Question d'origine :
Qu'est ce que la biopolitique ? Quels sont les auteurs et la période d'apparition du concept ?
Réponse du Guichet
Le concept de « biopolitique » a été imaginé par Michel Foucault en 1974. Il désigne la manière dont le pouvoir "gouverne non seulement les individus à travers un certain nombre de procédés disciplinaires, mais l'ensemble des vivants constitués en population." Il a influencé les philosophes italiens Giorgio Agamben, Toni Negri et Roberto Esposito. Depuis, de nombreux auteurs ont développé leurs réflexions sur les relations entre le pouvoir, les individus, le corps dressable, d'autant que l’épidémie de Covid-19 l'a remis au-devant de l'actualité.
Bonjour,
Selon l'article Biopolitique de l'Encyclopédie Universalis, disponible en bibliothèque et consultable à distance pour les abonnés de la BML :
C'est à Michel Foucault qu'on doit l'invention du concept de « biopolitique ». Ce terme, apparu en 1974 dans une conférence prononcée au Brésil sur « la médecine sociale », est largement repris et défini en 1976, simultanément dans l'œuvre publiée (La Volonté de savoir) et le cours public au Collège de France (leçon du 17 mars, « Il faut défendre la société », 1997). Foucault parle à cette époque plus généralement de « biopouvoir ». Cette notion lui sert à distinguer une forme « traditionnelle » d'une forme « moderne » de pouvoir exercé sur la vie, marquant par là une importante césure dans l'histoire des techniques par lesquelles la conduite des hommes est dirigée, leur comportement agi, leur corps investi.
Vous pourriez lire son ouvrage Naissance de la biopolitique: cours au Collège de France (1978-1979) / Michel Foucault, 2004 dont le résumé en ligne ainsi que La pensée politique de Foucault : gouvernementalité, biopolitique, post-démocratie / sous la direction d'Orazio Irrera et Salvo Vaccaro, 2017
Dans l'ouvrage Dictionnaire Foucault / Judith Revel,..., 2007
Le terme "biopolitique" désigne la manière dont le pouvoir tend à se transformer, entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, afin de gouverner non seulement les individus à travers un certain nombre de procédés disciplinaires, mais l'ensemble des vivants constitués en population : la biopolitique - à travers des bio-pouvoirs s'oocupera donc de la gestion de la santé, de l'hygiène, de l'alimentation, de la sexualité, de la natalité etc., dans la mesure où ceux-ci sont devenus des enjeux politiques.
La notion de biopolitique implique une analyse historique du cadre de rationnalité politique dans lequel elle apparaît, c'est-à-dire la naissance du libéralisme. Par libéralisme, il faut entendre un exercice du gouvernement qui non seulement tend à maximiser ses effets tout en réduisant ses coûts, sur le modèle de la production industrielle, mais affirme qu'on risque toujours de trop gouverner. Alors que la "raison d'Etat" avait cherché à développer son pouvoir à travers la croissance de l'Etat, "la réflexion libérale ne part pas de l'existence de l'Etat, trouvant dans le gouvernement le moyen d'atteindre cette fin qu'il serait pour lui-même ; mais de la société qui se trouve être dans un rapport complexe d'extériorité et d'infériorité vis-à-vis de l'Etat". Ce nouveau type de gouvernementalité, qui n'est réductible ni à une analyse juridique, ni à une lecture économique (bien que l'une et l'autre soient liées), se présente par conséquent comme une nouvelle technologie du pouvoir qui se donne un nouvel objet : la "population". La population est un ensemble d'êtres vivants et coexistants qui présentent des traits biologiques et pathologiques particuliers, et dont la vie même est susceptible d'être contrôlée afin d'assurer une meilleure gestion de la force de travail : "La découverte de la population est, en même temps que la découverte de l'individu et du corps dressable, l'autre grand noyau technologique autour duquel les procédés politiques de l'Occident se sont transformés". Alors que la discipline se donnait comme anatomopolitique des corps et s'appliquait essentiellement aux individus, la biopolitique représente donc cette grande "médecine sociale" qui s'applique à la population afin d'en gouverner la vie : la vie fait désormais partie du champ du pouvoir.
D'après l'article Biopolitique de Wikipédia, "il a été repris et développé depuis par Giorgio Agamben, Toni Negri et Roberto Esposito" auteurs de :
- Homo sacer. 1 : Le pouvoir souverain et la vie nue / Giorgio Agamben, 1997
- Du retour : abécédaire biopolitique / Antonio Negri ; entretiens avec Anne Dufourmantelle, 2002
Le philosophe italien retrace son destin. D'une lettre à l'autre, il revisite les événements les plus importants de sa vie, ses choix politiques, son exil en France, puis le retour en Italie et son emprisonnement.
- Multitude : guerre et démocratie à l'âge de l'empire / Michael Hardt, Antonio Negri, 2004
Réflexion sur la démocratie à l'échelle mondiale. Présente un visage humain de la mondialisation, celui d'une multiplicité de mouvements et de sujets engagés dans un double processus d'émancipation et de collaboration.
- Communauté, immunité, biopolitique : repenser les termes de la politique / Roberto Esposito, 2010 et 2019
Les communautés politiques contemporaines sont désormais de plus en plus renfermées sur elles-mêmes : la place centrale donnée à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme dans les programmes de gouvernement, la question des vaccins, les manipulations biotechnologiques du corps humain ainsi que les guerres préventives témoignent d'un souci général et presque obsessionnel de l'auto-immunisation. Dans cet essai de philosophie politique Roberto Esposito remonte aux origines théoriques et historiques d'une idée d'Etat "immunitaire", c'est-à-dire d'une communauté qu'il fallait protéger contre toute agression ou ennemi extérieur, jusqu'au paradoxe effrayant des médecins des camps nazis qui produisaient la mort. Il faut donc éviter que celles que l'on appelle les "biopolitiques" deviennent plutôt des "thanatopolitiques", terme d'Esposito forge pour décrire les systèmes d'immunisation qui se retournent contre les populations. En réfutant ce paradigme immunitaire, Esposito reconduit le terme "communauté" à sa racine étymologique latine de "munus", c'est-à-dire de don à l'autre : un environnement où l'instabilité, l'ouverture et l'exposition permanente à autrui sont éléments constitutifs, à gérer par une approche politique nouvelle et non mortifère.
- Immunitas : protection et négation de la vie / Roberto Esposito ; traduit de l'italien par Léo Texier, 2021
A partir d'une réflexion sur la nature de la vaccination, l'auteur propose une analyse de la biopolitique contemporaine. Plus les individus se sentent sur le point d'être infectés par des corps étrangers, plus ils se renferment dans leurs limites protectrices, les obligeant à choisir entre une issue autodestructrice et une alternative radicale fondée sur une nouvelle conception de la communauté. ©Electre 2021
A lire aussi sur l'Encyclopédie Universalis, BIOPOLITIQUE (anthropologie) : Antonio Negri et Giorgio Agamben : deux conceptions du biopolitique.
Les auteurs ayant traité ce sujet ou élaboré leur réflexion à partir de celui-ci ont écrit, entre autres :
- La valeur néolibérale de l'humain : capitalisme et biopolitique à l'ère pandémique / sous la direction de Jean-François Deluchey et Nathalie Champroux, 2022
Que valent nos vie pour un gouvernement néo libéral? C'est cette question qui est posée collectivement par les auteurs de cet ouvrage qui a pour objet d'approfondir nos relations sur la gouvernementalité (néo)libérale et son essence guerrière et bio-nécro-politique. Dans cet ordre (néo)libéral fondé sur les lois du marché et sur l'accumulation et la concentration de capital, la question de la valeur de la vie humaine se posait déjà avant la pandémie du Covid-19 ; elle se pose aujourd'hui avec d'autant plus d'acuité. Les gouvernements (néo)libéraux ont volontiers recours à des programmes politiques néo-conservateurs autoritaires qui promeuvent une politique de destruction des Communs assortie d'une politique de mort (nécropolitique) eu égard à ceux qui sont jugés inutiles ou excédentaires dans le projet (néo)libéral, normalisateur et moral. C'ets pourquoi nous assistons aujourd'hui, dans le champ politique, à des affrontements qui opposent radicalement les identités, les nations, les religions, et les modes de vie. Ces affrontements mettent en scène une véritable "guerre civile mondiale", dont la violence est ressentie partout et par tous, et dans le cadre de laquelle les groupes hégémoniques proposent que soient neutralisés ou éliminées les vies de ceux et celles qui constituent des obstacles pour la mise en oeuvre de leur stratégie politique. (4e de couverture)
- Queer zones : la trilogie / Sam Bourcier, 2021
Cette trilogie regroupe les trois volumes publiés entre 2001 et 2011 qui ont impulsé la théorie ainsi que la politique queer en France. Mêlant recherche et critique, chronique et polémique, Sam Bourcier construit un féminisme pro-sexe et biopolitique qui est une réflexion plus large sur les relations entre pouvoir et savoirs ou entre corps et disciplines. (c) Electre
- Biopolitique du coronavirus : télétravail, famille, patrie / François Bousquet, 2020
Télétravail, famille, patrie ! Le coronavirus marquerait-il la revanche posthume du pétainisme ? Tous assignés à résidence. Tel est le pari de ce livre, qui réunit une série de papiers d'abord parus sur le site d'Eléments, une sorte de feuilleton de la pandémie, avec pour ambition de déboucher sur des propositions concrètes. L'idée de départ, c'était de décloisonner les disciplines, mais en butinant. Internet l'autorise. L'écriture est moins prisonnière des conventions dans lesquelles le papier nous enferme parfois. C'est un format plus souple, où peuvent se mêler des registres plus légers, un peu de Tontons flingueurs, un peu de rock'n'roll. Une sorte de grand écart entre le maréchal Pétain et Michel Foucault, théoricien de la biopolitique." (4e de couverture)
- Testo junkie : sexe, drogue et biopolitique / Beatriz Preciado, 2008
A partir du protocole d'intoxication volontaire à base de testostérone synthétique que l'auteure s'est injecté pendant une durée de 236 jours, cet essai interroge les modifications théoriques et physiques suscitées par la perte, le désir, l'exaltation, le renoncement, pour en extraire une théorie politique réévaluant la perception des genres.
- Essais de philosophie bioéthique et biopolitique / Gilbert Hottois, 1999
Vous pourriez également consulter la bibliographie des ouvrages disponibles à la BML sur le thème de la biopolitique et ces articles en ligne :
- Vivons-nous à l’ère de la biopolitique ?, Philosophie magazine, 2020
- Hortonéda, Jeanine. « Sécurité, territoire, population et Naissance de la biopolitique de Michel Foucault Contrechamp », Empan, vol. 59, no. 3, 2005, pp. 61-70.
- Bossy, Thibault, et François Briatte. « Les formes contemporaines de la biopolitique », Revue internationale de politique comparée, vol. 18, no. 4, 2011, pp. 7-12.
- La fin de la biopolitique chez Michel Foucault : le troisième déplacement, Bernard Andrieu, Le Portique Revue de philosophie et de sciences humaines 13-14 | 2004 Foucault : usages et actualités
- Les usages du biopolitique, Frédéric Keck, L’Homme Revue française d’anthropologie 187-188 | 2008 Miroirs transatlantiques
- La Biopolitique (d')après Michel Foucault, Labyrinthe : atelier interdisciplibaire, 22 | 2005
- Du biopouvoir à la biopolitique, Lazzarato Maurizio, Multitudes 1, mars 2000
- La biopolitique et le dressage des populations : Biopolitics and the Dressage of Populations, Alexandre Macmillan, Cultures & Conflits 78 | été 2010
Bonne journée