dans lequel ils proposent aux indécis d’effectuer un tirage au sort à pile ou face. «Parfois, dans la vie, on se retrouve face à une décision de taille et on ne sait pas quoi faire, disent-ils. Vous avez retourné la question dans tous les sens mais quoi que vous fassiez, aucune décision ne semble être la bonne. Au final, quelle que soit la décision, ce sera quasiment comme si vous aviez tiré à pile ou face.»
source : Abandonner: un ingrédient essentiel du succès / Amanda Castillo - le Temps - jeudi 19 mai 2016
On peut aussi tenter de se poser les bonnes questions, peser le pour et le contre afin de prendre une décision avisée. Dans certaines circonstances, il est aussi conseillé d'anticiper le creux de la vague. Voici ce qu'explique Seth Godin dans son ouvrage intitulé The Dip A Little Book That Teaches You When to Quit (and When to Stick) (nous traduisons) :
Seth Godin, auteur de The Dip : A Little Book That Teaches You When to Quit (and When to Stick), soutient que nous devrions envisager d'arrêter lorsque nous commençons une nouvelle activité. Pourquoi? Parce que toute entreprise atteint un point bas - Godin appelle cela le DIP - où le but semble inatteignable et le travail pour y arriver fatigant et éprouvant. [...] Si nous prévoyons le DIP à l'avance, nous pouvons nous équiper pour atteindre le succès. À l'inverse, en anticipant ce creux, nous pouvons également réaliser que l'effort ne vaut pas les sacrifices que nous aurions à faire pour le surmonter. Regardez les exemples de personnes qui ont fait ce que vous vouliez faire. Envie d'apprendre le skate à l'âge adulte ? Parlez aux personnes qui l'ont essayé. Est-ce que leurs creux sont venus quand ils se sont foulé la cheville et se sont cogné les coudes ? Ou quand ils ne pouvaient pas venir après des mois d'entraînement ? Ont-ils continué ou abandonné ? Et êtes-vous prêt à risquer une blessure? Que vous le soyez dépend de vous, mais il est préférable de le savoir à l'avance. "Lorsque Twitter est arrivé, j'ai réalisé qu'il fallait quelques heures par jour pour bien le faire et attirer un grand nombre d'abonnés. Alors je ne l'ai pas fait", déclare Godin. "Pourquoi devrais-je prendre des heures sur l'écriture dans laquelle je suis bon pour pouvoir être médiocre dans autre chose?"
SORTIR DE LA HONTE
Au lieu d'assimiler l'abandon à l'échec, considérez-le comme un changement de vitesse et un décrochage. Les hommes d'affaires prospères abandonnent tout le temps. Si un projet ne se déroule pas comme prévu, ils soldent et investissent dans autre chose. Arrêter, c'est réinvestir. À moins que vous ne laissiez d'autres personnes dans une situation difficile ou dangereuse ou que vous rompiez des promesses, il n'y a pas de honte à ce que Will Meek, Ph.D., psychologue en pratique privée à Vancouver, Washington, appelle l'abandon stratégique. "L'arrêt stratégique, c'est faire un choix fier d'admettre que quelque chose ne marche pas et d'aller dans une direction différente. C'est prendre la décision de consacrer son énergie à quelque chose de plus épanouissant." L'arrêt stratégique est aussi une question de timing : "Vous voulez arrêter avant de n'avoir plus le choix." Une fois que vous avez fait l'acte, gardez la culpabilité et la honte à distance. Rappelez-vous que vous avez pris une décision éclairée et rationnelle qui respecte votre temps, votre argent et vos talents. "Être un bon "lâcheur" est une compétence de vie très importante", déclare Streep. "C'est la capacité de lâcher prise proprement."
QUITTE TANT QUE TU AS DE L'AVANCE
Bien que l'idiome ne soit pas vrai dans tous les cas, c'est un bon conseil pour beaucoup. Une fois que vous avez atteint le niveau de succès que vous espériez dans un domaine, que ce soit le tir à l'arc ou l'économie appliquée, il est peut-être temps de passer à autre chose, du moins temporairement. Notre cerveau fonctionne mieux lorsque la tâche à accomplir est légèrement plus difficile que nos compétences perçues, déclare Mihaly Csikszentmihalyi, Ph.D., célèbre psychologue positif et auteur de Flow : The Psychology of Optimal Experience. Une fois que nos compétences ont dépassé la difficulté, notre cerveau entre dans des états d'ennui et d'apathie. (Lorsque le défi dépasse nos compétences, nous ressentons de l'inquiétude et de l'anxiété.) Pour vous sentir pleinement engagé et stimulé par vos activités personnelles ou professionnelles, vous devrez peut-être abandonner, même si tout semble aller à merveille.
Posez-vous ces questions pour voir si vous êtes prêt pour la prochaine entreprise :
* Etes-vous encore en train d'apprendre ? Y a-t-il plus à apprendre ?
* Trouvez-vous que le temps passe vite lorsque vous êtes engagé dans l'activité/le travail ?
* Êtes-vous capable de vous concentrer pendant des périodes prolongées sur votre activité/travail ?
* Avez-vous d'autres objectifs au sein de cette activité/travail que vous souhaitez atteindre ?
Si vous avez répondu non, vous êtes peut-être en avance et il est peut-être temps d'arrêter.
source : Quit to win: contrary to popular advice, throwing in the towel doesn't always mean you lose. - Success - 1 octobre 2016
Lire aussi :
- Le DIP de Seth Godin – les points clés du livre
- Le Dip : Quand faut-il abandonner ou persévérer ?
Dans le bouddhisme, la notion de renoncement correspond au lâcher-prise. Nous vous proposons ici quelques ouvrages sur l'abandon vu sous un angle plus spirituel :
Le principe du petit pingouin : apprenez à lâcher prise / Denis Doucet
Guide de développement personnel pour arrêter de se perdre en voulant trop s'adapter à toutes les situations, et pour apprendre à être à l'écoute de ses besoins profonds.
Comment ne pas se rendre malheureux pour rien / Arthur Schopenhauer ; présenté par Jérôme Ferrari
Un recueil de textes du philosophe allemand extraits de Le monde comme volonté et comme représentation et de Aphorismes sur la sagesse dans la vie. Il y invite à cesser de courir après le bonheur qui est une chimère. Il explique que seuls le renoncement et le lâcher prise peuvent conduire à la véritable sagesse.
Entre désir et renoncement / sous la dir. de Marie de Solemne
La clarification de ce qu'est le désir est au coeur de cet ouvrage qui réunit des grands noms de la psychanalyse, de la littérature, de la philosophie et de la spiritualité. Une réflexion sur la relation désir-renoncement qui reflète ce que chacun peut vivre au quotidien dans sa vie intime, familiale ou professionnelle.
Quelques articles pour aller plus loin :
- Apprendre à renoncer / Laurence Lemoine
- Apprendre à renoncer – de l’art de la guerre à la gestion des risques / Benjamin PELLETIER
- Reconversion : Comment savoir s’il est nécessaire de renoncer ?
Bonne journée