Mon employeur a-t-il le droit de contacter mon chirurgien via le médecin de mon travail ?
Question d'origine :
Bonjour,
Travailleur dans le service public, j'ai été victime d'un accident de travail et mon employeur suite à une expertise médicale, n'a pas retenu l'imputabilité du service . Il s'avère que je suis tout de même blessé et cela est confirmé par des imageries médicales.
Le chirurgien que j'ai consulté m'a prolongé mon arrêt initial d'un mois. Ce matin je reçois un mail de sa part disant que j'étais apte à reprendre le travail à condition que mon poste soit aménagé.
Mon chirurgien a établit ce document suite à un appel de la médecine de travail de mon employeur qui souhaite que je reprenne à tout prix le travail sachant que je ne suis pas considéré en accident de travail mais en arrêt maladie du fait de la non reconnaissance de l'imputabilité du service.
Ma question est la suivante: l'employeur a-t-il le droit d'effectuer cette démarche de contacter mon chirurgien via le médecin de mon travail afin de me forcer à reprendre le travail sur un poste adapté?
Ai-je le droit de refuser ce poste adapté ou et quelles sont les conséquences? Quels sont mes droits?
Et enfin si j'ai un arrêt de travail du chirurgien qui prolonge mon arrêt de travail initial de 1 mois, peut-on me forcer à reprendre le travail avant si le chirurgien écrit un courrier que je suis apte à reprendre le travail sur un poste adapté si pourtant, 2 jours auparavant ce dernier m'a fait une prolongation d'arrêt de travail?
Merci pour vos réponses!
Réponse du Guichet

Si l'employeur n'a effectivement pas le droit de contacter votre médecin traitant ou chirurgien, le médecin du travail peut échanger avec eux. Il lui faudra toutefois obtenir votre accord pour partager des informations d'ordre médical.
Bonjour,
Si l'employeur n'a effectivement pas le droit de contacter votre médecin traitant ou chirurgien directement, le médecin du travail peut en revanche le faire, sous réserve d'avoir obtenu votre accord.
Voici ce qu'indique la Revue du praticien à ce sujet :
Prévu par le législateur, le secret partagé permet la communication entre professionnels intervenants auprès d’une même personne, qu’ils soient professionnels de santé ou pas : « Un professionnel peut échanger avec un ou plusieurs professionnels identifiés des informations relatives à une même personne prise en charge, à condition qu’ils participent tous à sa prise en charge et que ces informations soient strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou à son suivi médico-social et social. » Cependant le médecin du travail n’est pas considéré comme prenant en charge le patient au sens du soin.
Lorsque ces professionnels appartiennent « à la même équipe de soins », les informations sont réputées confiées à l’ensemble de l’équipe. Le médecin du travail et les médecins soignants ne font pas partie de la même équipe de soins, au sens de l’article L.1110-12 du code de la santé publique. Selon cet article, l’équipe de soins « est un ensemble de professionnels qui participent directement au profit d’un même patient à la réalisation d’un acte diagnostique, thérapeutique, de compensation du handicap, de soulagement de la douleur ou de prévention de perte d’autonomie, ou aux actions nécessaires à la coordination de plusieurs de ces actes », puis suivent des conditions d’exercice collectif ou de reconnaissance de la qualité de membre de l’équipe de soins par le patient.
Le partage d’informations nécessaires à la prise en charge d’une personne entre des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins requiert son consentement préalable, recueilli par tout moyen, y compris de façon dématérialisée. Le décret n° 2016-1349 du 10 octobre 2016 est venu compléter le dispositif et prévoit que, lorsqu’une personne est prise en charge par un professionnel, ce dernier recueille le consentement de la personne par tout moyen, y compris de façon dématérialisée, pour partager ces données après l’avoir dûment informée. L’information préalable de la personne est attestée par la remise à celle-ci, par le professionnel qui a recueilli son consentement, d’un support écrit, qui peut être un écrit sous forme électronique, reprenant cette information. Ce consentement est valable tant qu’il n’a pas été retiré par tout moyen, y compris sous forme dématérialisée. Il est strictement limité à la durée de la prise en charge de la personne.
En pratique, les modalités diffèrent selon que c’est le médecin du travail ou le médecin soignant qui veut communiquer. Le médecin du travail peut plus facilement communiquer des informations au médecin traitant, par exemple s’il dépiste ou suspecte une pathologie. Ce partage d’information doit être justifié par l’état de santé du patient et la nécessité d’assurer un suivi coordonné de sa prise en charge. En effet, le médecin du travail ne peut pas exercer de soins hors de l’urgence car le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif. Pour autant, le médecin du travail ne peut communiquer aux médecins soignants que les informations se rattachant au problème ponctuel auquel il est confronté. De plus, le médecin du travail reste soumis au secret de fabrication.
En revanche, le médecin traitant ne peut pas communiquer des informations médicales directement au médecin du travail car il prend le risque de poursuites ordinales, qui pourraient aboutir, pour violation du secret médical si le salarié s’avérait finalement mécontent de cette transmission. La prudence incite donc le médecin soignant à remettre les informations médicales directement au patient qui les fournira, ou pas, au médecin du travail. Cela était préconisé par le Conseil national de l’Ordre des médecins pour s’assurer de l’accord du salarié dans un rapport du 30 mars 1998. Cette nécessité s’explique car les informations médicales portées à la connaissance du médecin du travail pourront parfois l’amener à constater une inaptitude. Dans ce cas, si le patient décide de porter plainte, le médecin traitant est passible de sanctions devant la chambre disciplinaire du Conseil de l’Ordre. Toute liaison entre le médecin du travail et le médecin traitant nécessite l’information et le consentement du salarié.
Vous trouverez le texte du Décret n° 2016-1349 du 10 octobre 2016 relatif au consentement préalable au partage d'informations entre des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins sur Légifrance.
Lire aussi cette réponse d'un juriste sur le site Le quotidien du medecin ainsi que celle du site Atousanté.
Pour répondre à votre autre question : avez-vous été déclaré inapte sur votre poste actuel ? Si oui, nous vous invitons à lire cette fiche du site Service-public.fr : Comment est reclassé un fonctionnaire titulaire en cas d'inaptitude physique ?
Voici ce qu'indique par ailleurs Charles Carluis, un avocat, sur le site Village de la justice à ce sujet :
Il résulte des dispositions combinées des articles L826-1 et suivants du Code général de la fonction publique et des décrets propre à chaque fonction publique relatifs au reclassement des fonctionnaires que, lorsqu’un fonctionnaire est reconnu, par suite de l’altération de son état physique, inapte à l’exercice de ses fonctions, il incombe d’abord à l’administration de rechercher si le poste occupé par ce fonctionnaire peut être adapté à son état physique, puis, si, en raison des nécessités du service, une telle adaptation n’est pas possible, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé.
[...]
Ce n’est que lorsque ce reclassement est impossible, soit qu’il n’existe aucun emploi vacant pouvant être proposé à l’intéressé, soit que l’intéressé est déclaré inapte à l’exercice de toutes fonctions ou soit que l’intéressé refuse la proposition d’emploi qui lui est faite, qu’il appartient à l’employeur de prononcer, dans les conditions applicables à l’intéressé, son licenciement ou sa mise à la retraite d’office si l’agent public en remplit les conditions.
Si vous êtes contractuel, c'est une autre législation qui s'applique : Reclassement d'un agent public contractuel : quelles sont les règles ?
Nous n'avons pas trouvé d'élément de réponse quant à votre dernière question. Nous ne pouvons que vous recommander de dialoguer à la fois avec votre médecin du travail et votre chirurgien pour connaître les tenants et aboutissants de cette décision et étudier avec eux la faisabilité de cette reprise éventuelle de travail sur un poste adapté.
Nous ne sommes pas juristes et ne pourrons vous en dire plus sur ce sujet. Nous vous conseillons donc de contacter des professionnels du droit qui, mieux que nous, pourrons vous apporter un conseil personnalisé.
Sachez que des conseils juridiques gratuits sont proposés dans diverses structures près de chez vous.
Vous pouvez vous adresser à la Maison de justice et du droit ou au Conseil départemental de l'accès au droit de votre département. Vous trouverez aussi des consultations gratuites au sein des mairies et tribunaux.
Voici par exemple, à Lyon, la page du site du barreau de Lyon mentionnant les coordonnées des consultations gratuites.
Si vous résidez sur Lyon, vous pouvez aussi vous rendre à la boutique de droit.
Quelques sites internet qui pourront peut-être vous intéresser :
- Conseil national de l'ordre des médecins
- Reclassement d’agent et impossibilité d’aménagement de poste
- Le reclassement du fonctionnaire inapte à l’exercice de ses fonctions
Bonne journée.