Quelle était la place des femmes dans la fabrique de soie lyonnaise au XIXe siècle ?
Question d'origine :
Bonjour !
J'aurais aimé des informations concernant la place des femmes dans la fabrique de soie lyonnaise au 19e siècle, et surtout leur implication dans les révoltes des canuts.
Ont-elles combattu derrière les barricades avec leurs homologues masculins ?
Merci beaucoup !
Réponse du Guichet
D'après les documents que nous avons consultés, la révolte connue des femmes travaillant dans la soie à Lyon a eu lieu en 1869. Dans ces mêmes documents, lors des révoltes de 1831 et 1834, le rôle des femmes n'est pas abordé. Il n'est pas possible de vous dire si elles en étaient absentes ou non.
Les révoltes des canuts ont eu lieu en 1831 et 1834.
Voici deux ouvrages relatifs à ces événements:
Les canuts ou la démocratie turbulente : Lyon, 1831-1834 / Ludovic Frobert
Les révoltes des canuts : 1831-1834 / Fernand Rude ; postface inédite de Ludovic Frobert
Cependant, il n’est pas question des femmes dans ces ouvrages.
La révolte connue des femmes travaillant dans la soie à Lyon est celle des ovalistes en 1869. Voici des documents à son sujet :
La révolte des ovalistes : histoire / dessin Nathalie Vessillier ; scénario Eva Thiébaud
La grève des ovalistes : Lyon, juin-juillet 1869
Juin 1869 à Lyon : fileuses de soie et ovalistes jaillissent des ténèbres (Cahiers d'histoire sociale Rhône-Alpes ; n°91, mars 2010, p. 10-15)
Dans l'ouvrage Femmes de Lyon / Bernadette Angleraud, Anouk Delaigue, Isabelle Doré-Rivé, Fanny Giraudier, Monica Martinat, André Pelletier, Jacques Rossiaud il est revanche question des travailleuses de la soie :
p. 92 un schéma indique les relations de travail entre les "Maîtres à façon, ou maîtres ouvriers en soie (ils sont une maîtrise, une boutique et la propriété des instruments de travail)" et les femmes qui gravitent autour de cette position.
- Femmes de maîtres à façon, ou femmes de maîtres ouvriers en soie
- Fils et filles de maître façonniers : sans salaire
- Filles à gages ou ouvrières sans titre de compagnonnage : moins payées
- Tireurs/euses de cordes, dévisseuses, ourdisseuses, domestiques : salaires très bas, aucune possibilité d’ascension
Au sujet de la Grande Fabrique de soie :
p. 94 «Elles sont très nombreuses à travailler, mais elles sont pour la plupart exclues de la structure corporative qui protège et garantit des droits et des privilèges à ses propres membres. Celles-ci recueillent en effet un peu moins de 9000 personnes, pour la plupart des hommes. Le reste de la main d’œuvre qui contribue à la production de la soie, estimé à presque 20000 unités, se trouve à l’extérieur de ce cadre formalisé et protecteur : c’est dans cet espace que travaillent la plupart des femmes. Leurs positions sont toutefois bien différenciées : dans les positions les moins précaires et pénibles on trouve d’abord les femmes des maîtres et leurs filles, suivies par les dévideuses et ourdisseuses. En bas de l’échelle, on trouve les tireuses de cordes qui assurent les tâches les plus pénibles et les plus usantes.»
[…]
p. 95-96 «Pour de nombreuses jeunes filles - les plus jeunes ont dix ans - ce placement en apprentissage est la garantie d’une stabilité et d’un avenir, dépourvu pourtant de mobilité sociale. L’hôpital de la Charité a en effet instauré un système spécifique de mise en apprentissage qui achemine les jeunes vers les métiers dont le prestige relatif est en relation avec leur position sociale d’origine.»:
Il est sujet des Catherines (naissance légitime) : sont destinées à des «professions plus évaluées et rentables, généralement à l’intérieur des corporations féminines» et des Thérèses (naissance illégitime): sont destinées à être «dévideuses et ourdisseuses».
p. 122 « En 1833, le monde la Fabrique compte 14940 maîtres, 29550 compagnons, 27210 femmes et 38890 enfants, mais ces deux derniers groupes sont cantonnées dans des tâches subalternes. […] Certaines femmes sont compagnonnes, voire canuses. Selon Jules Simon, en 1861, à Lyon, un tiers des métiers seraient occupés par des femmes. Pourtant, dans la plupart des cas, le tissage reste une affaire masculine. Les femmes interviennent dans les opérations en amont, préparant le travail du canut. Ce sont les ovalistes qui préparent le fil de soie, les dévideuses qui enroulent le fils sur les bobines et les ourdisseuses, monteuses, remetteuses qui préparent les fils de chaine. Bien souvent, c’est aussi l’épouse du maître qui est chargée de la négociation avec le maître fabricant. Ainsi voit-on «les bourgeoises» descendre les pentes de la Croix-Rousse, l’étoffe sous le bras, pour aller marchander le prix de vente avec le négociant. Mais épouses et filles de canut ne sont pas les seules femmes au travail dans l’atelier. Lorsque le nombre de métiers est important, la main-d’œuvre familiale ne suffit pas, le canut a alors recours à des ouvrières, chargées des opérations de dévidage ou d’ourdissage. Elles peuvent effectuer ces tâches dans l’atelier du canut ou bien chez elles. Ces activités, en lien avec le tissage de la soie, sont à l’origine d’une multitude de petits ateliers à domicile. Aux dévideuses s’ajoutent les couturières, tailleuses ou lingères.»
Nous vous conseillons également le chapitre «L’ouvrière, mot impie» p. 126, où sont décrits les usines-pensionnats, par exemple la Maison Gindre à la Croix-Rousse ou parfois en dehors de la région lyonnaise (par exemple Claude-Joseph Bonnet à Jujurieux dans l’Ain).
Enfin, les femmes travaillant dans la soie sont également citées dans cet ouvrage p. 184 autour des années 30. Par exemple avec cette photographie :
Photographes en Rhône-Alpes : [Soieries F. Ducharne : sortie de l'usine] (bm-lyon.fr)