Existe-t-il des études sur la symbolique du fer à cheval dans les régions de France ?
Question d'origine :
Dans l'imaginaire collectif, le Fer à cheval est un porte-bonheur. A t'on accès à une étude empirique dans différentes régions de France sur la question ?
Réponse du Guichet

Trouver fortuitement un fer à cheval, en glisser un sous son lit ou encore le clouer sur son navire sont des actes qui portent bonheur, assurent descendance, prospérité, protection, et ... permettent de soulager les douleurs dentaires !
Bonjour,
En page 331 et 332 de son Dictionnaire de la France mystérieuse, Marie-Charlotte Delmas liste quelques croyances relatives au fer à cheval dans plusieurs régions de France :
Dès le Moyen-Âge, le fer à cheval devient un porte-bonheur réputé : "... s'il trouve le fer d'un cheval ou une partie de celui-ci, il aura de a chance" (Evangiles des quenouilles, XVe siècle).
Au XVIIe siècle, l'abbé Thiers évoque des femmes "assez folles" qui, pour obtenir un mari convenable dans l'année, "prennent de vieux clous tombés par hasard des fers d'un cheval dans un territoire étranger, en font faire un anneau le vendredi, pendant la messe, disant sur cet anneau l'Evangile de saint... [Thiers s'abstient de donner son nom] et tous les jours de l'année, "Pater noster", et le portent au doigt de leur main gauche".
Si, au XIXe siècle, trouver un fer à cheval est quasiment partout un présage de bonheur pour la personne qui le ramasse, les témoignages collectés rendent compte d'éléments spécifiques associés à cette croyance. Par exemple, il faut le porter sur soi ou le cacher soigneusement au fond de l'eau (Landes) ; le placer sous son oreiller (Maine-et-Loire) ou dans son lit où il permet de soulager les rhumatismes (Côtes-d'Armor), les maux de dents (Creuse) ; les terre-neuvas le clouent sur le mât de leur navire pour se protéger des dangers de la mer et les maléfices ; glissé dans le nid d'une poule, il donne une bonne couvée (Côtes-d'Armor) ; un fer à cheval ramassé le matin du jour de l'an est doté de pouvoirs extraordinaires et annonce de grands événements heureux à son possesseur (Vosges).
On note cependant quelques rares accrocs à cet accord unanime sur les vertus du fer à cheval : un informateur du Finistère affirme qu'en trouver un porte malheur et, dans la Côte-d'Or, il présage une dispute dans la journée s'il est cassé.
[...]
Quoi qu'il il soit, voilà une superstition ancienne que le temps n'a pas abolie. Elle est générale au XIXe siècle, rurale et urbaine, encore connue de tous et partagée par certains en ce début du XXIe siècle.
Selon l'autrice, plusieurs hypothèses expliquent l'origine de cette superstition : la forme du fer à cheval qui fait des cornes ou un C comme Christ, ou encore le caractère sacré du cheval, mais aussi sa matière : le fer.
Cette dernière hypothèse est reprise par Charles Lejeune :
Le fer à cheval est un porte-bonheur pour celui qui l'a trouvé. En Angleterre, on l'orne de bandelettes, on l'encadre et il est, dit-on, peu de maisons où l'on n'en trouve pas. L'heureuse influence prêtée à ce morceau de fer peut être un souvenir inconscient du bienfait apporté par la découverte du fer d'abord, puis par son application à la ferrure, qui a permis d'utiliser réellement le cheval. Quoi qu'il en soit, si l'on en excepte les anciens Egyptiens hantés par l'idée d'immortalité, qui considéraient comme impur ce métal trop oxydable, le fer a plutôt été regardé par les peuples guerriers comme un métal précieux ; son nom, d'après M. Pictet, viendrait du sanscrit bhadram (excellent), il constitue un certain nombre de talismans, et un morceau de fer quelconque est encore considéré, par certains civilisés, comme neutralisant le funeste présage constitué par une mauvaise rencontre.
source : Lejeune Charles. Superstitions. In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, V° Série. Tome 8, 1907. pp. 417-437
Moins connu : le clou de fer à cheval porte aussi bonheur.
Le fer à cheval jouit, en Italie comme en France et ailleurs, d'une grande réputation comme porte-bonheur. La vertu du fer est passée aux clous qui ont servi à le fixer. Parmi les amulettes portées par les soldats italiens les plus estimées étaient des clous, courbés en anneaux et en particulier des clous de fer à cheval. Les artilleurs, dans leurs réduits, plaçaient dans un coin un fer à cheval ou un énorme clou pour se préserver des boulets allemands. On porte aussi en France, comme porte-bonheur, des clous de fer à cheval courbés en anneaux. Des soldats portaient de ces anneaux fabriqués en Angleterre. Dans le Tarn, l'Hérault, le Vaucluse on doit faire ces anneaux en martelant a froid des clous de fera cheval, sans le secours de la forge ou de la soudure. Si le clou provient du fer du pied gauche d'un cheval blanc, et si le pied de ce cheval a foulé la poitrine d'un autre animal, l'anneau préserve de bien des maux, et guérit les hémorroïdes.
Des amulettes de fabrication française, consistent en des imitations de fer à cheval traversées d'un clou, nickelées, dorées. On porte en France des fibules en or en forme de clou de fer à cheval : ce sont des clous de l'amitié.
En Esthonie, on plante trois clous de fera cheval sur le seuil de la porte. De même en Argovie, le vendredi saint, sur la porte de l'étable pour préserver, le bétail. En France même on plante des clous sur les portes des maisons et des étables pour, préserver bêtes et gens des maléfices. En Tunisie les portes sont décorées d'arabesques formées de têtes de clou dans le même but. En Sicile les tètes de clous sont disposées en croix. En Italie comme en France on place un clou (j'ai compris un morceau de fer) sous les poules qui couvent pour empêcher que l'orage nuise à l'éclosion des poussins. Est-ce parce que les clous à pointe représentaient la foudre ?
source : Zaborowski S. Les clous votifs. In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, VI° Série. Tome 10, 1919. pp. 108-116.
On retrouve cette superstition consistant à placer un fer à cheval dans le nid des poules dans cet article :
M. C. Lejeune - [...] Une pratique également très répandue chez les personnes qui font couver des œufs, est de mettre au fond du panier un morceau de fer, qui est destiné à préserver la couvée des funestes effets de l'orage et de la foudre. C'est souvent un fragment de fer à cheval, qui joue le rôle de porte-bonheur dans les superstitions populaires.
M. le Dr. Delisle — Je sais parfaitement qu'on met du fer sous diverses formes dans le nid de la couveuse, pour que la foudre, l'orage ne rende pas les œufs clairs. Je connais aussi l'œuf de coq qui n'est probablement qu'un œuf de jeune poule incomplet. J'en ai cassé plusieurs qui contenaient seulement du blanc d'œuf plus dense qu'il ne l'est dans l'œuf complet fraîchement pondu.
source : Delisle Ferdinand. Vieilles coutumes et croyances en Languedoc. In: Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, V° Série. Tome 3, 1902. pp. 738-742.
Nous vous laissons consulter le Le livre des superstitions : mythes, croyances et légendes d'Eloïse Mozzani aux pages 720 à 727 qui reprend également quelques coutumes locales et internationales liées au fer à cheval.
Bonne journée.