Pourquoi les jeunes hommes ne veulent-ils pas d'enfants ?
Question d'origine :
Comment se fait-il que les hommes jeunes de 25 à 30 ans ne veulent pas entendre parler de mariage et de fonder une famille mais quand ils ont 60 ans ils sont profondément touchés quand un gamin de 5 ans les embrasse ou leur pose une question innocente. C'est complètement contradictoire car la nature leur donne la vitalité et la possibilité de procréer à 25 – 30 ans mais ils ne veulent rien entendre car ils veulent arpenter la planète. Et quand ils sont plus enfin «prêts» sur le plan émotionnel, ils ne peuvent être pères «naturellement»?? C'et complètement contradictoire??
Réponse du Guichet
S’il est vrai que pour des raisons en partie biologiques (fertilité plus longue) mais aussi psychologiques et sociales (maturité, envie de liberté), les hommes ont tendance à désirer avoir un enfant plus tardivement que les femmes, il faut nuancer cette affirmation un peu généraliste, car globalement les personnes qui ne désirent pas d’enfant sont minoritaires.
Bonjour,
Le désir d’un enfant ou non chez l’homme ou la femme est lié à de nombreux éléments (psychologiques, biologiques, sociaux…) qu’il serait impossible d’évoquer dans cette réponse.
Cependant, concernant le fait que les jeunes hommes entre 25 et 30 ans ne veuillent pas «fonder une famille», il faut prendre en compte que si la fertilité masculine a diminué et diminue avec l’âge, celle-ci reste plus longue que celle des femmes, ce qui peut expliquer leur moindre empressement à désirer un enfant entre 25 et 30 ans et leur volonté d’attendre un âge plus mature, où la naissance d’un enfant sera vécue comme moins «contraignante». Ainsi, l’ouvrage Désir d'enfant de René Frydman, Marcel Rufo et Christine Schilte (2013), nous indique : «Le désir de paternité se révèle beaucoup plus tard dans la vie d’un homme. Désirer être père et le devenir, au même titre que devenir mère, représente un nouvel engagement dans la vie de l’homme, une nouvelle aventure parfaitement réfléchie puisqu’elle est le résultat d’une maturation psychique.»
C’est ce que dit aussi Alain Héril dans son livre Dans la tête des hommes : «il est évident qu’un homme peut-être père avant tente ans, néanmoins je pars du postulat d’une paternité qui s’accomplirait après cet âge symbolique de la trentaine, car c’est statistiquement l’âge le plus fréquent de l’entrée en paternité…»
Ainsi, si un jeune entre 25 et 30 ans ne désire pas d’enfants pour profiter de sa liberté, cela ne veut pas dire qu’il n’en aura pas par la suite. Si certains affirment un refus plus catégorique et à long terme, il semble important de regarder quelques chiffres qui permettront de relativiser cette affirmation un peu générale selon laquelle «les hommes jeunes de 25 à 30 ans ne veulent pas entendre parler de mariage et de fonder une famille».
Certes, selon la sociologue Anne Gotman dans Ces hommes qui ne veulent pas d'enfants, il y a plus d’hommes que de femmes qui ne désirent pas d’enfants et les motifs diffèrent : «Les hommes souhaitent garder leur liberté de manœuvre, continuer d’être indépendants et ne pas se sentir pris au piège alors que les femmes sont plus dans une revendication d’égalité. Elles souhaitent accéder à cette liberté jusqu’alors réservée aux hommes, sans charges, ni soucis». Mais en réalité, les chiffres sont très bas.
Voici, en effet ce que dit une enquête (réalisée en 2010) Rester sans enfant : un choix de vie à contre-courant : «D’après les données quantitatives de l’enquête Fecond, 6,3 % des hommes et 4,3 % des femmes déclarent ne pas avoir d’enfant et ne pas en vouloir. Il est sans doute moins stigmatisant pour les hommes d’assumer ce choix que pour les femmes, étant donné les rôles encore assignés à chacun des sexes. [...] Les raisons « libertaires » regroupent le fait d’être bien sans enfant, de vouloir rester libre, d’avoir d’autres priorités. Ces raisons sont très souvent mises en avant dans le projet de rester sans enfant. Huit fois sur dix, femmes (79 %) et hommes (83 %) déclarent « être bien sans enfant ». C’est donc la notion d’épanouissement personnel qui transparaît ici». Cependant elle conclue en disant : «En France, choisir de rester sans enfant est un choix minoritaire dont la fréquence de déclaration n’a pas augmenté depuis deux décennies.»
Aujourd'hui, un nouvel argument apparaît chez les jeunes qui ne désirent pas avoir d'enfant, c'est celui du souci de l'environnement et de l'angoisse de l'avenir, ainsi ils ne veulent pas d'enfant non pas pour arpenter la planète mais pour la sauver. Vous pouvez écouter à ce sujet ces deux podcast : Non merci, pas d’enfant de l'émission LSD sur France Culture et Les Ginks, ils ne veulent pas d’enfants, ça pollue ! sur France Inter.
Cependant, d’autres diront que les nouvelles façons d’être parent aujourd’hui et notamment d’être père, et les changements sociétaux (égalité hommes/femmes, rapport au travail, environnement…) font que certains jeunes hommes veulent être père plus tôt : « Les hommes de 20-30 ans exprimant aussi fort leur envie d’enfant sont encore minoritaires, souligne le psychanalyste et sexothérapeute Alain Héril, mais ils sont de plus en plus nombreux, et disent quelque chose des mouvements de notre société. Notamment que le rapport au travail et au couple a changé : la vie professionnelle est devenue si incertaine que le besoin de sécurisation et d’engagement se cherche plutôt dans la sphère privée», dans Paternité : le désir d’enfant gagne les hommes.
Enfin, cette enquête Fort désir d'enfant, Fécondité en baisse: que se passe-t-il ? semble dire que le désir d’enfant n’a pas diminué même si la fécondité a baissé.
Pour aller plus loin :
Pas d’enfant, la volonté de ne pas engendrer, Anne Gotman
Pour une approche psychologique : Paternités : figures contemporaines de la fonction paternelle / Daniel Coum(une petite partie sur le désir d’enfant)
Ne pas vouloir d'enfants, un choix encore tabou, article sur France Info
Le choix d'une vie sans enfant / Charlotte Debest
Avoir des enfants dans un monde en péril ? les clés d'un enjeu de société / Luka Cisot
Désir d'enfant : 15 histoires pour questionner et mieux vivre son rapport à la parentalité / Mathilde Bouychou
Très peu de couples restent volontairement sans enfant, Laurent Toulemon, article dans la revue Population, 1995