Quelles sont les origines les plus anciennes de la fête de la chandeleur ?
Question d'origine :
Quelles sont les origines les plus anciennes de la fête de la chandeleur ?
Réponse du Guichet
La fête de la chandeleur, si elle fait partie de la liturgie chrétienne, puise certains de ses aspects à des sources antérieures, notamment les cultes romains et le paganisme européen.
Bonjour,
Vous souhaitez savoir quelles sont les origines les plus anciennes de la chandeleur.
Dans la liturgie chrétienne, la chandeleur est la fête de la «présentation de Jésus au temple», durant laquelle ses parents le conduisirent au temple pour le consacrer au seigneur, comme il était de coutume pour le garçon premier né selon la loi juive. D’après Luc (Luc 2, 29-32), Syméon, un vieillard juste et pieux, tenant Jésus dans ses bras, aurait alors déclaré:
Maintenant, Maître,
c'est en paix
comme tu l'as dit,
que tu renvoies ton serviteur.
Car mes yeux ont vu ton salut,
que tu as préparé
face à tous les peuples,
lumière pour la révélation aux païens
et gloire d'Israël ton peuple.
Ces paroles, reconnaissant Jésus comme Lumière, auraient donné l’autre nom de cette fête, Chandeleur. Le terme proviendrait de l’expression latine «Festa Candelarum», signifiant «Fête des chandelles». Au cours de cette fête, les chrétiens bénissent des cierges pour rappeler que Jésus est lumière du monde.
La Croix a consacré en 2005 un article aux origines et à la liturgie de la Chandeleur (Lien abonné).
Y est décrite la célébration de cette fête à l’église :
La célébration commence par une bénédiction de cierges et une procession de la lumière. Les torches sont remplacées par des chandelles bénies que l'on conserve allumées, autant pour signifier la lumière que pour éloigner le malin, les orages, la mort, etc. et invoquer les bons augures à veiller sur les semailles d'hiver qui produiront les bonnes moissons de l'été prochain. Les cierges bénis sont emportés dans les foyers pour le protéger.
Les processions aux chandelles qui caractérisent cette fête auraient été instituées au Ve siècle, par le pape Gélase Ier. Comme souvent, l’Église cherchait alors à rattacher à la chrétienté des rites populaires bien antérieurs.
Michel Pastoureau aborde ses origines païennes dans son ouvrage L'ours : histoire d'un roi déchu (pp. 149-152).
Selon lui, la mise en place de cette fête s’inscrirait dans un une volonté de l’église de remplacer des fêtes qui se déroulaient une quarantaine de jours après le solstice d’hiver, soit à la toute fin de janvier ou au tout début de février. Ces célébrations prendraient leur source d’une part dans les lupercales romaines, qui étaient accompagnées de rites de fécondité, et dans le terreau païen des sociétés européennes antiques.
À cette date, l’ours était réputé sortir de sa tanière pour décider de la poursuite ou non de son hibernation : si le soleil brillait, il estimait que l’hiver n’était pas terminé et replongeait dans le sommeil pour quarante jours supplémentaires. Au contraire, si le temps était couvert, il allait se baigner pour se purifier et commençait sa quête de nourriture en attendant les beaux jours.
Pour célébrer cet évènement, les membres des sociétés rurales se livraient à des chants, danses, jeux et mascarades au cours desquelles les hommes se couvraient de poils et faisaient mine d’enlever des jeunes filles et de s’accoupler avec elles. Évidemment, ces pratiques ne manquaient pas d’effrayer les clercs, qui cherchèrent donc à christianiser cette fête.
Selon Pastoureau, les origines ursines de cette fête transparaissent d’ailleurs jusque dans son nom. En effet, celle-ci aurait souvent été appelée, du XIIe au XVIIe siècle, «Chandelours», terme qui associe le souvenir des anciens cultes rendus au feu, à la lumière, au retour de la fertilité et à l’ours.
Nadine Cretin consacre un chapitre de son ouvrage Fêtes et traditions occidentales à la chandeleur (p. 110-112). Elle confirme les interprétations de Michel pastoureau, et rattache également la Chandeleur à la fête celtique d’Imbolc :
La fête celtique d’Imbolc («Lustration» en ancien Irlandais) le 1er février permettait de se laver des souillures de l’hiver. La divinité irlandaise Brigid (la «brillante») fut christianisée en Sainte Brigit[t]e et parfois confondue avec la «Marie aux chandelles» célébrée le lendemain. Pour l’occasion se déroulait un culte domestique de purification de la maison avec repas cérémoniel, lumières (bougies et feu dans la cheminée), confection d’une poupée au moyen d’une gerbe de blé qui passait une partie de la nuit dehors, fabrication d’objets protecteurs en paille (croix que l’on gardait un an dans la maison et liens pour les animaux).
Elle revient également sur l’origine de la fabrication des crêpes. Selon elle, ces pâtisseries (comme les bugnes, autres pâtisseries «obligatoires», mais pour Mardi gras), réalisées en abondance avec des ingrédients peu coûteux, sont un moyen de prouver que l’on a encore des réserves après l’hiver, et jouent un rôle protecteur. D’où les rites consistant à jeter une crêpe au-dessus d’un meuble et l’y laisser toute l’année pour «veiller à l’économie familiale», ou de faire sauter la première crêpe avec une pièce dans la main afin d’avoir de l’argent toute l’année.
Nous vous souhaitons bonnes lectures,
Le département civilisations