D'où vient le nom " Consistoire de....." en Franc Maçonnerie pour le 32ème degré ?
Question d'origine :
GDS bonjour........& meilleurs voeux 2023.
En Franc Maçonnerie le 32ème degré a pris le nom de " Consistoire de....."
En quoi ce terme, issu de l'Antiquité Romaine et repris par bon nombre de
religions souhaitant délibérer en Assemblée sur des sujets essentiels ayant trait
à leurs pratiques, a-t-il à voir avec une association, réputée laïque, et pourquoi
et comment semble-t-il présider à de tous autres débats que religieux...?
Merci une fois encore pour votre réponse éclairée.
Réponse du Guichet
Définitions du Consistoire et retour sur les origines de la Franc-Maçonnerie.
Bonjour,
En effet le mot Consistoire a des racines romaines. Littéralement il signifie « se tenir debout ». Dans l’Empire romain, « c’est le nom donné à partir du IVe siècle au conseil du Prince, dont les membres devaient se tenir debout et silencieux devant l’empereur. Composé des comtes, des clarissimes du Sénat, du maîtres des offices, des deux maîtres des finances et du questeur du palais qui faisait fonction de vice-président, le Consistoire était compétent pour toutes les questions législatives et administratives».
Le mot consistoire a été repris dans plusieurs traditions religieuses : il s’emploie aujourd’hui dans le catholicisme, le protestantisme et le judaïsme.
Le consistoire romain : Il correspond à « l’Assemblée des cardinaux qui, à partir du XIIIe siècle, remplaça les synodes romains comme conseil du Pape. Jusqu’à la création des congrégations de la curie au XVIe siècle, le consistoire, qui tenait des réunions régulières et fréquentes, s’occupait de toutes les affaires importantes de l’Église. Aujourd’hui, il n’est plus convoqué que pour des séances de pure forme, notamment pour entendre le Pape annoncer les nominations cardinalices ».
Les consistoires protestants : « par la loi du 18 germinal an X, Bonaparte, premier consul, décida que les fidèles protestants français seraient regroupés en églises consistoriales (une pour 6000 âmes) ayant chacune à leur tête un consistoire ou conseil des notables, qui administrerait les biens et élirait les pasteurs ; cinq églises consistoriales formeraient un arrondissement d’inspection, les inspections étant regroupées en trois consistoires généraux ».
Les consistoires israélites : « A la suite de la réorganisation des communautés religieuses françaises sous Napoléon Ier, le règlement du 17 mars 1808 groupa les israélites de France en circonscriptions dirigées par un consistoire de notables, responsables devant les autorités. Ce système reçu sa forme définitive par les décrets ultérieurs de 1862 et 1872 ; les consistoires départementaux furent complétés par un consistoire central, siégeant à Paris. Après la loi de séparation de 1905, les consistoires créèrent des associations cultuelles israélites rattachées à une Union centrale »
Sources :
- Dictionnaire de l'Antiquité, publié sous la dir. de Jean Leclant, Paris, PUF, 2005
- Dictionnaire encyclopédique d’histoire, Michel Mourre, Paris, Bordas, 1996
Alors pourquoi retrouve-t-on ce terme en franc-maçonnerie?
Définition du terme consistoire en franc-maçonnerie : il correspond à « l’atelier au 90ème degré du rite de Memphis Misraïm. Plus généralement l’atelier au 32ème du Rite Écossais Ancien et Accepté : Consistoire des Souverains Princes du Royal Secret. S’emploie parfois à tort pour le 31ème qui est un souverain tribunal ». (Source Dictionnaire de la franc-maçonnerie, sous la direction de Daniel Ligou, Paris, PUF, 2006)
Le mot Consistoire en franc-maçonnerie désigne donc un degré, le 32ème du REAA. Voici ce que nous dit Marc Halévy sur ce 32ème grade maçonnique, dans son ouvrage Les 33 marches maçonniques, une échelle de Jacob :
« Ce grade évoque la guerre ou la croisade que les forces de la lumière doivent mener contre les forces de l’obscurité. Selon certains rituels modernes, les Chevaliers du Royal Secret forment la milice des gardiens du trésor du Temple. L’armée des Chevaliers du Royal Secret occupe un camp militaire muni de tentes, étendards et armes qui migrera de lieu en lieu jusqu’à reconquérir et rétablir le Temple de Jérusalem ». Si l’on poursuit la description des grades maçonniques faite dans cet ouvrage, on peut lire pour le 33ème et ultime grade, celui du Souverain Grand inspecteur général : «Tout en haut de l’échelle écossaise de Jacob, il ne reste que le mystère du Divin dans sa pureté absolue […] Quel est le vrai nom de Dieu ? Ou, plutôt et mieux : que nomme ce mot incroyablement mystérieux, Dieu ? Que désigne Dieu ? » Et en conclusion de l’ouvrage, l’auteur pose la question suivante : « Alors, l’initié franc-maçon, qu’est-il ? Croyant ? Mystique ? Théologien ? »
Le vocabulaire franc-maçon entre ainsi bien, pour une part, en résonance avec le vocabulaire religieux. Cela n’est pas étonnant au fond, car la franc-maçonnerie naît sur des terres chrétiennes, à une époque où le spirituel est omniprésent. C’est bien ce que nous disent les auteurs ayant produit des textes sur la franc-maçonnerie.
Ainsi Bernard Baudoin, dans Les francs-maçons : histoire et rituels, évoque les artisans maçons médiévaux : « Quand le spirituel rejoint le temporel. En une étonnante alchimie, qui au fil des siècles déroutera les observateurs extérieurs, avec le franc mestier le spirituel rejoint puis imprègne le temporel jusque dans les activités à priori les plus éloignées de l’esprit. C’est pourquoi il est difficile d’évoquer les sources de la franc-maçonnerie sans s’arrêter un instant, en premier lieu, à cette dimension spirituelle qui se veut une donnée essentielle de toute approche maçonnique. Nous avons vu comment la pratique du métier est teintée de sentiment religieux. Dans la majorité des cas, une foi fervente s’exprime dans la plupart des actes professionnels. La principale raison à cela tient au fait que dans l’Europe du Moyen-Age et de la Renaissance, le christianisme est omniprésent ».
Même constat pour Roger Dachez et Alain Bauer dans La Franc-maçonnerie : « La Franc-maçonnerie est née dans un contexte religieux, il serait vain de le nier. L’Angleterre ou l’Écosse des XVIIe et XVIIIe siècles sont des terres protestantes, imprégnées de culture biblique, où jusqu’à nos jours encore l’appartenance religieuse est en partie constitutive de l’identité sociale. On retrouve naturellement cette origine religieuse dans les symboles et les rituels comme dans les premiers règlements et les usages les plus anciens de la franc-maçonnerie. Il n’est évidemment pas sans signification que la loge soit identifiée au temple de Salomon, que le maître incarne Hiram – classiquement présenté par une exégèse figuriste comme un type de Jésus-Christ – et que les hauts grades partent à la recherche d’un mot qui n’est le plus souvent qu’une des variantes du nom de Dieu dans la Bible. Bible bien sûr omniprésente depuis l’origine dans la loge, Livre saint parmi tous en milieu protestant, sur lequel sont prêtés tous les serments et dans lequel on va surtout chercher, à mesure que la maçonnerie se développe, toutes les légendes de tous les grades qui voient le jour. Dès le XVIIe siècle, en France comme en Angleterre, il y avait dans chaque loge un chapelain, généralement choisi parmi les ministres d’un culte établi, car toute assemblée de loge commençait et s’achevait par des prières. […] »
A lire en ligne sur le site Cairn (accessible dans les bibliothèques municipales de Lyon) : Protestantisme et franc-maçonnerie, deux minorités françaises, Yves Hivert-Messeca, dans Humanisme 2007/2 (n°277), pages 66 à 73
D’autres ouvrages sur le sujet :
- La Franc-Maçonnerie, Histoire et Dictionnaire, sous la direction de Jean-Luc Maxence, Paris, Robert Laffont, 2013
- Protestants et francs-maçons en pays de France : trois siècles d'affinités, compagnonnage, indifférence et antagonisme du XVIIIe siècle à nos jours : Entre la Bible et le compas, francs-maçons protestants, protestants francs-maçons, protestants et Francs-maçons, Yves Hivert-Messeca, Paris, Dervy, 2020
Bonnes lectures !