Comment qualifier cette qualité de bon.ne enquêteur-trice de sondages ?
Question d'origine :
Bonjour,
merci pour votre précédente réponse ! Je me demande aujourd'hui comment s'appel le principe suivant que la petite histoire ci dessous va illustrer.
- Supposons que je suis un.e enqueteur.rice qui doit récolter des réponses à un sondage dans la rue. J'ai l'habitude de faire ça, -si ce n'est mon métier- je dois tenter d'obtenir des réponses des passant.es, disons peut être une centaine de fois par jour. Je suis donc spécialisé.e dans disons, "l'offensive".
- Donc moi, enqueteur.rice, j'ai une telle habitude de cherche à obtenir des réponses auprés de passant.es, qui fait que ma technique tant à s'améliorer énormément et devenir à terme "infaillible" (d'une certaine maniére).
- A l'inverse, chaque personne lambda, que je vais interroger, ne sais pas comment réagir face à moi. En effet, cette personne ne passe pas son temps à se défendre -c'est la partie "défensive"- contre des gens qui lui demandent de répondre à un sondage et auquel peut être quelle ne veut pas répondre (il faut évidement de la tension entre les deux parties pour faire apparaitre le phénoméne)
- Alors ma question formalisée est la suivante : comment s'appel ce principe, s'il est nommé (ce que j'imagine)? Ce principe théorique qui fait qu'en me spécialisant (ici dans l'offensive du sondage), j'ai forcément plus d'entrainement et de "force" pour accomplir ma tache face à un individu lambda (défensif, à qui je pose des questions)?
Je devrais donc forcément gagner le duel, si nous résumions simplement. Dans la vie de notre société, j'ai l'impression que tout est duel entre gens sur-entrainés par leur métiers et des individus lambdas. Sachant par ailleurs qu'un individus est lambda dans une situation donnée, mais par ailleurs spécialiste dans SA situation favorable.
Nous sommes chacun.e spécialiste d'un domaine et plus fort.es dans ce domaine que presque tou.tes les autres. Alors, cela nous méne t-il à tirer partit de cette spécialisation 1 fois, pour perdre les 99 autres fois sur d'autres domaines, où chaque autre personne sera plus spécialisée que nous?
Merci et bonne journée,
B.L
Réponse du Guichet

Cette "force" que vous semblez maitriser s'appelle la persuasion et a été théorisée par plusieurs chercheurs en psychologie sociale.
Bonjour,
Si l'amélioration de vos compétences d'enquêteur-trice s'est faite de manière empirique, on peut dire qu'à l'image des personnes travaillant dans les secteurs du commerce ou du droit, vous avez développé des compétences intuitives de la persuasion ; au contraire des publicitaires, des psychologues ou des professionnels de la communication, qui ont étudié la persuasion de manière systématique.
Vous avez su déployer des techniques de communication efficaces voire "infaillibles" (d'après vous !) qui vous permettent d'obtenir un changement d'attitude de la part des passant.tes qui a priori n'ont pas envie de répondre à un sondage.
Le récepteur (votre interlocuteur-trice) n'avait pas prévu de vous répondre mais face à la persuasion de l'émetteur (vous), il accepte de le faire.
Dans la situation typique où la persuasion est possible, une personne ou un groupe de personnes (le récepteur ou l’auditoire) reçoit un message (une communication persuasive) d’une autre personne ou groupe de personnes (la source) dans une situation particulière (le contexte). Une persuasion est dite efficace lorsque les attitudes du récepteur sont modifiées dans la direction souhaitée. Même si l’on peut chercher à persuader autrui d’adopter des croyances, des émotions, des attitudes ou des comportements différents, la recherche sur la persuasion s’est plutôt concentrée sur le changement d’attitude (autrement dit sur le changement d’appréciation d’un sujet concernant un problème, une personne ou un objet), parce que les émotions, croyances et tendances comportementales font partie des appréciations générales des individus (Zanna et Rempel 1988), tandis que les attitudes peuvent à leur tour influer sur la manière d’agir (approche ou évitement), de sentir (joie ou tristesse) et de penser (être en accord ou en désaccord) des gens (Maio et Olson 2000).
source à consulter dans son intégralité : « Mécanismes psychologiques de la persuasion » / Petty Richard E, Briñol Pablo - Diogène, 2007/1 (n° 217), P. 58-78
Les principales théories de la persuasion en psychologie sociale sont présentées dans l'article d'Ivana MARKOVA intitulé « Persuasion et psychologie sociale », (Diogène, 2007/1 (n° 217), p. 3-6) :
On trouve une section ou un chapitre consacré à la persuasion dans la plupart des manuels de psychologie sociale. Dans le récent The Persuasion Handbook ; Developments in Theory and Practice (Dillard et Pfau 2002) qui se compose de 874 pages et est censé refléter l’état actuel de la recherche, les auteurs rappellent qu’au milieu du xxe siècle « les méthodes des sciences sociales, se servant à la fois de théories abstraites et d’un travail systématique d’observation, se sont progressivement développées » et que ce manuel « présente la perspective la plus récente en science de la communication » (Dillard et Pfau 2002, pp. ix-x). D’un point de vue conceptuel, cette perspective naît des imposants travaux sur la persuasion de masse, l’étude quantificative des attitudes et la prévision des comportements qui ont été menés sur les soldats américains pendant la Deuxième guerre mondiale. Ce travail massif a été à l’origine des études ultérieures réalisées par Carl Hovland et qui ont donné naissance, après la guerre, au célèbre Yale Communication Program (ycp). Ce programme prenait pour point de départ de l’étude de la persuasion la célèbre formulation de Lasswell : « Qui dit quoi, à qui et avec quel effet ? ». Les recherches générées par le ycp au cours des années cinquante et soixante ont attiré nombre d’excellents psychologues sociaux vers les États-Unis. Le modèle communicatif sur lequel il s’appuyait affirmait que le fait d’« être persuadé » désigne des situations où l’on modifie le comportement du récepteur à travers des transactions symboliques (des messages). Ces dernières agissaient par attrait et force coercitive sur la raison et les émotions de la personne en train d’« être persuadée » (Miller 1980/2002). Ce modèle présuppose qu’un individu, grâce à sa faculté de raisonner logiquement, accepte l’information, l’évalue, l’élabore et en tire des conclusions logiques. Des théories classiques de la psychologie sociale expérimentale, telles que la dissonance, le changement d’attitude, la théorie de l’inoculation, le modèle elm (Elaboration Likelihood Model) et tant d’autres procèdent d’élaborations et de développements de cette approche.
Pour imposant qu’il soit, ce modèle ne raconte qu’une partie de l’histoire de la persuasion dans la psychologie sociale contemporaine. D’autres théories de la persuasion se sont développées à partir d’hypothèses différentes, se tournant vers le rôle de la persuasion dans les sociétés complexes d’aujourd’hui, dans la technologie et dans les médias. Ces approches se focalisent moins sur le changement d’attitudes que sur la communication, l’influence sociale et les processus groupaux. Les articles qui forment ce numéro de la revue Diogène reflètent cette diversité d’approches. On y trouvera à la fois des études consacrées à des recherches axées sur les attitudes et le changement d’attitudes et des articles focalisés sur l’étude de l’influence et de la communication.
Richard Petty et Pablo Briñol présentent une tendance actuelle de la psychologie sociale qui se propose d’expliquer les processus psychologiques sous-jacents aux changements d’attitude. Ils esquissent également un cadre théorique permettant d’expliquer les conditions sous lesquelles les différents mécanismes persuasifs sont susceptibles d’influencer le jugement des gens et examinent minutieusement les variables dont se composent les mécanismes psychologiques qui entrent en jeu dans le processus persuasif. Ils articulent ce processus en différentes catégories signifiantes et fournissent de la sorte un guide permettant d’organiser et faciliter l’accès aux principales publications en la matière.
Cependant, la plupart des auteurs abordent la persuasion sous l’angle des processus d’influence et de communication sociale, et le font à partir de perspectives différentes. Jorge Jesuino aborde la question des rapports existant entre l’influence sociale et la persuasion. Il met en présence, dans le domaine des recherches sur l’influence, les modèles américains et européens, ces derniers se concentrant sur les processus et la polarisation de groupe. Jesuino affirme que les travaux sur la persuasion devraient se centrer davantage sur la construction de la signification par les sujets, selon le modèle, par exemple, d’un constructivisme dialogique à la Piaget, Bakhtine, Vygotsky et Moscovici.
Martin Bauer fait valoir le caractère partiel d’une explication de l’influence sociale axée sur l’intersubjectivité et suggère que la théorie de l’influence sociale devrait aussi inclure l’idée d’interobjectivité. Il traite de l’influence sociale à partir du phénomène du fait accompli, auquel la psychologie sociale devrait accorder une attention accrue dans le contexte technologique contemporain, où les relations interpersonnelles passent de plus en plus par la médiation des objets et des artefacts.
A lire aussi :
- Psychologie de la persuasion et de l’engagement / Fabien Girandola et notamment le chapitre 4 : Les principaux modèles théoriques du changement d’attitude en situation de persuasion
- Influence et manipulation : la psychologie de la persuasion / Robert B. Cialdini
- autres ouvrages sur la persuasion à la bibliothèque
- Étude de la communication duale : pour un modèle théorique. / Guislain Georges - In: Équivalences, 19e année-n°1-2, 1990. Didactica de la ensenenza del español como lengua extranjera, sous la direction de Antonio Argüeso. pp. 11-32.
- Persuasion et Influence : changer les attitudes, changer les comportements. Regards de la psychologie sociale / Valérie Fointiat, Laura Barbier
- Attitudes et comportements : comprendre et changer
- quelques vidéos sur le sujet : la persuasion, réalisées par Guillaume Cosnier
Bonne journée.