Que disent les études scientifiques sur les régimes dits anti-inflammatoires ?
Question d'origine :
De nombreux livres, articles, sites internet... vantent les mérites de régimes dits "anti-inflammatoires", qui auraient des vertus thérapeutiques. Plusieurs aliments sont considérés comme "pro-inflammatoires" et donc exclus par ces régimes, notamment les produits laitiers et les produits contenants du gluten. Qu'en disent les recherches scientifiques sur la question ?
Un autre point abordé par ce régimes concerne les modes de cuissons des aliments. Là aussi, des recherches viennent-elles confirmer ou infirmer ces propos ?
Merci pour votre aide.
Réponse du Guichet
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Rien ne permet d'attester scientifiquement du bien fondé des régimes anti-inflammatoires. Bien au contraire, les médecins préconisent d'éviter ce type de régimes.
Bonjour,
Les articles scientifiques doutent fortement des effets du régime anti-inflammatoire. Ainsi, Xavier Hébuterne, travaillant au Service de gastro-entérologie et nutrition Clinique, CHU de Nice explique dans l’article Nutrition anti-inflammatoire et MICI: que dire à nos patients? (2019) :
Il n’existe pas de «régime anti-inflammatoire» dont l’efficacité est démontrée. À l’inverse, ils peuvent être coûteux, ils entraînent des carences, ils réduisent le plaisir de manger et sont désocialisants. Au cours des MICI, la prise prolongée de compléments alimentaires n’est pas recommandée: elle est, en général, inefficace et peut être dangereuse. Il faut privilégier une alimentation plaisir, saine, variée, équilibrée et adaptée aux symptômes de la maladie. L’accompagnement par un(e) diététicien(e) est recommandé.
Radio France s’intéresse au rapport entre alimentation et maladie: Est-il vraiment possible d’éviter ou de soigner certaines maladies grâce à l’alimentation ?
Lors de cette émission, il est ainsi évoqué :
Aucun aliment ne soigne ou ne prévient à lui seul une pathologie, contrairement à ce que peuvent affirmer des charlatans et des gourous du bien-être. Marie-Christine Boutron-Ruault,hépato-gastroentérologue, le précise dans le cas de personnes malades: "à chaque fois qu'on fait une intervention sur son alimentation, voire que l'on prend certains compléments alimentaires, il faut toujours que ce soit en accord parfait avec le médecin qui soigne, l'oncologue ou les spécialistes d'organes, de façon à éviter le charlatanisme qui se développe. Il y a une volonté de beaucoup de personnes de trouver quelque chose d'un peu magique. Or, malheureusement, l'organisme est fabuleux, mais pas magique."
Par ailleurs, L'agence Science Presse revient sur le « mythe du régime anti-inflammatoire » :
Si certains aliments aident à réduire les effets d’une maladie inflammatoire, pourraient-ils la prévenir?
Aucune étude ne pourra vérifier cela. En revanche, pour une personne qui aurait une prédisposition génétique, le fait de bien manger lui permet de mettre toutes les chances de son côté. Effectivement, adopter une alimentation plus anti-inflammatoire aide à avoir un microbiote le plus sain possible. Et lorsqu’une personne a déjà une maladie, avec un microbiote déjà perturbé, une telle alimentation peut permettre d’améliorer la situation. L’idée est de mettre l’accent sur ce qu’on a de bon, soit de favoriser la croissance de nos bonnes bactéries déjà présentes dans l’intestin.
(…)
Que pensez-vous du régime anti-inflammatoire mis de l’avant par Jacqueline Lagacé, auteure de l’ouvrage "Comment j’ai vaincu la douleur et l’inflammation chronique par l’alimentation?"
Avec son régime hypotoxique, Jacqueline Lagacé a très bien expliqué et documenté les mécanismes liés à l’inflammation chronique. Il faut lui donner ce qui lui revient. Là où moi, j’ai une réserve, c’est que, premièrement, ce n’est pas une panacée. D’ailleurs, le Conseil national de l’ordre des médecins a fait une mise en garde par rapport à ce régime, dont l’efficacité thérapeutique n’est pas reconnue par la communauté scientifique. Ce régime ne remplace en aucun cas les traitements médicaux, contrairement à ce qui était parfois proposé.
Lorsqu’on analyse ce régime, on constate que c’est une alimentation de type ancestral basée sur la diète paléo, qui élimine plusieurs aliments, dont les produits laitiers, la majorité des céréales et tous les aliments cuits à haute température, etc. Aussi, aucun aliment transformé n’est permis, donc on élimine par le fait même les sucres et les gras raffinés.
Beaucoup de patients ont des effets positifs avec ce régime, on ne se le cachera pas. Toutefois, est-ce que c’est le fait d’avoir éliminé toutes traces de produits laitiers, toutes traces de blé dans l’alimentation qui apporte des effets positifs, ou c’est simplement le fait d’avoir éliminé les aliments transformés? Parce que la plupart des patients qui commencent ce genre de régime éliminent beaucoup de choses. Il est donc impossible de savoir quel changement a réellement eu un effet favorable. À mon avis, ce régime est beaucoup trop restrictif pour rien et le simple fait d’éliminer les aliments transformés joue probablement un rôle majeur dans les effets positifs rapportés.
Si quelqu’un veut tout de même éliminer les produits laitiers, je n’ai rien contre ça. À mon avis, les produits laitiers ne sont pas essentiels dans l’alimentation. Par contre, des nutriments dans ceux-ci le sont, comme le calcium, la vitamine D et la B12. Quelqu’un peut décider de faire un test et éliminer les produits laitiers de son alimentation, du moment qu’il compense par des substituts végétaux enrichis, entre autres pour éviter un déficit en vitamine D, car celle-ci a des propriétés anti-inflammatoires.
En ce qui concerne l’alimentation sans gluten, elle peut avoir des effets néfastes sur le microbiote et elle n’est pas recommandée à moins d’avoir une maladie cœliaque. Une alimentation sans gluten, si on ne fait pas attention, sera déficiente en fibres, car elle demande d’éliminer plusieurs grains entiers. Donc, à l’exception de ceux qui mangent régulièrement du teff ou du quinoa, qui sont des céréales moins populaires, la plupart des gens qui mangent sans gluten consomment beaucoup de produits à base de maïs, de riz, et de pommes de terre, donc des produits qui ont très peu de fibres. Du point de vue du microbiote, une alimentation sans gluten n’a donc pas d’effets favorables. Et du point de vue de l’inflammation, rien n’a démontré que le gluten pouvait causer de l’inflammation chez des gens qui n’ont pas de prédisposition génétique ou une intolérance au gluten.
Par ailleurs, aucune étude clinique n’a démontré les effets bénéfiques propres à la diète hypotoxique. Quand on fait une revue de la littérature de toutes les maladies inflammatoires, ce sont les aliments transformés, les gras saturés et les aliments raffinés qui sont pointés du doigt. Cette diète-là, par la bande, enlève tout ça. La seule façon de vérifier les effets de la diète hypotoxique serait de comparer des gens qui éliminent tous les aliments transformés, donc qui adoptent une diète méditerranéenne par exemple, avec des personnes qui suivent toutes les restrictions imposées par la diète hypotoxique. Présentement, aucune étude en ce sens n’a été faite.
Aussi, ce qui me déplaît avec ce genre de diète, c’est que cela crée de l’anxiété liée à l’alimentation. S’alimenter devient compliqué, et il ne faut pas négliger l’aspect psychologique relié au microbiote et aux maladies. De telles restrictions dénaturent l’alimentation. Je ne pense pas que cette diète procure des avantages supérieurs à la diète méditerranéenne, qui elle a des effets bénéfiques démontrés par une multitude d’études. Nous connaissons donc une diète qui existe depuis plus de cent ans, avec des bénéfices prouvés, mais l’humain est toujours à la recherche de diètes miracles.
Le régime méditerranéen, c’est cuisiner soi-même des aliments frais, manger beaucoup de végétaux et du poisson au moins deux fois par semaine. Mais c’est aussi le plaisir de manger, de cuisiner, de partager les repas en famille ou avec des amis, et de bouger. C’est vraiment un mode de vie complet, qui a une incidence positive sur le stress, qui peut être un déclencheur d’inflammation chronique. De toute évidence, le stress a un effet fulgurant sur le microbiote. Cela pourrait faire l’objet d’un autre article!
Enfin, l’article Recommandations de la Société française de rhumatologie sur l’alimentation des patients ayant un rhumatisme inflammatoire chronique (publié dans Revue du Rhumatisme, Volume 89, Issue 2, March 2022, Pages 116-127) montre :
À l’inverse, le régime sans gluten (en l’absence de maladie cœliaque), le régime végétalien/végétarien, le jeûne, l’éviction des produits laitiers ne devraient pas être proposés. Les supplémentations en vitamines ou oligoéléments ne sont pas indiquées pour contrôler l’activité du RIC et l’utilisation de probiotiques ou d’épices n’est pas conseillée du fait de données hétérogènes ou limitées.
Concernant les modes de cuisson, nous vous renvoyons sur les divers articles publiés dans Vidal.