Quelle(s) pension(s) une veuve de guerre touchait-elle en 1919 ?
Question d'origine :
Cher guichet,
La loi du 31 mars 1919 sur les veuves de guerre fixe une pension annuelle . Je voudrais savoir si les veuves de fonctionnaires civils et militaires (officiers et sous-officiers d'active) avaient déjà en 1919 droit à une pension de réversion et si dans ce cas elles cumulaient avec la pension que toutes les quelques 800 000 veuves touchaient depuis cette loi de mars 1919.
Merci pour votre bon travail.
Réponse du Guichet

Les veuves de guerre ne pouvaient pas cumuler deux pensions après la loi de 1919. Elles touchaient ainsi qu'une seule pension : son taux dépendait des circonstances de la mort du mari.
Bonjour,
La Première Guerre mondiale est marquée d'une violence jusqu'alors inédite. Dans ce contexte, l’État ne peut plus ignorer l'importance d'une dette nationale à l'égard de ceux qui se sont battus et l'ont payé de leur chair ou de leur vie. C'est grâce à la détermination d'un homme, André Maginot, ministre des pensions et lui-même grand mutilé de guerre que la loi du 31 mars 1919 soutenue par Jules Lugol put être votée. Cette loi donne alors enfin reconnaissance et surtout réparation (c'est-à-dire la compensation d'un dommage) aux invalides, orphelins et les veuves de guerre là où auparavant ils ne touchaient qu'une maigre allocation pour « assistance ».
De fait, la loi de 1919 préconise ainsi pour les veuves :
La loi décline cette pension sous des taux différents (voir tableaux page 30 à 32) : ils dépendent des conditions de la mort. On observe ainsi :
un taux dit « exceptionnel » qui concerne les veuves dont les maris ont été blessés à la guerre ou par des accidents dans le cadre de leur service
un taux dit « normal » qui concerne les veuves dont les maris sont morts pour cause de maladies provoquées ou aggravées dans le cadre de leur service
un taux dit de « réversion » qui concerne les veuves dont les maris morts touchaient une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité supérieure ou égale à 60%.
Il ne faut pas confondre le taux de réversion et le droit à pension de réversion qui ne concernent pas la même chose.
Le droit à pension de réversion n'est alloué à la veuve que lorsque le mari touchait une pension due à des blessures ou une maladie mais qui est autre et antérieure à ce qui a causé sa mort.
Ainsi, dans le cas où le mari meurt de ses blessures contractées à la guerre, la veuve touche le taux exceptionnel et s'il meurt d'une maladie contractée à la guerre, la veuve touche le taux normal.
Pour le cumul de ces deux pensions, l'article 58 de la loi précise : « En aucun cas, et pour quelque cause que ce soit, une veuve ne pourra cumuler deux pensions sur sa tête, au titre de la présente loi ». De fait, les deux pensions ne peuvent pas être cumulées.
Quant à la différenciation entre veuves de fonctionnaires ou non, la loi ne fait pas mention de cas particuliers. Ainsi, on peut estimer que toutes les veuves sont considérées à part égale.
Toutefois, une exception semble pourtant être faite pour les veuves de médecins, pharmaciens, officiers d'administration, infirmiers de la guerre et marins qui sont décédés pour cause de maladie contractée à la guerre : au lieu de se voir accordé le taux normal, celles-ci touchent le taux exceptionnel (qui est normalement échu aux veuves des blessés de guerre). Ce sont les seuls fonctionnaires mentionnés dans la loi.
Pour aller plus loin nous vous conseillons :
- Les veuves de la Grande Guerre : d'éternelles endeuillées ? Stéphanie Petit, 2007.
- Les dommages de guerre de la France et leur réparation, Edmond Michel, 1932.
- Les pensions de la guerre, Georges Lassudrie-Duchêne, 1919.
- « IV. Le deuil et la pension. Pistes pour une histoire comparée des veuves de la Première Guerre mondiale en Europe » de Bette Peggy dans La Guerre et les Femmes de Jean Baechler, 2018.
Bonne lecture !