Quel type d'anesthésie peut-on pratiquer avec l'hypnose ? Quels sont ses avantages ?
Question d'origine :
Bonjour.
Je voudrais prolonger la question d'hier, URL:
https://www.guichetdusavoir.org/question/voir/134643
Pr info, j'ai voulu avertir mes proches que j'allais subir cette intervention à l'automne prochain pour cause de tremblements essentiels. Avec un aplomb admirable, une femme m'a dit avec beacoup de "délicatesse": "Tu ne vas pas me casser les pieds (termes modifiés évidemment) avec ton truc dont j'ai oublié le nom (donc elle ne connaît pas), j'ai eu le remplacement d'une prothèse mammaire moi". Le remplacement de sa prothèse dure 1h30 à 2 h 00, l'opération de stimulation cérébrale profonde dure 7 heures. Sans commentaires. Je crois aussi que la durée de suivi médical post-opératoire n'est pas de la même durée pour une prothèse mammaire et une stimulation cérébrale profonde.
J'ai lu par ailleurs que la neurochirurgie (dont fait partie la pose de la stimulation cérébrale profonde) est la discipline privilégiée pour pratiquer l'hypnose comme technique d'anesthésie. Est ce la seule ? Quels sont les avantages et les inconvénients de l'hypnose sur l'anesthésie "traditionnelle" ?
Au risque de passer pour (peu importe aujourd'hui), l'hypnose pour moi, c'est le stand de foire où le mage indien en jodpurs, sarouel, longue barbe et yeux noirs impressionants et menaçants actionne son pendule avec des incantations ésotériques étranges. Ha ! Ha ! Ha ! J'ai entendu dire aussi que le psychiatre suisse Bertrand Piccard était un des grands spécialistes de cette technique d'hypnose. Il n'a pas trop le look du mage indien de foire que je décris plus haut.
Donc je ne connais rien à l'hypnose comme technique d'anesthésie en cas de chirurgie. Que pouvez-vous m'en dire ? Des documents PDF peut etre ? Qu'est ce qu'il y aurait de commun / de semblable au mage de foire avec son pendule et l'anesthésiste qui pratique cette hypnose. Est ce qu'on peut faire de l'anesthésie générale et de l'anesthésie locale avec de l'hypnose ?
Cordialement.
Réponse du Guichet
L’hypnose est un état modifié de la conscience. Au bloc, elle remplace parfois l'anesthésie ; elle peut être aussi combinée avec une sédation légère. Appelée "hypnosédation", l'hypnose est alors associée à des médicaments anesthésiques administrés par voie intra-veineuse et une anesthésie locale réalisée par le chirurgien pour éviter la douleur du geste opératoire. Elle est majoritairement utilisée pour des chirurgies plutôt brèves et peu invasives. Elle permet de récupérer rapidement d'une intervention et de limiter ses effets secondaires car peu de sédatifs médicamenteux sont administrés.
Bonjour,
Des milliers d’anesthésies sous hypnose ont été pratiquées depuis 1995. Pionnier dans ce domaine, le CHU de Liège, en Belgique, a montré par imagerie médicale que l’hypnose agit à la fois au niveau du système nerveux et du cerveau (cortex cingulaire antérieur) pour diminuer ou supprimer la douleur.
Différent du sommeil, l’état hypnotique est un état modifié de conscience induit à partir de phrases, de métaphores, d’attentions et de visualisations faisant appel à l’imaginaire du patient. D’une voix douce et grave, l’hypnothérapeute suggère par exemple : « Fermez les yeux, respirez profondément, vous êtes complètement détendu… Imaginez que vous êtes sur un bateau, vous glissez à la surface de l’eau… », etc.
En France, les CHU intègrent l’hypnose à leurs soins en formant des médecins ou des infirmiers. La chirurgie avec anesthésie sous hypnose est-elle risquée ? « Non, car l’anesthésiste est aux côtés du patient qui est conscient. Il surveille son confort et, si besoin, agit avec d’autres techniques », explique Elisabeth Faymonville, anesthésiste au CHU de Liège. « Nous l’avons pratiquée sur 9 000 patients, dont seulement 18 ont dû subir une anesthésie générale. »
source : Ca m'intéresse
Voici la présentation de l'hypnose proposée par le CHU de Liège :
L’hypnose est un état de conscience modifiée dans lequel la personne vit un rapport particulier à elle-même et à son environnement. Elle peut être définie comme un état de focalisation de l’attention. L’anesthésiste va vous aider à accéder à cet état. Celui-ci est particulier car il est différent des états de veille et de sommeil. Ce fait a été bien démontré grâce à des IRM réalisées chez des patient(e)s en état d’hypnose.
Il s’agit d’un état naturel que vous pouvez expérimenter spontanément dans la vie de tous les jours (par exemple, lors d’une lecture passionnante, vous êtes complètement absorbé(e) par votre livre et vous n’entendez plus ce qui se passe autour de vous. Ou au volant de votre voiture, vous faites du pilotage automatique et vous vous étonnez du trajet réalisé, car votre esprit était ailleurs).
L’hypnose vous permet de mobiliser des ressources personnelles afin d’atteindre un objectif : des soins, un examen, une intervention chirurgicale, de façon confortable, du début jusqu'à la fin de l'intervention. Vous en ressentirez les bienfaits également après l'intervention .
La sédation intraveineuse consciente est une technique d’anesthésie qui vous permet de bénéficier de certains examens et interventions, tout en restant calme et confortable. Des médicaments sédatifs et/ou antidouleurs sont administrés pendant toute l’intervention, à très faibles doses. L’hypnose permet de diminuer les doses normalement nécessaires en sédation seule, tout en autorisant la réalisation de gestes plus importants.
L’anesthésie locale, pratiquée par le chirurgien, rend insensible la peau et les tissus de la zone à opérer.
Dans le cadre de l’hypnosédation, l’objectif est de rester conscient(e) et confortable lors de certains types de chirurgie, de certains examens ou soins. La motivation du (de la) patient(e) (indispensable) est le plus souvent d’éviter l’anesthésie générale, d’être plus confortable, parfois juste la curiosité...
L’hypnosédation n’est pas adaptée à toutes les interventions. Il est difficile d’établir une liste exhaustive des actes possibles avec cette technique : le mieux est d’en discuter avec le chirurgien/le médecin pratiquant le geste et l’anesthésiste formé à la technique.
Par ailleurs, l’hypnose seule peut être suffisante pour certains gestes. Elle est aussi utile dans la gestion de l’anxiété, de la douleur, ...
Dans quels types d'intervention, l'hypnose est-elle utilisée ?
Certains examens exploratoires ou actes chirurgicaux peuvent être réalisés uniquement sous hypnose comme les coloscopies, autrefois systématiquement pratiquées sous anesthésie générale. D'autres nécessitent une sédation en supplément, tandis que certains actes restent obligatoirement sous anesthésie générale. Ils sont ici listés sur le site Santé magazine :
Quelles opérations chirurgicales sont possibles sous hypnose ?
Il est possible de recourir à l’hypnose dans un grand nombre de chirurgies : main, pied, dents, oreilles, yeux, nez, peau, thyroïde, sein… Voici les principales.
Les chirurgies mineures réalisées sous hypnose
Correction de cicatrices
Correction d’oreilles décollées
Extraction de dents de sagesse
Lipoaspiration
Plastie des paupières
Réduction de fracture du nez
Varices
Les chirurgies majeures réalisées avec hypnose et anesthésie locale ou locorégionale
Ablation de la thyroïde
Ablation de l’utérus par voies naturelles
Césarienne
Chirurgie du nez
Lifting
Greffe osseuse sur la mâchoire
Hernies ombilicale, inguinale, discale
Ligature de trompes / résection de polypes de l’utérus
Ptose et réduction mammaire, prothèses mammaires
Résection de tumeur du visage, du cou, et plastie par lambeauLes chirurgies majeures réalisées sans hypnose, nécessitant toujours une anesthésie générale
Chirurgie cardiaque avec ouverture du sternum
Chirurgie digestive : ablation de l’estomac, de la rate, du côlon, de la vésicule biliaire
Chirurgie de l’obésité (bypass, sleeve)
Chirurgie pulmonaire invasive avec ouverture du thorax
Chirurgie du rachis autre que la hernie discale
Greffe de foie
Pourquoi l'hypnose médicale n’est-elle pas toujours proposée aux patients ?
"La principale raison relève du manque de ressources hospitalières, explique le Pr Philippe Cuvillon, anesthésiste. Si un anesthésiste doit s’occuper de deux blocs, il ne peut pas rester aux côtés du patient. C’est pourquoi on teste des casques de réalité augmentée pour maintenir le patient en transe."
Le Dr Eryk Eisenberg, un convaincu des bénéfices de l’hypnose informelle, pratique peu l’hypnose formelle : "Certains chirurgiens n’y sont pas favorables car cela prend plus de temps et qu’il faut parfois interrompre l’intervention le temps d’approfondir l’état de transe du patient." Dans tous les cas, rien n’est imposé. "Certains préfèrent être endormis, dit le Dr Bernard. Pour eux, l’anesthésie générale, si elle n’est pas contre-indiquée, peut être la meilleure solution."
L’hypnose et l'hypnosédation ne peuvent s’appliquer à toutes les interventions et sont parfois difficilement réalisables chez certain(e)s patient(e)s (malentendant, confus, …).
Nous vous conseillons d'en discuter avec l'équipe soignante qui va s'occuper de vous et notamment votre anesthésiste.
Nous conservons plusieurs livres sur l'hypnose en anesthésie. Actuellement empruntés, n'hésitez pas à les réserver pour pouvoir les emprunter à votre tour. Vous saurez alors tout sur l'hypnose en anesthésie.
- La boîte à outils de l'hypnose en anesthésie-réanimation : 59 outils clés en main / sous la direction d'Arnaud Gouchet
- Hypnose, douleurs aiguës et anesthésie / Claude Virot, Franck Bernard
- L'hypnose en situation d'urgence / Denys Coester, Cécile Colas-Nguyen, Antoine Garnier... [et al.] ; ouvrage collectif sous le direction du Dr Philippe Aïm
Quelques vidéos à visionner :
- Hypnose en anesthésie / CHU Nîmes
- L'anesthésie sous hypnose / CHU Liège
- En quoi consiste l’hypnosédation au bloc opératoire ?
Pour répondre à votre question sur la différence entre l'hypnose de spectacle et hypnose thérapeutique, voici ce qu'indique le site Allo Docteur :
"L'hypnose de spectacle, c'est de l'hypnose. L'hypnotiseur de spectacle utilise le même processus hypnotique que l'on utilise dans le cadre médical. Si le processus est le même, c'est-à-dire on passe par les mêmes phases de l'hypnose, des phases sont identifiées dans le processus hypnotique, dans le cadre du soin, il ne s'agit pas du tout de la même hypnose. D'abord on ne peut pas sélectionner les patients suggestibles comme peuvent le faire les hypnotiseurs du spectacle. On ne peut pas se payer ce luxe dans le cadre hospitalier ou dans le cadre de la consultation. D'autre part, on cherche à accompagner le patient dans le cadre médical alors que dans le cadre du music hall, on veut imposer une suggestion à un patient pour qu'il réalise l'ordre qui a été donné. Le contexte est très différent et c'est vraiment l'intentionnalité du contexte qui change tout."
Bonne journée