Quelle est la part de violeurs dans la population française ?

Bonjour,

Dans un article faisant suite à un tweet de Caroline de Haas selon lequel "Un homme sur deux ou trois est un agresseur" soit dix à 16 millions, l'AFP écrivait en 2018 qu'aucune statistique ne peut nous apprendre précisément combien de Français sont auteurs de violences sexuelles. La situation n'a pas changé depuis, mais des chiffres - surtout des estimations concernant les victimes - diffusés par le gouvernement et l'Insee pourront vous donner une idée de l'ampleur du problème.

Les statistiques accessibles les plus récentes sur les violences sexuelles sont basées sur des chiffres de 2021. Selon le Ministère de l'Intérieur,

En moyenne, le nombre de femmes âgées de 18 à 75 ans qui au cours d’une année sont victimes de viols et/ou de tentatives de viol est estimé à 94 000 femmes. De la même manière que pour les chiffres des violences au sein du couple présentés ci-dessus, il s’agit d’une estimation minimale.

Dans 91% des cas, ces agressions ont été perpétrées par une personne connue de la victime. Dans 47 % des cas, c’est le conjoint ou l’ex-conjoint qui est l’auteur des faits.

Suite aux viols ou tentatives de viol qu’elles ont subi, seules 12 % des victimes ont porté plainte (qu’elles aient ensuite maintenu ou retiré cette plainte).

Par ailleurs, en 2016, l’enquête « Violences et rapports de genre » (VIRAGE) menée par l’INED, a permis de mesurer le nombre de personnes ayant subi des violence sexuelles (viols, tentatives de viol, attouchements du sexe, des seins ou des fesses, baisers imposés par la force, pelotage) au cours de leur vie. Ces violences ont concerné 14,5 % des femmes et 3,9 % des hommes âgés de 20 à 69 ans. 

Source : Enquête « VIRAGE », INED, 2016.

Par ailleurs, selon l'Insee, "Chaque année, 20 000 personnes sont mises en cause pour des violences sexuelles commises hors de la famille, dont 43 % pour viol ou tentative de viol. Il s’agit presque exclusivement d’hommes (98 %), souvent très jeunes : 37 % sont des hommes de moins de 20 ans et 18 % de moins de 15 ans, cette dernière proportion variant selon que la victime est mineure (33 %) ou majeure (1 %) (figure 3)."

Nous vous invitons à lire cette page en entier pour découvrir une analyse plus précise des âges concernés. Toutefois n'oublions pas qu'il s'agit d'estimations et que "81 % [des victimes] ne se déplacent pas à la police ou à la gendarmerie pour signaler les faits."

Concernant les violences au sein de la famille, l'Insee nous apprend encore qu'en 2019 7706 personnes dont 96,3% d'hommes ont été mis en cause pour des violences sexuelles. N'oublions pas cependant que les

Comme nous vous l'expliquions dans une réponse récente, le nombre d'agressions sexuelles recensées n'a cessé d'augmenter ces dernières années - hors périodes de confinement - bien qu'il puisse s'agir d'un biais puisque le mouvement #metoo  a pu encourager plus de personnes à se déclarer victimes :

Il n'existe pas directement d'études comparatives sur les agressions "publiques" et les agressions dans les cercles intrafamiliaux et bien souvent, nous trouvons des statistiques abordant une catégorie spécifique comme les agressions sexuelles. A ce propos, les données les plus récentes font état :  

Entre 2020 et 2021, le nombre de victimes d’infractions sexuelles commises en dehors de la famille enregistrées a progressé de 24 %. Cette évolution s’inscrit dans la très forte croissance constatée depuis 2017, interrompue uniquement en 2020 dans le contexte particulier des périodes de confinement qui ont marqué la première année de la crise sanitaire . En 5 ans, le nombre de victimes enregistrées par les forces de sécurité a ainsi augmenté de 77 %, soit un taux d’évolution annuel moyen de + 12 % depuis 2016. Les hausses les plus importantes entre 2020 et 2021 sont observées pour : les violences sexuelles physiques enregistrées (+ 33%), en particulier les viols ou tentatives de viol (+ 34%) et les agressions sexuelles (+ 33%) ; le harcèlement sexuel (+ 29%) ; le proxénétisme (+ 26%).

Source : Les violences sexuelles hors cadre familial enregistrées par les services de sécurité en 2021, Site du Ministère de l'Intérieur

Nous ne pouvons malheureusement rien vous apprendre de plus précis : pour vous dire quelle proportion de violeurs compte notre population, il faudrait non seulement avoir des estimations précises du nombre d'agresseurs rapporté au nombre de victimes - un seul agresseur pouvant faire nombre de victimes - et remonter dans les statistiques sur des décennies... ce que les données disponibles interdisent de faire : en effet, d'après le rapport d'Alice Debauche Auteurs de violences sexuelles : prévention, évaluation, prise en charge lisible en ligne,

Il est désormais impossible de retrouver sur le site de l’ONDRP les données concernant les années 2010 à 2015. Par ailleurs, le chapitre « Viols et agressions sexuelles » du rapport Insécurité et délinquance en 2017 : premier bilan statistique publié par le SSMSI indique : « Les séries qui composent l’indicateur des violences sexuelles enregistrées ont été affectées par le changement des systèmes d’information de la police et de la gendarmerie nationale entre 2012 et 2015. Pour ces raisons, qui sont détaillées dans le bilan annuel de 2016 ainsi que dans l’Interstats Méthode n°9, il n’est pas possible de comparer les chiffres enregistrés à partir de 2016 à ceux des années précédentes. » De ce fait, toute analyse longitudinale au-delà de 2009 est rendue pratiquement impossible et l’on ne peut que comparer les chiffres de 2016 et de 2017.

De plus, l'article Viols et agressions sexuelles en France : premiers résultats de l'enquête Virage HAMEL Christelle, DEBAUCHE Alice, BROWN Elizabeth et al., « Viols et agressions sexuelles en France : premiers résultats de l’enquête Virage », Population & Sociétés, 2016/10, consultable sur Cairn en bibliothèque, nous apprend que pendant longtemps les enquêtes sur le sujet ne précisaient pas le type d'agression concerné :

En France, les premières mesures quantitatives des violences sexuelles remontent à 1992 avec l’enquête Analyse des comportements sexuels en France (ACSF). Le parti pris méthodologique, repris dans les enquêtes suivantes, était de recueillir des informations sur les violences subies sans faire référence aux catégories pénales de « viol » ou « tentative de viol », qui posent la difficulté de la reconnaissance par les victimes des actes qu’elles recouvrent. Les questions portaient ainsi sur les « rapports sexuels imposés par la contrainte » (ACSF), ou les « rapports sexuels forcés » ou « tentatives », et sur les « attouchements »

Nous vous conseillons toutefois la lecture de l'ouvrage somme publié en 2020 par les mêmes autrices, Violences et rapports de genre : enquête sur les violences de genre en France / sous la dir. d'Elizabeth Brown, Alice Debauche, Christelle Hamel,...[et al.]. Sans prétendre donner des chiffres exacts, cet ouvrage vous donnera sans doute une meilleure appréciation du phénomène.

Bonne journée.