Question d'origine :
Bonjour,
J'ai été surpris d'entendre lors d'une visite dans une église que Jésus, dans les bras de sa Mère, faisait le signe du Magistère. Or, de mes recherches, je n'ai rien trouvé qui pourrait valider l'existence de ce signe sous cette appellation. Et pour appuyer cette explication, il a précisé "C'est-à-dire qu'il bénit avec les 3 doigts à la façon juive. Tout çà me paraît un peu confus. Pourriez-vous m'expliquer ce que l’on entend par "signe du Magistère" ? Par avance merci.
Cordialement.
Réponse du Guichet

Nous n'avons pas réussi à trouver mention d'un "signe du Magistère". Quant à la bénédiction à 3 doigts, elle trouverait sans surprise, son origine dans le Judaïsme.
Bonjour,
Tout comme vous, nous n’avons pas réussi à trouver mention d’un signe du Magistère malgré nos recherches. Quant au signe de la bénédiction évoqué avec 3 doigts joints, voici les explications que nous avons rencontrées :
Tout d’abord, la page Wikipédia concernant le signe de croix explique :
" Jusqu'au VIIe siècle, le signe de croix reste un geste effectué sur le front avec le pouce. La façon de se signer évolue ensuite au fil du temps et des schismes qui ont séparé les Églises chrétiennes, en un geste plus ample et intégrant d'autres symboliques. Le grand signe de croix probablement courant en orient dès le VIIIe siècle se répand probablement en occident mais les témoignages ne datent que du XIIe siècle.
Au début les chrétiens en Orient (le monde byzantin) et en Occident (le monde latin) se signent avec trois doigts, comme aujourd'hui les orthodoxes. À partir du XIIe siècle et du schisme entre chrétiens orthodoxes et catholiques, le catholicisme fait évoluer le signe de croix: on ne se signe plus avec trois doigts mais avec la main. De plus, il devient usuel de se signer de gauche à droite. Peu à peu, cette pratique s'impose dans le monde catholique, et elle devient la norme.
Au tournant du XIIIe siècle, le pape Innocent III explique pourtant : «Le signe de la croix doit se faire avec trois doigts, parce qu'on le trace en invoquant la Trinité, dont le prophète dit: Il a soutenu sur trois doigts la masse de la terre. Il est tracé de haut en bas, et est ensuite coupé de droite à gauche, parce que Jésus-Christ est descendu du ciel en terre et est passé des Juifs aux Gentils. Certains, cependant, font le signe de la croix de gauche à droite, parce que nous devons passer de la misère à la gloire, tout comme le Christ a passé de la mort à la vie, et du séjour des ténèbres au paradis…
L'usage des cinq doigts dans l'Église Catholique s'est malgré cela répandu dans beaucoup de pays (France, Allemagne, Angleterre, Italie...), alors que l'usage des trois doigts est resté commun dans les pays hispaniques notamment. "
Mais le signe de croix n’est pas un simple geste de piété automatique, encore moins un réflexe de superstition, il exprime un message symbolique et existentiel venant tout droit de la Bible et de la tradition juive. Tout d’abord, bien des siècles avant Jésus, on a l’habitude en terre d’Israël de tracer sur le front un signe de bénédiction divine en forme de + , ancienne graphie du tav, la dernière lettre de l’alphabet hébraïque désignant le T de Torah. Ceci expliquerait la bénédiction «à la façon juive» que vous évoquez.
Dans la bible hébraïque, l’acte de bénir se manifeste par la parole et par le geste. L’essentiel, dans la bénédiction, n’est pas ce qui se voit, mais ce qui se passe entre deux personnes. Le christianisme a repris le geste de la main, en y ajoutant un signe de croix sur la personne ou l’objet à bénir. Cette pratique est relativement tardive. Elle remonte à la conversion de Constantin. C’est seulement depuis cette époque que la croix devint un symbole de puissance, et que la petite secte des premiers chrétiens devint religion d’Etat.
Pierre Erny dans son ouvrage Le signe de la croix confirme :
" Il nous parait aller de soi aujourd’hui qu’en utilisant des signes cruciformes ce premier groupe de fidèles, issu du judaïsme et encore tout imprégné de mentalité juive, pensait au gibet sur lequel le Christ fut suspendu.
Or rien n’est moins sûr, comme l’a noté J. Daniélou dans Les symboles chrétiens primitifs, et il est fort probable que ce signe avait à l’origine une autre signification. Pour le comprendre il faut se référer au texte d’Ezéchiel (9, 2-6) où il est question de marquer les fronts d’un tav, la dernière lettre de l’alphabet hébraïque. Il se trouve que dans l’ancienne manière d’écrire l’hébreu, le tav prenait la forme d’une croix, le signe par excellence. "
Voici un point sur les différents usages de ce signe :
" La croix tracée le plus souvent sur le front avec le pouce correspond au signe décrit par Tertullien qui apparait d'usage répandu dès le IIIe siècle. La marque peut être appliquée sur le front mais aussi la bouche (la parole), la poitrine ou le cœur (le sentiment ou la foi), les oreilles, ou les épaules. Cette signation peut être appliquée comme une bénédiction remplaçant d'autres rites comme l'imposition des mains sur la tête ou faite comme une auto-signation en signe d'appartenance à une communauté chrétienne et pour devenir plus fort face au mal et aux persécuteurs.
Son usage actuel dans l'église catholique en fait un geste central dans l'accueil des catéchumènes, le signe fait sur le front marquant leur entrée dans la communauté.
Pour les orthodoxes et catholiques orientaux, qui ont en commun la tradition byzantine, le geste consiste à toucher avec trois doigts de la main droite (pouce, index, majeur) le front, puis la poitrine, puis l'épaule droite et enfin l'épaule gauche. Le front symbolise l'esprit, la poitrine le cœur, l'épaule droite la justice, et l'épaule gauche la miséricorde qui tempère la justice.
Ces trois doigts symbolisent la Trinité (Père, Fils et Esprit) et se réunissent à leur sommet pour marquer que Dieu est Un. Les deux autres doigts, repliés sur la paume, représentent les deux natures (humaine et divine) du Christ.
En revanche, les vieux-croyants russes se signent avec deux doigts comme avant le schisme orthodoxe russe de 1666-1667 pour marquer leur adhésion aux deux natures du Christ mais aussi leur rejet du geste à trois doigts établi lors du schisme). " Source Wikipédia
Pour aller plus loin :
Cet article du journal La Croix.
Au nom du père et du fils et du saint esprit / M. Wackenheim
Les symboles chrétiens primitifs / J. Daniélou
Le signe de la croix / M. Wackenheim