Sous l'Ancien régime, les laïcs avaient-ils des missels ou des livres d'heures à l'église ?
Question d'origine :
Cher guichet,
J'ai mal posé ma question sur les missels: je voulais savoir si sous l'Ancien régime, les laïcs avaient des missels ou des livres d'heures à l'église et depuis quand (s'ils savaient lire s'entend) et non pas actuellement.Je vous prie de m'excuser.
Cordialement
Réponse du Guichet
Bonjour,
L'histoire du missel est plutôt bien documentée. C'est à partir du XVIe siècle, et surtout de la Réforme, que le missel va, discrètement au début, se répandre auprès des laïcs.
Sur cette question, la bibliothèque diocésaine de Nancy fournit quelques éléments intéressants:
« Pourquoi les fidèles ont-ils été encouragés à posséder un missel ? Il faut remonter au concile de Trente (achevé en 1563). En effet, le concile décida, pour mieux se différencier des pratiques protestantes, d'imposer rigoureusement une liturgie en latin. Or bien des fidèles ne comprenaient pas cette langue ; de plus le clergé lui tournait le dos et parfois était même invisible, derrière un jubé. Que pouvaient-ils faire pendant la messe ? Pour répondre à cette attente, des livres virent le jour : les missels, ainsi nommés à partir du latin liber missalis. Les premiers d'entre eux ne proposaient que des prières à dire durant la messe, ou bien des explications et commentaires pour permettre de mieux comprendre la cérémonie.
Diffusés en plus grand nombre au XVIIe siècle, en partie grâce aux Jansénistes de Port Royal, les missels commencent à se stabiliser sous une forme qui ressemble davantage à celle que nous connaissons aujourd'hui. Les traductions de la messe en français se généralisent au XVIIIe siècle ; parfois le texte latin n'est même plus présent, ce qui crée d'intenses polémiques. Les plus anciens missels de la bibliothèque sont de cette époque : ils sont intitulés non pas missel, mais "Bon Paroissien", ou "l'Ange Conducteur". Ce dernier type d'ouvrage fut maintes fois réédité sous des formes légèrement différentes; il contient notamment des tableaux de la passion où sont représentées des gravures sur la messe ».
L’histoire du missel français, édité chez Brepols, donne de nombreuses précisions supplémentaires.
« Que font les laïcs pendant la messe au XVIIe siècle […] ? Ils ont le choix entre réciter les psaumes […], dire le chapelet ou lire leurs Heures; il ne semble pas que, jusqu’au XVIe siècle, il y en ait – sauf exception – qui suivent en les comprenant les prières du ou des célébrants […] ».
La réforme protestante (et le mouvement janséniste) va largement contribuer à modifier ce rapport aux textes de messe. « Les réformés français demandent un retour à l’Ecriture tant dans la prédication que par l’accès des fidèles aux textes mêmes et par leur participation active aux offices […] ; ils emploient la langue vernaculaire. Leur position est sensiblement renforcée par le développement du livre imprimé et de la lecture, qui se répandent chez de nombreux nouveaux lecteurs laïcs ».
En réponse à ces évolutions, le concile de Trente adopte notamment les positions suivantes: « les cérémonies doivent être expliquées aux fidèles sans nécessairement être traduites, et la célébration en langue vulgaire est expressément interdite […]. Ces prescriptions théoriques sont suivies de la publication en éditions typiques de la Bible selon la Vulgate, du Missel romain, du Bréviaire romain […] bref d’un corpus scripturaire publié en latin ».
Le XVIe siècle et donc plutôt celui, non des traductions du missel en français, mais de livres explicatifs en langue vulgaire de ce qui se passe durant l’office.
« Tout va changer avec l’apport progressif, cohérent, obstiné et complet des port-royalistes et de leurs amis, dont les publications vont s’étendre jusqu’aux années 1720-1730 ».
« 1650-1690: publication de façon cohérente et complète de l’ensemble de l’office divin, le missel en 1660 […]. 1690-1730 : publication […] de la traduction de l’ordinaire de la messe, point essentiel du système. Ultérieurement, apparition lente et progressive des missels et missels-vespéraux, freinée par les Lumières et les violentes mises en cause de l’Eglise dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les ouvrages se réduisant à la traduction seule ».
Enfin, vous pourrez compléter votre lecture avec celle de cette ancienne réponse du Guichet, qui évoque la prolifération, au XVIIIe siècle, des éditions de missels.
A bientôt !