Je recherche de la documentation sur la prostitution en Thaïlande
Question d'origine :
Bonjour,
Dans le cadre d'un travail, je dois composer un programme EVRAS (éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle) sur le sujet de la prostitution en Thaïlande. C'est pourquoi je cherche des documents/articles/rapports scientifiques à propos de ce sujet. Idéalement, il me faudrait des articles qui présentent des chiffres avec la prévalence dans le pays, les comportements de risque et la prévalence dans le groupe cible, les déterminants (intrapersonnels, interpersonnels et contextuels) des comportements...
Au plaisir de vous lire, je vous remercie.
Clémence
Réponse du Guichet

Nous vous proposons une bibliographie de documents récents sur la prostitution en Thaïlande.
Bonjour,
Voici tout d'abord ce qu'indique le rapport de la Fondation Scelles sur la situation des personnes prostituées en Thaïlande :
Selon l’ONUSida, environ 144 000 personnes seraient prostituées en Thaïlande en 2017, dont environ 123 000 femmes et 18 000 hommes. Le salaire minimum (300 THB – 8,19 EUR) étant plus faible que le tarif moyen d’une relation sexuelle avec une personne prostituée (500 THB – 13,65 EUR), beaucoup de femmes se tournent vers la prostitution pour subvenir aux besoins de leur famille. Les femmes thaïlandaises sont souvent seules pour faire face aux besoins de leurs enfants, ce qui peut les contraindre à entrer dans la prostitution, notamment lorsqu’elles sont mineures et ne peuvent pas occuper légalement un emploi. Le problème des grossesses précoces chez les adolescentes reste important. Ainsi, 9 % des femmes entre 20 et 24 ans avaient donné naissance à leur premier enfant avant 18 ans sur la période 2011-2016 et 6 % des adolescentes entre 15 et 19 ans étaient mère sur la période 2009-2014 (UNICEF, décembre 2017). Cependant, une autre enquête de l’UNICEF a révélé des taux plus élevés (respectivement 13 % et 9 % en 2016) (National Statistic Office of Thailand, UNICEF, 2017).
Les femmes originaires des zones rurales du Nord sont plus vulnérables au trafic et à la prostitution pour plusieurs raisons (pauvreté, certaines pratiques culturelles, attraits particuliers des femmes des ethnies du nord, par rapport aux femmes thaïes).
Dans certaines situations, les femmes et jeunes filles, contraintes à la prostitution pour aider leur famille, peuvent même être vendues à des trafiquants, notamment dans des communautés bouddhistes. En effet, les filles sont responsables du bien-être matériel des parents alors que les garçons sont responsables du bien-être spirituel. Ce qui rend les filles socialement moins importantes que les garçons (L’espace Politique, janvier 2015). Selon l’ONG Urban Light, il arrive que des jeunes hommes et garçons soient parfois contraints de quitter les villages du nord, notamment de Chiang Mai, pour se rendre dans les villes touristiques du pays afin de subvenir aux besoins de leurs familles. Ils risquent de se retrouver piégés dans des réseaux de trafic sexuel.
D’autres femmes peuvent entrer dans la prostitution après avoir été contraintes de se droguer par des trafiquants ces derniers les ayant filmées à leur insu et menaçant de diffuser les vidéos (The Nation, 28 avril 2017). Les jeunes filles ignorent souvent que la législation thaïlandaise ne condamne pas la consommation de drogues et ont peur d’être arrêtées. Elles craignent également la stigmatisation et la honte auxquelles elles devraient faire face si la vidéo était rendue publique (The Nation, 28 avril 2017).
Source : rapport de la Fondation Scelles, Charpenel Y. (sous la direction), Système prostitutionnel : Nouveaux défis, nouvelles réponses (5ème rapport mondial), Paris, 2019.
Il est très difficile d’évaluer le nombre de prostituées en Thaïlande. En 1993, Time Magazine fit de la prostitution en Thaïlande son sujet de couverture : on y voyait une fille de bar, et ces mots écrits en grosses lettres « Deux millions de prostituées en Thaïlande ». Aujourd’hui, les estimations varient de 100 000 à 2,5 millions – néanmoins, étant donné que l’activité informelle et généralement d’une durée courte est la règle, ces chiffres sont difficiles à étayer ou à interpréter. En 1993, le gouvernement a eu beau protester contre la définition de Bangkok dans le dictionnaire Longman « a place of many temples and prostitutes », et obtenir son retrait, les lieux de prostitution sont toujours tolérés.
Les études récentes montrent que l’activité prostitutionnelle en Thaïlande est concentrée dans les grandes zones urbaines, notamment Bangkok, Chiang Mai, Phuket, mais également les zones frontalières du sud et de l’est. Si les zones de Bangkok, Chiang Mai et Phuket sont des destinations touristiques privilégiées, il en va autrement des zones frontalières de l’est et du sud : il s’agit de régions à forte concentration de travailleurs migrants thaïlandais. Aujourd’hui, les chercheurs thaïlandais estiment que 70 % des clients des prostitués hommes ou femmes sont des hommes thaïlandais, et que la même proportion d’hommes thaïlandais auraient eu leur première expérience sexuelle avec des prostituées.Il faut également noter que les gouvernements autoritaires successifs ont capitalisé sur la sexualisation des femmes pour faire apparaître leur dictature comme plus « soft », notamment grâce aux concours internationaux de beauté. Pour le dictateur Phibun Songkhram, les femmes étaient les « fleurs de la nation » et devaient être ainsi « marketées ». L’État commença alors à s’engager dans une entreprise de promotion des concours de « Miss Thailand ». Lorsque Thanom arriva au pouvoir en 1963, sa quête de symbole national facteur d’unité le mena à Apasra Hongsakula, la première Miss Univers thaïlandaise, couronnée en 1964. Les Thaïlandais en oublièrent la violence de la répression et la corruption de leur régime, alors qu’à l’international on s’habituait à l’image d’une Thaïlande souriante, douce et soumise, à l’image de cette Miss Univers, devenue le visage de l’identité thaïlandaise.
Ainsi, si la clientèle de la prostitution est en majorité locale, les gouvernements thaïlandais successifs ont bien compris l’intérêt de conserver cette image de « capitale de la prostitution » – si attractive pour les touristes étrangers, et si essentielle à l’économie nationale – et à « marketer » la femme thaïlandaise comme parfaitement soumise.
source : Mérieau Eugénie, « « L’industrie de la prostitution est principalement dédiée aux touristes et expatriés. » », dans Idées reçues sur la Thaïlande. sous la direction de Mérieau Eugénie. Paris, Le Cavalier Bleu, « Idées reçues », 2018, p. 105-110.
Quelques rapports et articles pour aller plus loin :
- Situation analysis of the commercial sexual exploitation of children in Thailand - en pages 29 à 35 sont exposées les raisons de l'exploitation sexuelle de ces enfants.
- Royal Thai Government’s Country Report on Anti-Human Trafficking Efforts
- Thailand migration report 2019
- Protecting sex workers in Thailand during the COVID-19 pandemic: opportunities to build back better
- La prostitution des mineur.e.s en Thaïlande : conséquence d’un tourisme sexuel de masse / Lola Favre
- Le tourisme sexuel en Thaïlande : une prostitution entre misère et mondialisation / Franck Michel (attention, cet article date de 2003)
- Importer pour exister : Empower et le « travail sexuel » en Thaïlande / Sébastien Roux (article de 2007)
- La Thaïlande : un pays où le trafic humain est présent
- Joint UPR Submission on the Human Rights of Sex Workers in Thailand
- Thailand’s problem with the sexual exploitation of women in the 21 st century , une thèse écrite par Alicia Tarancon
Quelques livres :
- No money, no honey : économies intimes du tourisme sexuel en Thaïlande / Sébastien Roux (2011) - une présentation de ce livre et un article de Philippe Steiner
Patpong est célèbre dans le monde pour sa prostitution. Le succès du quartier tient à la disponibilité sexuelle des Thaïlandaises, attirées à Patpong par la possibilité d'y nouer des relations suivies avec un Occidental. Impliquant des sentiments, des espoirs, de la stratégie, ces relations se situent à la frontière des catégories morales présentes dans une relation de couple.
- La malédiction d'être fille / Dominique Sigaud (2019)
Un document sur les violences faites aux filles dans le monde : infanticide, abus sexuels, mutilations, trafics d'êtres humains, mariages d'enfants, meurtres d'honneur. Prix Livre et Droits de l’homme de la Ville de Nancy 2019.
- Tourisme sexuel et relations conjugales en Thaïlande et en Malaisie / Marion Bottero (2015) - un article sur ce livre
Version remaniée d'une thèse, cette étude propose une analyse comparative des interactions affectives ou sexuelles entre l'Occident et la Thaïlande ou la Malaisie. L'auteure démontre comment ces échanges peuvent entraîner une valorisation du capital (économique, culturel, social et symbolique) et constituent un moyen de définir une nouvelle hiérarchie sociale.
Bonne journée.
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