Pourriez-vous me renseigner sur le financement des monuments ?
Question d'origine :
Bonjour
On trouve dans nombre de villages de petits monuments, plus ou moins élaborés, qui mentionnent "Souvenir de la Mission suivi d'une date", en général de fin 19e jusqu'aux années 50.
Ma grand mère, née fin 19e, m'en parlait comme d'un évènement important, précisant que les paroissiens, plutôt pauvres, se "saignaient" pour financer ces monuments.
Quelles infos pouvez-vous réunir sur ce thème ?
Je vous en remercie. Bien cordialement.
Réponse du Guichet

Aujourd’hui un peu tombées en désuétude, les missions étaient des «temps forts» d’évangélisation et de re-christianisation des campagnes. Plusieurs jours de prêches, prières, processions, etc. se concluaient par la pause d’un monument souvenir, le plus souvent une croix. Ces monuments, très nombreux dans toute la France, étaient financés par les dons des paroissiens ou par l’offrande d’un riche notable.
Bonjour,
Les missions intérieures prennent forme fin XVIe en suivant le modèle des prédicateurs itinérants du Moyen-Age. Elles sont abandonnées dans la deuxième moitié du XXe.
«Une mission paroissiale est une retraite spirituelle « dans la vie courante » adaptée aux communautés paroissiales, particulièrement dans les paroisses de campagnes. Durant généralement plusieurs jours, ou même toute une semaine, elle consiste en une série d’exercices spirituels (processions, adoration du Saint-Sacrement, récitations du chapelet, confessions, messes, etc.) ponctués de prêches et conférences religieuses données par un groupe de prédicateurs venus de l’extérieur (souvent Jésuites ou Rédemptoristes) et se terminant par une grande célébration eucharistique. Souvent une croix, ou large crucifix, était érigée en un lieu public comme mémorial de la mission. Ces missions sont tombées en désuétude en Europe occidentale dans les années 1960.»
Article: Mission (paroissiale) sur Wikipédia
Voir aussi : Le monde du catholicisme, article Missions intérieures
Vous pourrez trouver tous les détails de ce qui constituait une mission, de sa préparation à la construction du monument du souvenir dans les deux articles suivants, qui décrivent des missions situées :
La « Grande Mission » de 1824 à Vendôme, dans son contexte local, régional et national, par Jean-Jacques Loisel, Société archéologique du Vendômois (la quête pour le monument est abordée p. 30).
Les missions intérieures face à la déchristianisation pendant la seconde moitié du XIXe siècle dans la région du Nord, Yves-Marie Hilaire, Revue du Nord Année 1964 180 pp. 51-68
Financement :
Pour le financement proprement dit, de la mission et surtout du monument, avait lieu le plus souvent une quête ou une souscription. On peut cependant trouver aussi des textes qui indiquent le don d’un châtelain ou d’un notable ou des tableaux de dons qui montrent que chacun donnait selon ses moyens. Il est probable que la situation variait suivant les lieux et leurs tailles, et l'émulation entre particuliers et villages, comme pour les monuments religieux en général.
Voir : La plantation d'une croix de chemin au XIXème siècle : un évènement paroissial. 4. Qui finance l’érection du monument, par Marc Nadaux.
Voici quelques exemples de financements :
«Ces missions qui pouvaient durer plusieurs semaines entraînaient de lourdes dépenses pour la paroisse à qui revenait le soin de loger les missionnaires, de recevoir l’évêque, de renouveler les habits sacerdotaux et d’entretenir l’église. Le capital de départ représentant la fondation de la mission provenait de deux sources différentes. De nombreuses missions étaient financées par des dons de particuliers. […].
La fondation d’une mission pouvait également relever d’un acte juridique, comme ce fut le cas de la mission de 1835 fondée avec un capital de 1200 francs apporté par 24 donateurs.Quel que soit son mode de financement, la mission s’achevait souvent par la mise en place d’une croix, souvenir d’un moment fort dans la vie de la paroisse, recherche de prestige de la part du donateur particulièrement généreux et dont le nom pouvait être inscrit sur le socle. Cette croix fréquemment payée par souscription était installée en grande cérémonie. C’est ainsi que le dimanche 22 juin 1834, 3000 personnes assistèrent à la bénédiction de la grande croix en fer forgé placée devant l’église de Bois d’Amont. Son coût total, pose comprise, s’élevait à 1801 francs de l’époque.»
Source : L’arbre et l’oratoire. Une association insolite. Menace sur un patrimoine oublié, Yves Monnier, paragraphe 7. Géographie et cultures, 52/2005.
«… A l’occasion de la mission on a ouvert une souscription dans la paroisse pour subvenir aux frais de la Croix de pierre plantée à l’entrée du village du Monplat.
La croix faite par M. Sevin tailleur de pierres à Lescheraines a coûté 350 f. La souscription faite dans la paroisse s’élève à la somme de 280 f. »
Source : Aillon-le-jeune, Savoie . Vous trouverez dans cette page d’autres exemples de croix et des tableaux de détails des dons.
«Selon un programme fixé longtemps à l'avance, les missionnaires à raison de deux ou trois venaient prêcher dans les différentes paroisses. La “Mission” durait en général une semaine. Il y avait une grand-messe chaque matin et une prédication tous les soirs. La veille du jour des confessions - d'ordinaire un vendredi -, le sermon avait pour objet l'enfer la description en était tellement frappante que l'on se serait cru déjà dans les flammes et l'on n'aspirait le lendemain qu'à bénéficier du sacrement de pénitence. Puis le dimanche, c'était le jour de la communion de tous les paroissiens. Pour perpétuer le souvenir de la mission, souvent, grâce à la souscription des fidèles, était élevée une croix – la croix de mission - avec indication de l'année de son déroulement.»
Source : Croix de mission ou de dévotion en fer forgé du Val de mouthe
Voir aussi:
Bordet Gaston. Fête contre-révolutionnaire, néo-baroque ou ordinaire ? La grande Mission de Besançon, Janvier-Février 1825. In: La fête, pratique et discours. D'Alexandrie hellénistique à la mission de Besançon. (Annales littéraires de l'Université de Besançon, 262), p. 240 L’apothéose finale: la plantation de la Croix de mission.
Des croix financées par de riches particuliers :
«Le souvenir de la mission a été entièrement financé par le château de Lataulade. Il est édifié près de Cazeillon.»
Source : Saint Cricq Chalosse, site officiel
«Croix de 1877:
Cette croix fut donnée par un particulier comme l’indique le texte gravé sur le socle: DON DE SAVOURNIN HRE."
Source : Oratoires et croix de Breziers, Diocèse de Gap
«Note 32 Croix de mission exceptée: le recteur précise que le bois et le Christ furent offerts par M. Magon, seigneur du Boisgarin.»
Source : Croix rurales et sacralisation de l’espace : un temps mort au XVIIIe siècle ?, Georges Provost, p. 437-446 de Religion et mentalités au Moyen Age
Voir aussi : Les croix de Gumières, Forez histoire
Pour aller plus loin :
Les missions religieuses en France sous la Restauration, Abbé Ernest Sévrin
La politique ecclésiastique du Second Empire : de 1852 à 1869, Jean Maurain
Les missions intérieures en France et en Italie du XVIe siècle au XXe siècle : actes du colloque de Chambéry, 18-20 mars 1999, réunis par Christain Sorrel et Frédéric Meyer
Les Réveils missionnaires en France : du Moyen âge à nos jours (XIIe-XXe siècles) : actes du colloque de Lyon, 29-31 mai 1980 / organisé par la Société d'histoire écclésiastique de la France ; et le concours de la Société d'histoire du protestantisme français ; préf. de Guy Dubosq et André Latreille (sommaire)
Deux mille ans d'évangélisation et de diffusion du christianisme, Jean Comby, Claude Prudhomme
Bonnes lectures !