Pouvez-vous me renseigner sur la sépulture de François Jacquemont ?
Question d'origine :
Bonjour , dans ma commune , St Médard en forez, sous la révolution il y avait un prêtre janséniste, François Jacquemont , François Jacquemond était un des grands chef janséniste du Forez, il est décédé le 14 juillet 1835 sans avoir reçu les sacrements de l'Eglise, l'église étant fermé par le desservant . Jacquemond a été inhumé dans le cimetière autour de l'église,, lorsque le cimetière a été transféré à l'endroit où il se trouve actuellement , la sépulture de Jacquemont se trouve dans un coin du cimetière à l'extrème droite de la porte d'entrée, la commune a fait installé une pierre tombale à son nom en 1840, pouvez vous me dire pourquoi il se trouve dans ce coin de cimetière, il ne pouvait pas être inhumé dans le caveau des prêtres ,étant janséniste, existe-il dans les cimetières des carrés non bénis ou y a-t-il une autre raison, la tombe est vraiment dans un coin à peine visible, merci pour votre réponse .
Réponse du Guichet

François Jacquemont a été inhumé dans le cimetière de Saint-Médard-en-Forez auprès de 80 autres jansénistes et non avec ses prédécesseurs. Sa sépulture a ensuite été transférée dans le nouveau cimetière aux alentours de l'année 1865. Nous n'avons malheureusement pas trouvé plus d'information sur le choix de son emplacement. Peut-être vous faudra-t-il poursuivre vos recherches auprès des archives ?
Bonjour,
Vous l'avez dit vous même, François Jacquemont ne pouvait pas être enterré avec ses prédécesseurs. Il a tout d'abord été inhumé aux côtés d'autres jansénistes.
C'est ce qu'indique un premier récit :
En passant devant l'église, le cortège s'arrêta, le corps fut déposé sur le seuil de la porte et après la récitation de quelques psaumes il fut conduit au cimetière où reposaient déjà près de quatre-vingts jansénistes.
source : François Jacquemont, curé de Saint-Médard en Forez, 1757-1835 : sa vie et sa correspondance d'après des documents inédits / publiés avec une introduction et des notes, par M. Eugène Jacquemont
Voici le récit plus en détails de son enterrement :
Ce fut en vain que le maire de Saint-Médard pria le desservant de ne pas refuser les honneurs de la sépulture à un homme qui s’était constamment sacrifié pour la paroisse et l’avait comblée de bienfaits pendant plus de cinquante ans. Celui-ci demeura ferme dans son refus, et le jour où devaient avoir lieu les funérailles, il eut soin de déserter de la paroisse, en emportant avec lui les clefs de l’église.
Ce bon maire aurait dû connaître le décret du 23 prairial, an XII, sur la police des inhumations, il aurait dû savoir qu’en pareil cas, c’est à l’autorité civile qu’incombe le droit de faire commettre un autre prêtre, sur la réquisition de la famille du défunt.
Ainsi fut traité un prêtre, un ancien curé, qui avait tant donné de marques d’amour à sa paroisse. On vit les portes de son église fermées pour lui à son décès !
Ses funérailles, on ne peut en douter, furent célébrées par les Anges, et si les cloches restèrent muettes, les larmes de ses enfants, les gémissements des pauvres, les regrets de tous les gens de bien, honorèrent son convoi d’une manière plus grave encore que ne l’eussent fait les chants et les cérémonies de l’Église.
Le sanctuaire où il avait exercé un ministère si pur pendant si longtemps où il avait prêché l'Évangile dans toute son intégrité, lui fut fermé, le signe du salut ne marcha pas à la tête de son convoi, mais les prières ferventes, mais un recueillement triste et profond, mais un saisissement religieux peint sur tous les visages, furent une compensation avantageuse à l'ignominie dont le desservant avait cru le couvrir.
En passant devant l'église, le convoi s'arrêta, le saint corps fut déposé sur le seuil de la porte et après la récitation grave de quelques psaumes, on reprit lentement le chemin du cimetière où la fosse avait été creusée dans un lieu qui depuis trente ans était affecté par le fanatisme des desservants aux soi-disant Jansénistes.
Déjà reposaient en ce lieu plus de quatre-vingts de ces chrétiens, il était bien juste que leur père, leur conducteur, leur maître, se trouvât au milieu de ses disciples.
[…]
A une époque moins sceptique que celle où nous vivons, on aurait pu parler ici de plusieurs guérisons miraculeuses opérées sur son tombeau et par lesquelles Dieu s'est plu à manifester la gloire dont il a couronné cet athlète invincible de J.-C., mais de nos jours on doit se contenter de dire ce qu'on aurait pu constater par des preuves dans un temps moins mauvais. « Je crois fermement qu'il viendra un temps où la mémoire de ce saint prêtre, mort sous l'anathème, sera réhabilitée, ainsi que celles de beaucoup de saints personnages qui depuis deux siècles sont morts comme lui, sous l'ex-communication la plus inique et la plus injuste.
source : Les derniers Jansénistes depuis la ruine de Port-Royal jusqu'à nos jours [Livre] : 1710-1870 / par Léon Séché en pages 109-110 du Tome 2.
En outre, plus loin dans ce dernier récit, il est fait mention du transfert de sa sépulture dans le nouveau cimetière aux alentours de l'année 1865. Dans une lettre du maire de Saint-Médard-en-Forez en date du 23 janvier 1890, on peut lire :
«Tous les anciens qui ont connu M. Jacquemont le vénèrent et parlent de sa charité, mais ceux-là deviennent chaque jour plus rares. Cependant, sa mémoire nous est demeurée chère, et ce qui la perpétue, c’est une rente de quarante doubles décalitres de blé-seigle qui est distribuée tous les ans, en son nom, aux pauvres de la commune.
Sa tombe existe toujours : elle est dans un coin du nouveau cimetière où on a transporté ses os il y a environ vingt-cinq ans, mais l’herbe y foisonne et la recouvre.»
Léon Séché ajoute :
«Il me semble que la paroisse de Saint-Médard s’honorerait en entretenant en bon état de propreté la tombe de ce saint qui fut son bienfaiteur.»
Source : Les derniers Jansénistes depuis la ruine de Port-Royal jusqu'à nos jours [Livre] : 1710-1870 / par Léon Séché en page 114 du Tome 2.
Nous avons consulté la presse de l'époque qui ne mentionne pas ce transfert de sépultures.
Si sa sépulture a été déplacée en 1840 ou 1865, peut-être en trouverez-vous trace dans des délibérations du conseil municipal ?
Nous vous recommandons de contacter le service d'archives de la commune de Saint-Médard-en-Forez ou encore les Archives départementales de la Loire. Ces dernières conservent notamment le fonds Chaleyer qui comporte les Oeuvres de M. François Jacquemont rédigées par Jacques Taveau.
Par ailleurs, sa tombe semble avoir fait l'objet de "pèlerinages". La municipalité a peut-être jugé utile de l'isoler quelque peu du reste du cimetière afin de ne pas troubler la quiétude des familles venant se recueillir sur la tombe de leurs proches disparus. Mais ceci n'est qu'une supposition de notre part...
A consulter pour en savoir plus sur François Jacquemont :
Histoire générale du mouvement janséniste depuis ses origines jusqu'à nos jours. Tome second / Augustin Gazier
La Petite-Eglise de Lyon / Camille Latreille
L'Eglise janséniste du Forez / Benoît Laurent
Le jansénisme en Forez au XVIIIe siècle / Dossier coordonné par Philippe Castagnetti
Études : revue fondée en 1856 par des Pères de la Compagnie de Jésus
A noter : C'est l'article 15 du décret du 23 prairial an XII qui "imposait aux communes d'affecter une partie du cimetière ou de créer un cimetière spécialement affecté à chaque culte, et interdit tout regroupement par confession sous la forme d'une séparation matérielle du reste du cimetière". Ce décret sera abrogé par la loi du 14 novembre 1881. (source : Sénat)
Sur l'histoire de la gestion des cimetières : Aux origines des cimetières contemporains Les réformes funéraires de l’Europe occidentale. XVIIIe-XIXe siècle / Régis Bertrand et Anne Carol (dir.)
Bonne journée