Quelles sont les valeurs relatives à l'euthanasie ?
Question d'origine :
Quelles sont les différentes valeur par rapport à l'euthanasie?
Réponse du Guichet
L'aide active à mourir regroupe deux principaux dispositifs (euthanasie et assistance au suicide) qui ne recouvrent pas les mêmes réalités et posent différentes questions. Toujours interdits en France, ces pratiques ont trouvé dans la Convention citoyenne sur la fin de vie un allier de poids pour leur promotion. La reconaissance de l'autonomie et de la liberté individuelle des malades ainsi que le droit de disposer de sa fin de vie dans la dignité font partir de leurs principaux arguments.
Bonjour,
La dernière session de la Convention citoyenne sur la fin de vie s'est prononcée, le 2 avril 2023, en faveur d'une ouverture conditionnée de l'aide à mourir, relançant par la même occasion les débats en France autour du droit à mourir dans la dignité et par opposition à la notion du "mal mourir" (lire le rapport de la députée Caroline Fiat, 2018) que caractériseraient la fin de vie de certains malades, soignés à domicile ou dans les hôpitaux français.
Selon le Code de la santé publique, la fin de vie désigne les moments qui précèdent le décès d’une personne "en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable qu’elle qu’en soit la cause". Les symptômes ressentis sont parfois si douloureux ou dégradants qu'ils sont jugés indignes d'être vécus par les patients, déplaçant ainsi le débat sur le domaine de l'éthique.
En France ces questions reviennent avec récurrence dans le débat public, alimentant une foule de débats houleux à l'Assemblée nationale et plus largement au sein de la population française. Pourtant les pouvoirs publics n'ont pas légiféré en faveur de l'euthanasie, à savoir l'utilisation "de procédés qui permettent de hâter ou de provoquer la mort de malades incurables qui souffrent et souhaitent mourir" (Cf. Le Robert), ni en faveur de l'assistance au suicide, qui permet de donner les moyens à une personne de se suicider elle même à l'aide d'un produit médicamenteux létal préalablement délivré. Ces deux notions, considérées comme les deux déclinaisons principales de ce que l'on appelle "l'aide active à mourir", se distinguent. L'euthanasie implique une participation active du personnel soignant dans l'administration du produit létal tandis que l'assistance au suicide ne se réduit justement qu'à une simple "assistance". Mais bien que ces pratiques soient encore interdites, la France a, depuis des années, mis en place un arsenal juridique permettant de mieux accompagner la fin de vie des malades. Petit tour d'horizon :
- La loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs. Le code de la santé publique définit ainsi les soins palliatifs "des soins actifs et continus (...) Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage".
- La loi Leonetti (2005) dispose que les actes médicaux "ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant des soins palliatifs".
- La loi du 2 février 2016 dite "Claeys-Leonetti" pose le principe que toute personne à droit à une fin de vie digne et apaisée. Cette loi autorise l'administration "à la demande du patient et jusqu'au décès, d’une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience, associée à une analgésie et à l’arrêt des traitements. La mise en œuvre de la sédation profonde est limitée à certains cas : patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme et présentant une souffrance réfractaire aux traitements, si l’arrêt d’un traitement est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable" (cf.Vie publique)
Ces dispositions suscitent encore la controverse. Même si la loi restreint et conditionne la "sédation profonde et continue" à quelques cas, elle permet de donner la mort au patient en le plongeant dans un coma artificiel en cessant toutes pratiques de soin ainsi que toutes formes d'hydratation et de nutrition. L'association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), qui milite pour la dépénalisation de l'euthanasie et/ou du suicide assisté déplore ce dispositif. Elle estime que l'absence de souffrance du patient n'est pas prouvée et affirme que ce dernier ne décède pas des suites de sa maladie mais plutôt d'une insuffisance rénale sévère liée à sa déshydratation.
L'ADMD défend donc l'euthanasie (qui étymologiquement signifie "bonne mort", du grec "eu" (bon) et "thanatos" (mort)) et plus largement l'aide active à mourir (euthanasie et l'assistance au suicide), tout comme la Convention citoyenne qui conclut dans son rapport final à la nécessité de mettre en place ces deux dispositifs, dans la mesure où seulement l'un ou l'autre ne suffiraient pas à répondre à l'ensemble des problèmes rencontrés. Voici un résumé de leurs arguments :
- L’aide active à mourir répond à des situations de souffrances mal couvertes par le cadre d’accompagnement actuel. "Elle permet d’apporter des réponses à des situations de fin de vie jugées « invivables » qui génèrent des demandes d’aide à mourir"
- L’aide active à mourir est complémentaire des soins palliatifs. "Elle n’est pas contradictoire avec le respect de la vie et s’inscrit dans un projet de soins global. Elle est complémentaire avec les soins palliatifs et constitue une possibilité supplémentaire offerte aux patients leur permettant d’exercer un choix".
- L’aide active à mourir vient combler les limites de la sédation profonde et continue jusqu’au décès. “la sédation profonde et continue ne peut concerner qu’une période relativement courte de la fin de vie, car le médicament utilisé a un effet limité dans le temps : assez vite, celui-ci perd de son efficacité. La sédation profonde et continue ne peut donc être prolongée au-delà de quelques jours”. L’aide active à mourir, outre qu’elle limite les situations de souffrance, réduit le temps de l’agonie – temps précédant le décès.
- L’aide active à mourir respecte la liberté de choix des individus. "L’ouverture à l’aide active à mourir offre la possibilité de préparer sa mort dans un cadre sécurisé et de pouvoir inclure ses proches dans le processus de fin de vie. Elle permet aux personnes concernées, d’une part, de décider des conditions de leur fin de vie et, d’autre part, de choisir l’état et l’image qu’elles souhaitent laisser d’elles-mêmes à leur entourage au moment de leur mort".
- L’aide active à mourir met fin aux situations d’hypocrisie. "Dans les faits, l’euthanasie passive ou illégale existe déjà ; la mettre en œuvre, c’est faire entrer dans le droit une réalité, c’est éviter l’hypocrisie et protéger le corps médical".
- L’aide active à mourir contribue à rassurer les personnes en fin de vie. "La possibilité d’une aide active à mourir, même si celle-ci n’est pas demandée, rassure les personnes en fin de vie : elle est le recours possible face à des situations de souffrance jugées invivables".
- L’aide active à mourir permet une fin de vie accompagnée. "Pour nous, l’aide active à mourir est un gage de fraternité et de solidarité. C’est un moment choisi et un moment accompagné. Elle a vocation à limiter les suicides et les traumatismes qui y sont liés, tant pour la personne que pour son entourage. Elle est aussi un moyen de lever le tabou de la mort dans notre société".
Pour prolonger votre cheminement personnel voici d'autres sources, volontairement contradictoires, qui pourraient vous aider :
Articles :
DOURLEN-ROLLIER, Anne-Marie : Il faut dépénaliser l'euthanasie, voici pourquoi.
HINTERMEYER, Pascal : Succès et limites de l'euthanasie. Le développement d'un militantisme de la mort. Avec une approche plus philosophique et sociétale de la question.
Ouvrages :
DEVOS, Timothy : Euthanise : l'envers du décor. Réflexions et témoignages de soignants
LE MORHEDEC, Erwan : Fin de vie en République, avant d'éteindre la lumière
RICOT, Jacques : Penser la fin de vie, l'éthique au coeur d'un choix de société
Rapport :
En espérant avoir répondu à votre question, nous vous souhaitons de bonnes fêtes.