Question d'origine :
Bonjour,
Est - il toujours légitime d'obéir ?
Répondre avec des arguments pour et contre et illustrer avec des exemples.
Merci
Réponse du Guichet
Votre sujet nécessitera d’abord de définir le terme légitime. A partir de là, de nombreux ouvrages peuvent vous aider à construire votre réponse. Il faudra cependant garder à l'esprit que la plupart tendent à montrer la légitimité de la désobéissance dans certains cas. Ce sera donc à vous d'adapter leurs arguments à votre question.
Bonjour,
L’Article Légal / Légitime de Repères-Glossaire Philosophie Terminale permet déjà de répondre en partie à la question en vous donnant deux exemples :
Légal / Légitime
Est légal ce qui est conforme au droit positif, c'est-à-dire au droit établi dans un État. La légalité comprend l'ensemble des lois et des codes formant la législation en vigueur sur un territoire donné. Le droit positif n'est pas universellement valable, la légalité variant d'un État à l'autre. Est légitime ce qui est conforme au droit idéal, à l'idée qu'on se fait de la justice en général (comme vertu). Dans un État, ce qui est légal n'est pas nécessairement légitime: une loi peut être considérée comme injuste, contraire aux droits élémentaires attachés à la personne et à la dignité de l'individu (par exemple, les lois antisémites du régime de Vichy). À l'inverse, quelque chose de légitime peut ne pas être autorisé et considéré comme illégal (par exemple, dans certains pays, les femmes n'ont pas le droit de conduire).
Pourront aussi vous aider à cerner votre sujet :
Le podcast Suffit-il au pouvoir d’être légal pour être légitime?, France Culture, Avec philosophie
Le corrigé sur un sujet assez proche Est-il toujours injuste de désobéir aux lois?, Philosophie magazine
Puis-je, au nom de ma conscience, refuser de me soumettre aux lois ?, ggpphilo (Gabriel Gay-Para)
De la désobéissance, sur Philosophie et politique, site personnel de Denis Collin
L’article La désobéissance comme principe de la démocratie, Sandra Laugier, Pouvoirs 2015/4 (N° 155), pages 43 à 54
De nombreux ouvrages vous permettront ensuite de développer vos arguments. Les 4e de couverture ici copiées permettent déjà de repérer les plus essentiels.
Désobéir, Frédéric Gros
Ce monde va de travers, à tel point que lui désobéir devrait être une urgence partagée et brûlante. Dans cet essai intempestif, Frédéric Gros réinterroge les racines de l'obéissance politique. Conformisme social, soumission économique, respect des autorités, consentement républicain? C'est en repérant les styles d'obéissance qu'on se donne les moyens d'étudier, d'inventer, de provoquer de nouvelles formes de désobéissance: la dissidence civique, la transgression lyrique... Rien ne doit aller de soi: ni les certitudes apprises, ni les conventions sociales, ni les injustices économiques, ni les convictions morales.
La pensée philosophique, en même temps qu'elle nous enjoint de ne jamais céder aux évidences et aux généralités, nous fait retrouver le sens de la responsabilité politique. À l'heure où les décisions des experts se présentent comme le résultat de statistiques glacées et de calculs anonymes, désobéir devient une affirmation d'humanité.
Philosopher, c'est désobéir. Ce livre en appelle à la démocratie critique et à la résistance éthique.
Voir aussi :
Désobéir, podcast France Culture avec Frédéric Gros, et la recension de Sophie Galabru sur Nonfiction.fr
Pourquoi désobéir en démocratie ? Albert Ogien et Sandra Laugier
Les raisons de se révolter ne manquent pas. Mais, en démocratie, s'engager dans un combat contre l'injustice, l'inégalité ou la domination est un geste qui doit s'exprimer sous une forme d'action politique acceptable. Parmi ces formes se trouve la désobéissance civile : elle consiste, pour le citoyen, à refuser, de façon non violente, collective et publique, de remplir une obligation légale ou réglementaire parce qu'il la juge indigne ou illégitime, et parce qu'il ne s'y reconnaît pas. Cette forme d'action est souvent considérée avec méfiance : pour certains, elle ne serait que la réaction d'une conscience froissée, puisqu'elle n'est pas articulée à un projet de changement politique ; pour d'autres, elle mettrait la démocratie en danger en rendant légitime un type d'action dont l'objet pourrait être d'en finir avec l'État de droit.
Discours de la servitude volontaire, La Boétie
Le renom d'Étienne de La Boétie, ami de Montaigne, s'attache à un écrit composé «à l'honneur de la liberté, contre les tyrans». Comment expliquer qu'un peuple entier puisse ployer sous le joug d'un seul homme sans force ni prestige? À cette question, l'auteur répond que la servitude est volontaire; ce sont les peuples qui, en acceptant de se soumettre, contreviennent à ce qu'il y a de plus profond dans la nature humaine: la liberté. Pourtant -et c'est là tout le scandale dénoncé par l'auteur-, rien de plus simple que s'affranchir du tyran. «Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres», affirme-t-il. Interrogeant les ressorts secrets de la domination, La Boétie construit une œuvre majeure pour l'histoire de la pensée politique.
La désobéissance civile, Henry David Thoreau
En juillet 1846, Henry David Thoreau est emprisonné pour avoir refusé, en signe d'opposition à l'esclavage et à la guerre contre le Mexique, de payer un impôt à l'État américain. Cette expérience sera à l'origine de cet essai paru en 1849 et qui fonde le concept de désobéissance civile. Un texte qui influença Gandhi, Martin Luther King ou Nelson Mandela, et ne cesse d'inspirer philosophes et politiciens depuis plus d'un siècle et demi.
Voir aussi :
Désobéir : anthologie politique et réfractaire, Henry David Thoreau
Le devoir de résister : apologie de la désobéissance incivile, Candice Delmas
Quelles sont nos responsabilités face à l'injustice? Les philosophes considèrent généralement que les citoyens d'un Etat globalement juste doivent obéir à la loi, même lorsqu'elle est injuste, quitte à employer exceptionnellement la désobéissance civile pour protester. Les militants quant à eux, qu'ils luttent pour les droits civiques, contre les violences faites aux femmes ou pour le climat, jugent souvent que l'obligation première est de résister à l'injustice.
En revisitant le concept d'obligation politique, Candice Delmas montre que le devoir de résister a les mêmes fondements que le devoir d'obéir à la loi. Des formes de désobéissance incivile, de l'aide clandestine aux migrants aux fuites de documents non autorisés en passant par l'écosabotage ou les cyberattaques, peuvent parfois être justifiées, voire moralement requises, même dans des sociétés démocratiques. C'est par ces moyens illicites et incivils que les Freedom Riders ont dénoncé la ségrégation aux États-Unis, que #BlackLivesMatter a révélé les violences policières ou #MeToo l'ampleur des phénomènes de harcèlement et des féminicides. L'incivilité interpelle, accuse, rend l'indifférence impossible et force à prendre parti. Qu'est-il légitime de faire pour défendre une cause juste dans un État de droit où elle est ignorée?
Tu vas obéir, Jean-Luc Nancy
«Combien de fois des parents ou des professeurs excédés lancent-ils: «Mais tu vas obéir à la fin?» Obéir n'est pas spontané; le plus souvent, on ne sait pas pourquoi il le faut. Et peut-être ne le faut-il pas toujours. Peut-être que cette question signifie aussi: vas-tu faire ce qu'on t'ordonne sans savoir pourquoi? N'y a-t-il pas des ordres injustes? Pourquoi peut-on parler de «désobéissance civile»?»
Pour quoi obéir? Georges Didi-Huberman
Que l'on soit adulte ou enfant, on n'arrête pas de nous demander d'obéir. Alors, pour quoi, en vue de quoi? Quand est-ce qu'obéir nous sauve? Et quand est-ce qu'obéir nous piège? Quand est-ce qu'obéir nous préserve du pire... ou nous prive du meilleur? Obéir peut donner de l'espace mais aussi nous immobiliser. Comment s'opère le glissement entre le fait d'être contraints d'obéir et celui d'être libres? De fil en aiguille, ce court texte saisissant propose cet avertissement philosophique: ne vous précipitez pas sur les «promotions», elles sont des ordres déguisés.
Obéir ? Se révolter ?, Valérie Gérard ; dessins de Clément Paurd
Les parents commandent, les enfants obéissent : dans ce cas, la relation est naturelle. Mais elle ne l’est pas ailleurs. Pourtant, les hommes obéissent à leurs patrons, aux lois, aux gouvernants : c’est ainsi que se maintient l’ordre social. Mais pourquoi obéit-on et jusqu’où faut-il aller ? Quel type d’obéissance, en société, laisse intacte la capacité de juger, sinon une obéissance réfléchie et librement consentie ? Car on peut obéir et... cesser d’obéir : quand le pouvoir est exercé contre l’intérêt général et que les lois sont injustes et nocives. Résister, c’est faire reconnaître qu’on existe. Se révolter, c’est rappeler aux gouvernements qu’ils ont besoin du consentement des peuples s’ils ne veulent pas s’enfoncer dans la tyrannie.
Bonnes lectures !