Question d'origine :
Bonjour cher Guichet,
Je souhaiterais savoir si Carl Jung a déjà écrit à propos de la prière.
Sauriez vous m'orienter? Pourriez vous également me conseiller quelques livres sur ce sujet?
Merci d'avance.
Eltruco
Réponse du Guichet
La dimension spirituelle dans l'œuvre de Jung est très présente. Voici différents documents abordant le sujet du religieux et de la prière chez Jung.
Bonjour,
L'intérêt de C.G. Jung pour la religion et la prière semblent attesté par ses écrits et différents articles.
On lit dans « Des névroses à une nouvelle cure des âmes : C. G. Jung et la refonte du patient thérapeutique », Shamdasani, Sonu, Cahiers jungiens de psychanalyse, vol. 146, no. 2, 2017, pp. 7-28 :
L’intérêt de Jung pour la prière est présent dans ses imaginations actives du début de l’année 1914. Dans celle du premier janvier 1914, le "Je" de Jung se retrouvait dans une vallée déserte où il rencontra un anachorète nommé Ammonius. Ce dernier l’enjoignit de ne pas oublier sa prière du matin. "Je" réalisa alors que nous avions perdu notre sens de la prière. Celle du 14 janvier de la même année rapporte que "Je" cherchait à emprunter un exemplaire de l’Imitation du Christ, dans le but de « prier ou quelque chose d’approchant » car à certains moments, la science nous rendait malades.
En même temps, Jung s’abstenait de préconiser la prière traditionnelle au cours des séances. Kurt Binswanger se souvient : « Maeder croyait bon de prier avec ses patients durant les séances. Chose à laquelle Jung ne pouvait adhérer ».
Françoise Le Hénand dans « Jung et le secret », Cahiers jungiens de psychanalyse, vol. 114, no. 2, 2005, pp. 7-20 écrit :
[...] peu avant le récit de ce premier traumatisme conscient, Jung a évoqué la prière que lui avait apprise sa mère, dans laquelle il est question de Satan qui engloutit les petits enfants [9]. Cet homme à la robe noire qui surgit à l’improviste ne pourrait-il être cette figure sombre de Satan qui a englouti son frère disparu et vient peut-être le chercher lui aussi ? Ou serait-ce une mère-ogresse dévorante, figure que l’on retrouve bien souvent dans les représentations des patients qui ont perdu un jeune frère ou une sœur morts en très bas âge ? En effet, ce rêve du phallus souterrain qui met en scène le mystère de l’ogre, le pénis ithyphallique mangeur de chair, peut également s’entendre comme la représentation d’un fantasme archaïque de pénis dévorateur ou phallus de la Grande Mère, un mangeur d’hommes... et d’enfants. Ce fantasme terrifiant est indicible et inavouable à la personne même qui suscite de telles représentations. Leur numinosité, leur dimension archétypique, rend compte de cette proximité avec les couches les plus profondes, universelles, de l’inconscient et dans laquelle vit le petit enfant.
[9] C.G. Jung, Ma vie, op. cit., p. 29. Voici le texte de cette prière : « Étends tes deux ailes, ô Jésus, ma joie ; et prends ton poussin en toi ; si Satan veut l’engloutir, fais chanter les angelots : cet enfant doit rester indemne. »
Pour Jung la prière, la religion expriment la vie symbolique :
[...] Jung ne cesse d’attribuer la plus haute valeur à la vie symbolique, à toute vie symbolique, par quoi se manifeste le monde des archétypes, avec son riche apport d’émotions et de sens – que ce soit celle dont témoignent les Indiens Pueblos, quand ils pensent, par leurs prières matinales, faire renaître le soleil qui est leur Dieu, ou celle, plus proche de nous, qui est vécue, sous des formes variées, dans les rituels des grandes religions, à la synagogue, à la mosquée, au temple ou à l’église...
19Jung pense que c’est le symbole vivant qui nous délivre de la névrose, quel que soit le rite ou le mythe auquel nous avons accès. Il est essentiel pour lui, d’un point de vue thérapeutique, que l’intellect fasse « allégeance au symbole », qu’il se mette « au service de la vie symbolique ». Car lorsqu’il rompt cette allégeance, il devient « diabolique ».
Source : Agnel, Aimé. « Jung et le phénomène religieux », Imaginaire & Inconscient, vol. no11, no. 3, 2003, pp. 49-61.
Sur la spiritualité et Dieu chez Jung vous pourriez également être intéressé·e par ces livres, articles et mémoire :
- Jung et la gnose : essai / Françoise Bonardel, 2022
- Jung et le Christianisme : un regard neuf / Jean-François Alizon, 2021
- Frédéric Lenoir : « Jung propose une spiritualité en dehors de toute croyance religieuse », Le Monde, 2021
- Jung, un voyage vers soi / Frédéric Lenoir, 2021
- C. G. Jung : l'expérience du divin / Jean-Jacques Antier, 2010, consultable en partie sur Google livres
- Dieu chez C.G. Jung, mémoire de Abdelbaki Guettai, faculté de philosophie université Laval, 1997
- et ce livre plus ancien Du mythe à la religion : la psychologie analytique de Car-Gustave Jung / Raymond Hostie, 1955
Mais ses écrits restent sans doute la meilleure porte d'entrée pour comprendre son rapport à la spiritualité :
- La Vie symbolique : psychologie et vie religieuse / Carl Gustav Jung, 1989
- Psychologie et religion / Carl Gustav Jung, 1990 ou édition de 2019
- L'homme à la découverte de son âme : structure et fonctionnement de l'inconscient / C. G. Jung ; préf. et adapt. par le Dr Roland Cahen, 1994
- L'énergétique psychique / C.G. Jung, 1996
- Le Divin dans l'homme : Lettres sur les religions / C.G. Jung, 1999
- Les énergies de l'âme : séminaire sur le yoga de la Kundalinî donné en 1932 par C.G. Jung / C.G. Jung, 1999
- Psychologie du yoga de la Kundalinî / C. G. Jung, 2005
- Le livre rouge : liber novus / C. G. Jung, 2012
A parcourir également ces biographies :
- Jung, explorateur de l'esprit / Carole Sédillot, 2018 et 2023
- C.G. Jung / Elie G. Humbert, 2022
- Jung / Christian Gaillard, 2017, consultable partiellement sur Google livres
- Les rêves et les visions de Carl Gustav Jung / Jean-Luc Van den Bergh, 2010, consultable partiellement sur Google livres
Nous vous invitons également à consulter cette ancienne réponse du Guichet du savoir sur Jung.
Bonne journée.