Je cherche des informations sur l’architecte et le décorateur d’un bâtiment parisien.
Question d'origine :
Cher guichet,
Je recherche des informations concernant l’architecte et le (ou les) décorateur(s) d’un bâtiment parisien construit, il me semble, à la fin du XIXème siècle. Le bâtiment se situe au 37 rue des Mathurins (ancienne rue Neuve-des-Mathurins) et héberge actuellement une maison de vente aux enchères dans laquelle je travaille. La salle principale est magnifique : elle est entourée d’une mezzanine soutenue par des piliers en mosaïque, surplombée d’une impressionnante verrière Art Déco et habillée de longues rampes d’escaliers stylisées, qui se terminent par deux ferronneries en forme de serpents (voir photos).
Malheureusement, personne au sein de l’établissement ne dispose d’informations sur l’historique du bâtiment, et la question me fascine tellement qu’elle en devient une obsession personnelle. J’ai passé de longues heures à chercher des informations sur Internet, pensant que les réponses à mes questions trouveraient rapidement satisfaction mais je suis tombé des nues en constatant le peu de renseignement accessible sur le sujet : au début du XXème siècle, les locaux hébergent différentes sociétés d’impressions (Société des Encres Françaises d’Imprimerie, Société Industrielle de Photographie), des années 1920 à 1970 (dates incertaines), une banque s’y installe (Crédit Français), puis c’est en 1994 que l'Étude Ader-Picard-Tajan récupère le bâtiment.
Je n’ai trouvé aucune archive photographique (à l’exception d’un cliché de la façade à l’époque du Crédit Français - voir visuel), et aucune référence à un architecte, promoteur ou décorateur malgré l’intérêt patrimonial qui se révèle dans les détails de ces locaux. Dans la salle, on retrouve à de nombreuses reprises de mystérieuses initiales (BFHA), au milieu de certaines rambardes, ainsi que dans le carreau central de la verrière, que je n’ai pas réussi à déchiffrer malgré de nombreuses heures de recherches sur ce sujet.
Je suis à la recherche d’une piste, d’une information fiable sur laquelle basée mon enquête. N’étant pas coutumier de la recherche documentaire, je ne sais ni par où, ni par quoi commencer…
Merci de m’avoir lu, et merci d’exister :)
Réponse du Guichet
Votre immeuble a apparemment été construit par l'architecte Jean Jacques Nicolas Alexandre Arveuf.
Bonjour,
Alors que la base Mérimée ne délivre aucune information sur votre immeuble (à la différence d’autres immeubles de la rue Neuve-des-Mathurins), nous avons pu retrouver le nom de l’architecte grâce à un jugement. Il s'agit de Jean Jacques Nicolas Alexandre Arveuf.
En effet, le Bulletin de la cour d'appel de Paris (1870-1871) mentionne un litige opposant l’architecte et la propriétaire et dont nous vous présentons un extrait :
Arveuf C femme rozan28 décembre 1871
La cour, - statuant sur les appels interjetés par Arveuf, d’une part, et encore par les époux Rozan, d’autre part du jugement rendu par le tribunal civil de la Seine le 11 août 1869; - Sur l’appel d’Arveuf contre les époux Rozan: - Considérant que la dame Rozan est propriétaire d’une maisons sise à Paris, rue Neuve-des-Mathurins, 37, et rue Aubert, que Mirès son père a fait édifier sous la direction d’Arveuf, architecte; - Considérant que ce dernier a été chargé de dresser les plans, d’établir les devis et de surveiller les travaux, dont l’exécution a été confiée à différents entrepreneurs: - Considérant que les devis imposaient aux entrepreneurs l’obligation de n’employer que des matériaux de premier choix, et que leurs mémoires, réglés aux prix les plus élevés de la série, ont atteint le chiffre de seize cents francs par mètre carré; - Considérant qu’en 1865, les désordres les plus graves se sont manifestés dans les constructions, qui ne remontaient qu’à l’année 1858, et que les experts Collet, Feydeau et Rivière ont été chargés, par ordonnance de référé, d’en rechercher la cause (...) – Considérant que de leur rapport il résulte que les deux corps de bâtiments sur la rue et sur le jardin et que celui en aile ont été presque entièrement reconstruits, et que les nouveaux travaux ont été la conséquence des mauvais matériaux employés par les entrepreneurs et de plusieurs vices de construction; Considérant que l’auteur principal de ce sinistre est l’entrepreneur de charpente Jaud, qui a fourni des bois ne remplissant aucune des conditions imposées par le devis et indispensables pour assurer la solidité et la durée du bâtiment; - Considérant que les experts ont constaté que ces bois étaient de mauvais provenance (…) Arveuf a commis la faute de ne pas vérifier les fournitures faites par un entrepreneur et de laisser employer celles qui ont amené la destruction presque complète de l’immeuble de la dame rozan …
Sur Arveuf, le site de l’INHA mentionne:
Jean Jacques Nicolas Alexandre Arveuf [Arveuf-Fransquin], né à Paris 4è [ancienne section Beaux-arts] le 17 Vendémiaire an 11 (9 octobre 1802), fils de Jean Arveuf et de Marie Anne Nicole Coquet, élève de Jules Delespine, admis le 29 novembre 1822, 2è classe le 3 avril 1824, obtient 6 mentions en mathématiques, perspective et compositions d'architecture entre le 12 juillet 1824 et le 16 mars 1829 (architecte à Paris 8è [en 1861]; attaché aux travaux de l'abbatiale de Saint-Denis en 1830; architecte du diocèse de Reims et du département de la Marne, honoraire en 1861; travaille à la Bibliothèque Royale; rédige un rapport sur les églises d'Auvergne en 1832, chargé à la même époque de l'entretien de la cathédrale de Reims (y construit un buffet d'orgue), et Saint-Flour; projet de restauration de Notre-Dame de Paris en 1843; église d'Eurville (Haute-Marne) en 1851; constructions particulières importantes à Paris; expose au Salon des artistes français à Paris en 1867, Projet de théâtre pour la ville de Reims, cinq châssis; Projet d'hôtel à construire, à Marseille, quatre dessins; expertises; membre de l'Association Taylor en 1862; père d'Alexandre Arveuf-Fransquin (élève de Charles Questel, actif à Paris entre 1867 et 1888); mort en 1876; Archives nationales de France, AJ/52/353, dossier d'élève; Delaire; Leniaud; Catrin Ritter in AKL; Dugast et Parizet; Musée d'Orsay, documentation)
Divers sites donnent des éléments biographiques sur cet architecte dont wikipedia et le répertoire des architectes diocésains du XIXe siècle.
Par ailleurs, des recherches sur Gallica permettent de retrouver un certain nombre de locataires et de propriétaires.
A titre d’exemple, Pièces notifiées par Savine mentionne "Paul Moïse Oppenheim, banquier, demeurant à Paris, 37, rue Neuve-des-Mathurins" et le Le Mandataire des avoués et des agréés (1877) fait part d’un litige entre le propriétaire et la locataire.
Vous pourriez poursuivre votre recherche en consultant les ouvrages suivants que nous ne possédons pas :
L'Architecture privée à Paris au Grand siècle / Michel Le Moël, 1990
Le vitrail à Paris au XIXᵉ siècle.Entretenir, conserver, restaurer / Elisabeth Pilet, 2010.
Dictionnaire des maîtres verriers : marques & signatures : de l'Art nouveau à l'Art déco / Phillippe Olland, 2016.
Vous pourriez aussi jeter un coup d’œil du côté de la ferronnerie.
Enfin, pour en savoir plus, il faudra effectuer des recherches aux Archives nationales.