Que se passerait-il si une grosse tempête solaire, comme en 1859, frappait la terre aujourd'hui ?
Question d'origine :
Bonjour,
J'aimerais savoir ce qu'il se passerait si une grosse tempête solaire, comme en 1859, frapperait la Terre aujourd'hui. Est-il possible que cela arrive à nouveau ?
Merci d'avance
Réponse du Guichet
Un événement tel que l'éruption solaire de 1859 pourrait se reproduire. L'un d'eux a même eu lieu en 2012, mais la terre n'était pas sur sa trajectoire. De nombreux scientifiques travaillent actuellement à une meilleure prédiction de semblables événements.
Bonjour,
La tempête solaire à laquelle vous faites allusion,en septembre 1859, est entrée dans l'histoire sous le nom d'événement de Carrington. Un article de Futura sciences le retrace :
L'histoire de Richard Carrington, vous la connaissez ? C'est celle qu'un astronome amateur. Ce qu'il appréciait tout particulièrement, c'était dessiner les taches solaires. Et c'est ce qui l'a fait entrer dans l'histoire. L'histoire des sciences, au moins. Parce que par une belle journée de septembre 1859, quelque part dans les environs de Londres, alors qu'il s'adonnait à sa passion, il a été « aveuglé par un flash de lumière » en provenance du Soleil. Les chercheurs ont expliqué plus tard que, derrière le flash en question, se cachait la plus importante éjection de masse coronale produite par notre Étoile durant l'ère moderne. Une explosion de plasma - baptisée depuis, « événement de Carrington » - qui a atteint notre Terre moins de 18 heures plus tard. Déclenchant une véritable tempête géomagnétique donnant lieu à des aurores boréales visibles... jusque sous les tropiques ! Et causant notamment des pannes importantes aux systèmes télégraphiques.
Selon cet article, l'événement a précédé "le maximum solaire de 1860" - or, d'après les astronomes, le soleil est actuellement dans une activité croissante qui pourrait connaitre un nouveau maximum vers juillet 2025. Ce qui a changé entretemps, c'est notre civilisation "que nous avons rendue tributaire de tant de systèmes sensibles aux perturbations électromagnétiques", à savoir tous les systèmes numériques sur lesquels nous nous appuyons :
Parce que les tempêtes géomagnétiques génèrent des courants induits qui traversent le réseau électrique. Ces courants peuvent dépasser 100 ampères. De quoi potentiellement causer des dommages à toutes sortes de composants du réseau (transformateurs, relais, etc.) et entraîner des pannes à grande échelle. Comme celle qui s'est produite au Canada, en 1989. Un événement trois fois moins important que celui de Carrington a privé cinq millions de personnes d'électricité pendant neuf heures. La fréquence d'un tel événement est estimée à un tous les 50 ans.
Sans compter que des satellites géostationnaires pourraient être endommagés, rendant inopérant nos systèmes de communication et de navigation... et "Selon des estimations de la Nasa, il en coûterait quelque 1 000 milliards de dollars rien qu'aux États-Unis pour s'en relever. Une autre étude évoque entre 20 et 40 millions de personnes potentiellement touchées dans le pays par des coupures de courant allant de seize jours à deux ans !"
Selon un article de National geographic, un événement de type Carrinton pourrait se reproduire, et les instruments de mesures actuels ne pourraient le prévoir qu'environ un jour avant. Mais peu à peu la science progresse :
Les scientifiques qui utilisent le nouvel Observatoire de la dynamique solaire (SDO) espèrent mieux comprendre le comportement du Soleil alors qu’il entre dans son prochain maximum et commence à produire de plus grandes tempêtes.
Ces études pourraient aider les scientifiques à prédire quand et où les éruptions solaires sont susceptibles de se produire, et si une éruption donnée est dirigée vers la Terre.
« De meilleures prédictions engendreraient des prévisions plus précises, et [les officiels] pourraient prendre les bonnes mesures palliatives », a déclaré Rodney Viereck, physicien au Centre de prédiction météorologique spatiale.
Même aujourd’hui, a renchéri Bogdan, les émissions les plus destructrices issues de violentes tempêtes sont assez lentes pour être détectées par les satellites d’observation du soleil bien avant que les particules ne frappent la Terre. « Cela nous donne [environ] vingt heures pour déterminer les mesures à prendre », explique Viereck.
Cela suffirait pour que les compagnies électriques puissent au moins protéger leurs précieux transformateurs en les désactivant avant l’arrivée de la tempête sur Terre. Il y aurait des pannes locales, mais d’une plus courte durée.
Le site de la NASA indique quant à lui qu'un événement de type Carrington s'est produit en 2012, mais que la terre n'était pas sur sa trajectoire. Le physicien Pete Riley a d'ailleurs calculé deux ans plus tard qu'un tel événement avait 12% de chances de toucher la terre dans les 10 années suivantes ! Si vous lisez l'anglais, cette brève description de sa démarche vous intéressera sûrement :
In his study, Riley looked carefully at a parameter called Dst, short for "disturbance – storm time." This is a number calculated from magnetometer readings around the equator. Essentially, it measures how hard Earth's magnetic field shakes when a CME hits. The more negative Dst becomes, the worse the storm. Ordinary geomagnetic storms, which produce Northern Lights around the Arctic Circle, but otherwise do no harm, register Dst=-50 nT (nanoTesla). The worst geomagnetic storm of the Space Age, which knocked out power across Quebec in March 1989, registered Dst=-600 nT. Modern estimates of Dst for the Carrington Event itself range from -800 nT to a staggering -1750 nT.
Pour aller plus loin, vous trouverez sur Google scholar des études scientifiques récentes en français sur le sujet, notamment :
Benoît Tremblay, Assimilation des données et apprentissage profond pour la prédiction de l'activité solaire à court terme, thèse soutenue en 2019
François Labonville, Prédiction du cycle solaire en utilisant un modèle dynamo de type Babcock-Leighton, mémoire de maîtrise soutenu en 2019
Christian Thibeault, Prédiction des éruptions solaires par assimilation de données avec les modèles d’avalanches, mémoire de maîtrise soutenu en 2019
Voir également ces articles du CNRS :
Météo de l’espace : quand l’activité solaire chamboule la Terre
Vers une meilleure prévision des éruptions solaires
Une nouvelle piste pour prédire les éruptions solaires ?
Bonne journée.