Question d'origine :
Est-ce que l'on peut arrêter son coeur ?
Est-il possible d’arrêter volontairement son coeur, et si non, jusqu'à quel point on peut le ralentir ?
Réponse du Guichet
S’il est possible pour certains sportifs (comme les apnéistes notamment) et les pratiquants de hatha-yoga de ralentir considérablement leur rythme cardiaque, nous n’avons pas trouvé d’étude scientifique récente validant la thèse d’un arrêt cardiaque réel et volontaire.
Bonjour,
S'il est incontestable que la pratique du yoga et d'autres techniques de relaxation aident à ralentir sa fréquence cardiaque, est-il possible d'arrêter complètement son coeur de battre ?
On rapporte régulièrement l'histoire de yogis qui parviendraient à arrêter leur coeur quelques secondes. S'agit-il réellement d'arrêts cardiaques ou bien de ralentissements ?
Au repos, certains sportifs affichent déjà une fréquence cardiaque très lente, parfois inférieure à 40 battements par minute pour certains d'entre-eux :
La bradycardie est fréquente chez l’athlète mais elle est le plus souvent modérée. Ainsi, si une fréquence cardiaque inférieure à 60 bpm est décrite chez 50-85 % des athlètes, elle est inférieure à 50 bpm chez 8-10 % et inférieure à 40 bpm chez seulement 2-3 % d’entre eux.
source : Le cœur de l’athlète / F. CARRÉ
Petit point de vocabulaire : "La bradycardie (ou plus simplement bradycardie sinusale) est une arythmie associée à un rythme anormalement lent du cœur (moins de 60 fois par minute)." source : CHU vaudois
Certains sujets entraînés peuvent réduire leur rythme cardiaque à 20 battements par minute. C'est le cas des apnéistes notamment :
La bradycardie permet d’économiser la consommation d’O2 grâce à la réduction du débit cardiaque d’une part, et la diminution de la consommation d’O2 par le myocarde d’autre part. L’importance de cette bradycardie est très variable : de 5 % à 50 % selon les études (1, 3, 10, 11, 12) et elle se majore notamment avec l’entraînement et l’immersion du sujet. Elle peut atteindre 20 à 30 battements par minutes (bpm) chez les apnéistes expérimentés, lors d’une apnée en eau froide.
source : Évaluation de la réponse cardiaque lors d’une apnée statique chez les apnéistes expérimentés par rapport aux sujets témoins et analyse du débit cardiaque en temps réel par méthode non invasive : le PhysioFlow / Justine Michon
Il a été rapporté par le passé des cas de yogis ayant réussi à arrêter leur coeur de battre. S'agissait-il d'un réel arrêt cardiaque ou d'un fort ralentissement entrainant la non-perception d'un pouls ?
William Broad, un journaliste scientifique américain, auteur et rédacteur principal au New York Times a écrit un livre intitulé The Science of yoga dans lequel il explique que les battements du coeur des yogis ne cessent pas complètement. Ils ralentissent tellement qu'ils deviennent imperceptibles par les stéthoscopes et par la palpation du pouls. Ils sont toutefois bien présents sur l'électroencéphalogramme.
Voici un extrait d'article anglophone (traduit) qui présente cet ouvrage... :
Il commence par se concentrer sur les mythes commencés il y a un siècle par des yogis trop zélés et scientifiquement naïfs - que les yogis sont capables de s'enterrer pendant 40 jours et d'en sortir vivants, les yogis peuvent arrêter leur cœur à volonté (comme Yogananda le prétendait), et que la respiration pranayamique profonde inonde le corps d'oxygène. Des études trouvent des failles dans toutes ces affirmations. Les maîtres yogis ont dû sortir de leurs cercueils à bout de souffle après seulement 18 heures ; les battements de cœur ne cessent pas – les électrodes ont capturé leurs faibles blips (comme avec le célèbre T. Krishnamacharya lorsqu'il a accepté d'être testé) ; les augmentations d'oxygénation n'ont rien à voir avec les poumons (ni, apparemment, la respiration pranayamique rapide ou la tête en bas), mais plutôt avec le cœur (comme l'a découvert le physiologiste Archibald Hill, lauréat du prix Nobel de 1922).
source : The Science of Yoga destroys the activity's top myths / - The globe and mail - 20/08/2012
.... et un court extrait (là aussi traduit) du livre :
Bagchi brancha les électrodes tandis que le vénéré yogi fermait les yeux et se concentrait. Blip, blip, blip. Les stylets d'enregistrement volaient d'avant en arrière, capturant les rythmes cardiaques subtils, peu importe les efforts de Krishnamacharya. Oui, le rythme cardiaque a été diminué. Mais même un rapide coup d'œil au papier montrait que le battement était toujours là, même s'il était réduit et trop faible pour qu'un stéthoscope puisse le capter. Le cœur battait toujours à l'intérieur, blip, blip, blip. En 1961, Bagchi et ses collègues publient leurs découvertes dans « Circulation », la prestigieuse revue de l'American Heart Association. « il a souvent été rapporté que certains yogis pouvaient arrêter le cœur », se souviendra-t-il plus tard. « Tout le monde, y compris les médecins, pensait qu'il en était ainsi. Nous avons découvert la vérité. »
source : The Science of Yoga The Risks and the Rewards / William J Broad · 2012
William Broad fait allusion ici à une étude assez ancienne, publiée en 1961, qui rapporte que quatre yogis ont accepté de se prêter à l'expérience. Ils ont tenté d'arrêter leur coeur ou d'en réduire le rythme en pratiquant des exercices respiratoires et musculaires. En voici les résultats :
Les chercheurs ont déclaré qu'il était évident que les quatre sujets ne contrôlaient pas volontairement le muscle cardiaque. Les muscles abdominaux et thoraciques ont été utilisés pour intervenir et restreindre le flux sanguin pour ralentir le rythme cardiaque, ou pour affaiblir ou éliminer les sons du cœur et du pouls. On peut dire qu'un seul sujet a nettement «arrêté» ou considérablement ralenti le cœur pendant quelques secondes.
source : Investigating whether yogis can voluntarily control heartbeat qui renvoie vers cette étude consultable en ligne : Experiments in India on "Voluntary" Control of the Heart and Pulse / M. A. WENGER, PH.D., B. K. BAGCHI, Pii.D., AND B. K. ANAND, M.D.
Sur Shri Ramnananda Yogi, il n'a été signalé aucune absence de bruits cardiaques, mais à un moment donné, le pouls radial n'était détectable sur aucun de ses poignets. Par contre, sur le 4e cas, celui de Shri N. R. Upadhyaya, un arrêt cardiaque est enregistré mais les chercheurs ne le qualifient pas ainsi. Ils expliquent que "par quelque action mécanique du muscle strié, Upadhyaya a stimulé le débit du nerf vague vers le noeud sino-auriculaire, l’a interrompu et ainsi interrompu les cycles cardiaques réguliers et un rythme nodal a été brièvement établi".
Dans les années 1980, on en concluait la même chose dans l'ouvrage de Jean-Yves Péron-Autret intitulé Les enterrés vivants :
La médecine européenne reconnaît aujourd’hui qu’un état de collapsus grave des grosses artères ne permettant plus l’acheminement sanguin vers les extrémités peut avoir pour conséquence un pouls parfaitement imperceptible.
D’une façon analogue, en cas de syncope ou de ralentissement du cœur avec baisse de la force des contractions, l’auscultation et la palpation artérielle peuvent laisser planer un doute. Et l’électrocardiogramme montre généralement dans ce cas des contractions très faibles, lentes et épisodiques mais qui sont toujours prolongées de plusieurs minutes après l’état de mort apparente.
Nous retrouvons sur Pubmed une étude intitulée On the conscious control of the human heart de Vladimir M Pokrovskii et Lily V Polischuk qui indique que des "expériences démontrent qu'il est possible d'effectuer des changements volontaires du rythme cardiaque par un contrôle conscient du rythme respiratoire, et même un arrêt cardiaque à court terme au moyen de la contraction des muscles abdominaux."
Cette étude est la seule que nous ayant trouvée qui attesterait d'un arrêt cardiaque lié à un contrôle volontaire et conscient du rythme respiratoire mais nous n'avons pas pu la consulter dans son intégralité et nous ne sommes pas en mesure de vous en certifier le sérieux.
A la Bibliothèque municipale de Lyon, vous trouverez quelques ouvrages sur le hatha-yoga, le yoga du souffle et notamment la technique du pranayama, avec des exercices de respiration. Nous vous recommandons néanmoins de vous adresser à des professionnels pour pratiquer en toute sécurité et de consulter votre médecin pour en savoir plus.
Bonne journée.