Les dugongs sont-ils chassés par les Aborigènes d'Australie aujourd'hui ?
Question d'origine :
Bonjour,
Les dugongs sont-ils chassés par les Aborigènes d'Australie aujourd'hui ?
En 2011, des Aborigènes d'Australie avaient décidé d'arrêter la chasse aux dugongs, les herbes marines qui le nourrissent se faisant plus rares.
Les aborigènes d'Australie ont-il définitivement arrêté la chasse au dugong depuis 2011, ou la chasse a-t-elle repris ces dernières années ?
Je vous remercie pour votre retour.
Réponse du Guichet

En Australie, la pêche aux dugongs n'est pas interdite par la loi mais elle est réglementée. Comme les tortues, ils ne peuvent être capturés que par les habitants traditionnels et qu'avec la lance traditionnelle. Cependant, un rapport en 2017 faisait état d'un "niveau de braconnage et de vente illégale de viande [...] minime". Le site Save the dugong quant à lui, dénonce des techniques de chasse aux dugongs non respectueuses de l'espèce, voire illégales.
Bonjour,
Le dugong, vache marine selon l'Inventaire National du Patrimoine Naturel, ou paisible brouteur des mers pour WWF, est "le seul mammifère herbivore qui soit strictement marin" (INPN). Il appartient à l'ordre des siréniens.
Il est inscrit dans la liste rouge mondiale des espèces menacées dans la catégorie vulnérable depuis 2015 et "est répertorié comme vulnérable selon les critères A2bcd + 4bcd" (Red List). Il fait partie des espèces protégées peut-on lire sur la page de son statut publiée par l'INPN.
D'après l'article, Le baby-boom des dugongs, une excellente nouvelle pour la Grande Barrière de corail de National Geographic, "la population la plus importante se trouve au nord de l'Australie, de la baie Shark à l'ouest à la baie de Moreton située à l'est" mais les chasseurs ne sont pas leurs seuls prédateurs :
Si à l'origine, ces animaux étaient des proies faciles pour les chasseurs (en raison de la lenteur de leurs mouvements), le développement des côtes et le déclin des prairies sous-marines sont les menaces les plus importantes auxquelles ils doivent aujourd'hui faire face. Ils courent également le risque d'être pris au piège dans des filets de pêche ou des filets anti-requins protégeant certaines plages de baignade australiennes.
Neuf mois après les ravages du cyclone Yasi en 2011, « le nombre de dugongs était au plus bas depuis le début des relevés en 1986 », explique Susan Sobtzick. Les scientifiques avaient découvert moins de 600 animaux, quand 187 mammifères étaient morts ou agonisaient, échoués le long de la côte.
D'importantes inondations dans le sillage des sédiments du cyclone rejetés dans l'océan auraient vraisemblablement détruit les algues marines.
Janet Lanyon, spécialiste des dugongs à l'université du Queensland qui n'a pas participé à la nouvelle étude, ajoute que « les herbiers sous-marins ont un apport énergétique et nutritif faible, les dugongs doivent donc en manger en grande quantité pour rester en forme ».
« Si les fortes précipitations et les inondations côtières se poursuivent, les dugongs sont voués à un sombre avenir », affirme-t-elle. « Si le changement climatique donne lieu à l'augmentation de catastrophes naturelles, les dugongs en paieront inévitablement le prix. »
Selon les experts, on ne sait pas pour l'heure si le réchauffement rapide de la mer, qui a provoqué la décoloration et la disparition d'immenses étendues de coraux dans la Grande Barrière, a des conséquences néfastes sur les dugongs.
WWF indique également que le dugong est "fréquemment blessé par les hélices des embarcations à moteur et parfois chassée pour sa viande, ses habitats côtiers sont en réduction, en particulier du fait du tourisme, de la pollution et de l'urbanisation des côtes."
Un communiqué de presse daté de 2014 de la Convention on Migratory Species, Nombre record de propositions d'inscription d'espèces pour une protection internationale, relevait le nombre important de dugongs attrapés dans les filets :
En Australie, un quart des dugongs signalés comme s’étant enchevêtrés dans des filets ou des cordes sont décédés par la suite.
L'article de France Info du 9 décembre 2022, Biodiversité : quels sont les animaux qui entrent ou dégringolent sur la liste rouge des espèces menacées ?, ne traite pas des dugongs d'Australie mais leur situation semble être similaire à celle de leur voisins de Nouvelle-Calédonie ou ceux d'Afrique de l'Est :
Les dugongs sont menacés en raison de nombreux facteurs, tous d'origine humaine, comme "les captures involontaires dans les engins de pêche en Afrique de l'Est et le braconnage en Nouvelle-Calédonie, ainsi que les blessures causées par des bateaux dans les deux zones", liste le communiqué de l'UICN. Il pointe également la dégradation et la perte des herbiers marins dont cet herbivore dépend pour se nourrir.
Là encore, l'activité humaine est en cause. En Afrique de l'Est, "l'exploration et la production de pétrole et de gaz, le chalutage, la pollution chimique et les développements côtiers non autorisés" sont désignés comme responsables. En Nouvelle-Calédonie, le "ruissellement agricole, une pollution due à l'extraction de nickel et au développement côtier, ainsi que les dommages causés par les ancres des bateaux" sont tenus pour fautifs. S'y ajoutent "les impacts des changements climatiques" qui "représentent une menace sur toute l'aire de répartition des dugongs".
Cependant, à la page About the Torres Strait Dugong and Turtle Fisheries du site de la PZJA, "responsable de la gestion de la pêche commerciale et traditionnelle dans la zone australienne de la zone protégée du détroit de Torres (TSPZ) et des eaux désignées adjacentes du détroit de Torres" mis à jour le 23 janvier 2023, il est mentionné que :
Les pêcheries de dugongs et de tortues du détroit de Torres sont des pêcheries de subsistance traditionnelles réservées aux habitants traditionnels du détroit de Torres. La chasse au dugong et à la tortue est une partie importante du mode de vie traditionnel et des moyens de subsistance des insulaires du détroit de Torres et constitue également une source majeure de protéines dans leur alimentation. Le dugong et la tortue ne peuvent être capturés que dans le cadre de la pêche traditionnelle et utilisés à des fins traditionnelles. Les tortues sont capturées dans toutes les zones du détroit de Torres tandis que les dugongs sont capturés principalement dans la région occidentale.
La règlementation qui entoure cette pêche est la suivante :
Les dugongs et les tortues ne peuvent être capturés que par les habitants traditionnels ;
Les dugongs ne peuvent être capturés qu'avec la lance traditionnelle (wap);
La chasse au dugong est interdite dans une vaste zone de l'ouest du détroit de Torres qui a été réservée comme sanctuaire dugong (voir carte); et
Les dugongs et les tortues ne peuvent pas être pris ou transportés dans un bateau de pêche sous licence commerciale de plus de 6 m de long (les bateaux de moins de 6 m avec une licence TIB sont autorisés à prendre et à transporter des tortues et des dugongs).
En 2017, l'article, No evidence of illegal turtle, dugong hunting in far north Queensland, unreleased report finds, publié par ABC News, indiquant que les aborigènes et les habitants de l'île du détroit de Torres ont le droit de chasser le dugong "pour leurs besoins personnels, domestiques ou communautaires non commerciaux", soulignait que, de l'avis des politiciens et des militants des droits des animaux, les animaux étaient chassés pour le profit.
En outre, l'article mentionne un rapport où il serait consigner que "globalement, [...] le niveau de braconnage et de vente illégale de viande était minime et aucune preuve substantielle suggérant qu'un commerce organisé de viande de tortue et de dugong existe dans le Queensland, y compris dans le détroit de Torres" et que "les dirigeants des communautés autochtones étaient généralement favorables à l'élaboration de mesures exécutoires pour arrêter les activités de braconnage dans leur pays maritime." Nous n'avons pas trouvé ce rapport en ligne.
Si vous le souhaitez vous pourriez approfondir ces questions liées à la législation en lisant le chapitre 2 de Environment Legislation Amendment Bill 2013 publié par le Parlement d'Australie et dans lequel sont abordées les mesures de protection des tortues et des dugongs en annexe 2.
Le site Save the dugong, indique aussi que la loi australienne autorise la chasse aux dugongs :
La loi australienne autorise toujours la chasse aux dugongs en voie de disparition et à d'autres espèces menacées qui ne vivent que dans ce pays. L'Australie est le seul pays développé qui autorise la chasse légale de cette espèce en voie de disparition . Cliquez ici pour une carte complète des sites de chasse au dugong dans le monde. En raison du coût de la nourriture et des conditions de pauvreté dans de nombreuses communautés des régions du nord de l'Australie - dont les eaux habitent les dugongs - de nombreuses communautés ont recours à la chasse aux dugongs comme source de nourriture, ou même à la vente de leur viande sur les marchés étrangers (interdit par la loi), afin survivre. Les politiques gouvernementales n'ont pas réussi à résoudre ce problème et à proposer une alternative significative, par exemple en réduisant la hausse du prix des aliments dans les zones reculées ou en offrant des alternatives de revenus, telles que le développement d'un tourisme durable.
Mais il se poursuit en décrivant différentes techniques de chasse assez ignobles et propose une vidéo. Ces descriptions relevant de la torture animale tendent à montrer qu'il existerait encore une chasse aux dugongs non respectueuse de l'espèce, voire illégale.
Bonne journée.