Je souhaite avoir des informations sur Lyon, capitale de la bijouterie
Question d'origine :
Bonjour,
Lors de mes lointaines études, Lyon était présentée comme ayant été "la capitale mondiale de la bijouterie".
J'imagine que cela a rapport avec le nombre d'atelier présent en ville (gros et petits ateliers, artisans "en chambre ou "en étage").
Avez-vous une info là-dessus ? Peut-être un recensement d'ateliers lyonnais et d'autres villes pour comparer.
Merci :)
Réponse du Guichet
Jusqu'au XIXe siècle, Lyon semblait avant tout reconnue dans le domaine de l'orfèvrerie et ce n'est qu'à partir de cette période que la tendance s'inverse, l'orfèvrerie laissant la place à la bijouterie. Pour autant, Lyon ne semble pas avoir été une "capitale" dans ce domaine.
Bonjour,
Alors que nous ne trouvons nulle mention de Lyon en tant que capitale de la bijouterie, il est question, dans ce domaine et selon divers documents datant du XIXe siècle, de la place de Paris. Il en est ainsi de la présentation trouvée dans L'exposition universelle illustrée 1867 :
Paris est en France le siège principal de la fabrication des bijoux en or; après cette capitale viennent Lyon, Marseille, Bordeaux, Toulouse, et bien d’autres villes (..) Mais la somme des bijoux fabriqués à Paris l’emporte de beaucoup sur celle que produit tout le reste de la France.
Lyon, semble en revanche avoir joué un rôle important dans le domaine de l'orfèvrerie. Nous en trouvons un témoignage dans l'ouvrage L'orfèvrerie de Lyon et de Trévoux du XVe au XXe siècle:
Le travail des métaux précieux à Lyon remonte à l'Antiquité, en partie suscité par la proximité des mines d'argent de Chessy et de la région de l'Arbresle. Les orfèvres gallo-romains ne sont connus qu'à travers quelques inscriptions (...) aucun nom d'orfèvre antérieur au XIVe siècle ne nous est parvenu (...) les noms de 61 orfèvres présents à Lyon ont été recensés (...) Le nombre des orfèvres connus augmente très rapidement et atteint 539 artisans pour l'ensemble du XVIe siècle, avec un maximum pour la période 1550-1575, où l'on en compte 249 (...) Les Nommées de 1545 recensent cinquante-huit orfèvres, deux joailliers, trois horlogers, cinq lapidaires, deux nacreurs, trois "joyetiers", trois doreurs d'épée et un émailleur (...) Lors de la visite des généraux de la cour des Monnaies de 1556, une dizaine de joailliers sont identifiés ; mais en général, les orfèvres sont également joailliers, bijoutiers, voire lapidaires ....
Cet ouvrage répertorie un certain nombre d'orfèvres et présente un catalogue d’œuvres.
La contribution de Thomas Mentrel montre l'importance de l'orfèvrerie à la Renaissance. Étudiant Pierre Woeiriot, il lie l'installation de cet artisan à Lyon en 1554-1553 avec l'activité due aux quatre grandes foires annuelles à portée internationale qui permettent le "développement de l'imprimerie et de l'orfèvrerie, avec pour cette dernière une communauté d’environ cinq cents artisans".
source : "Lescarcelle et le coeur du bon chrestien : une nouvelle pièce d'orfèvrerie de Pierre Woeiriot", dans Peindre à Lyon au XVIe siècle.
L'orfèvrerie fait l'objet d'une longue notice dans le Dictionnaire historique de Lyon, dont voici quelques extraits :
il faut attendre le début du 14e siècle pour que soient mentionnés les premiers orfèvres, souvent appelés doriers, au nombre de soixante et un pour l'ensemble du siècle (...) leur nombre triple presque pour le siècle suivant et il atteint cinq centre trente-neuf pour le 16e siècle (...) certains orfèvres lyonnais sont les fournisseurs officiels des grands du royaume (...) la production attestée est surtout une production de prestige, liée au service de l'Eglise et aux commandes de la cour...
Dans Poinçons des fabricants d'ouvrages d'or et d'argent : Lyon, 1798-1940, Maryannick Chalabi et Marie-Reine Jazé-Charvolin citent un texte du 6 janvier 1799 dans lequel est mentionné la présence d' orfèvres et bijoutiers :
Lyon compte soixante-huit orfèvres-fabricants-marchands et quarante-trois-orfèvres-marchands, quarante-sept bijoutiers quincailliers ou joailliers, cinquante-quatre horlogers ...
Ceci étant dit, cette étude montre l'essor progressif de la bijouterie :
au cours des XIX et XXe siècles, la proportion de bijoutiers par rapport aux orfèvres va s'inverser ; cette augmentation du nombre de bijoutiers n'est pas seulement due à la reconnaissance du métier, mais surtout à une évolution des types de fabrication : orfèvrerie de table ou d'église devient de moins en moins importante. Les cours professionnels organisés en 1900, par la Chambre syndicale des fabricants-bijoutiers-joailliers débouchent sur la création en 1929 de l'École de bijouterie de Lyon.
(...) Le XXe siècle voit se développer des productions très spécifiques (...) certains bijoutiers affichent leur exclusivité : Louis Perret propose des alliances sans soudure ; les Richiardi produisent des anneaux à ressort depuis 1920 ...
(...)
Aujourd'hui, avec ses six cent vingt entreprises recensées au bureau de Garantie de Lyon, la ville reste la capitale de la moyenne joaillerie.
Nous vous laissons poursuivre toutes ces lectures et vous invitons également à consulter Les orfèvres de Lyon (1306-1791) et de Trévoux (1700-1786) [Livre] : répertoire biographique, poinçons, oeuvres.
Réponse du Guichet
Nous avons trouvé d'autres éléments concernant le domaine de la bijouterie à Lyon.
Bonjour,
En complément de notre première réponse, une collègue a poursuivi les recherches et a relevé qu'en dehors du hors-série Le bijou publié par Lyon Capitale en février 1997, nous n’avons pas trouvé d’ouvrage spécifiquement consacré à la bijouterie lyonnaise. Ce document, grand public, vous apportera quelques informations intéressantes pour débuter votre recherche.
Par ailleurs, on note dans le chapitre introductif sur la recherche et les sources de l'ouvrage L'orfèvrerie de Lyon et de Trévoux du XVe au XXe siècle - déjà mentionné dans notre précédente réponse - que l'autrice fait référence à « Natalys Rondot, dans sa série d’études sur les artistes et ouvriers d’art de Lyon, publiait une liste de 950 noms d’orfèvres et joailliers, tirés de divers dépouillements d’archives, mais malheureusement sans l’étayer de références précises aux sources consultées(…) Ce travail est repris dans le Dictionnaire des artistes et ouvriers lyonnais publié par Marius Audin et Eugène Vial ».
Voir Les orfèvres de Lyon du XIVème au XVIIIème siècle / Natalis Rondot, 1888 -> A lire sur Numelyo . On apprend ainsi qu’au XVe siècle, Lyon a eu 173 orfèvres, dont «onze étaient joailliers, diamantiers ou lapidaires». Nous vous invitons à lire cet ouvrage dans son intégralité.
Dans le Dictionnaire des artistes et ouvriers lyonnais publié par Marius Audin et Eugène Vial, on trouve une liste des métiers et corporations lyonnaises référencées, mais hélas peu de données sur l’histoire de ces métiers et des activités liées.
Le terme bijoutier n’y figure pas, on trouve en revanche :
Diamantiers – les diamantiers sont, au XVe siècle – comme les lapidaires au XVIe – des doriers ou des joailliers qui vendent et vraisemblablement taillent et montent les pierres précieuses. Perrin Bolet est orfèvre et diamantier en 1464-1478, Simon Cotière est orfèvre, joaillier et lapidaire en 1494-1572. Pierre Paul est diamantier et lapidaire au début du XVIe siècle.
Joailliers – Les premiers joailliers datent, à Lyon, du début du XVIe siècle. En principe, ce sont des marchands et les joyaux sont fabriqués par les orfèvres. Cette division des deux professions ne paraît guère avoir été respectée; en 1503 et 1550, Simon de Ville et Richard Bigottet sont geoliers et orfèvres. En 1613, les joailliers font partie de la corporation des Marchands merciers, grossiers et joailliers. Aux orfèvres-joailliers de rattachent les diamantiers et les lapidaires.
Arch. Mun., HH Chappe VI, 129. – Dictionnaire, ve Bigottet (Claude, Jean et Richard), Coing (Pierre), Le Coutre (Valentin), Ville (Simon de…), etc
Lapidaires – voir diamantiers
Orfèvres – Le mot orfèvre apparaît à Lyon, vers le milieu du XVe siècle, dans les syndicats ou procès-verbaux des élections consulaires; il est assez rarement employé jusque vers la fin du siècle; mais, de 1495 à 1520, il se substitue peu à peu au mot dorier qui disparaît. Les doriers ou orfèvres exercèrent sous des noms divers une même profession. Les orfèvres stéphanous faisaient partie, dans le seconde moitié du XVIIIe siècle, de la communauté des Fourbisseurs, graveurs, ciseleurs, fondeurs et orfèvres.
Vous trouverez en outre à la bibliothèque :
Une série de catalogues de ventes lyonnaises de 1991 et 1992 :
- Art nouveau-art déco, bijoux, objets de décoration et ameublement des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, tableaux anciens et modernes, écoles régionales [Livre] : [vente, Lyon, Hôtel des ventes Lyon-Brotteaux, 17 février 1991, consultant artistique Jean-Michel Putod]
- Bijoux, orfèvrerie, céramiques, objets de décoration et ameublement et tapisseries des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, tapis d'Orient [Livre] : collection provenant d'une propriété du Beaujolais et divers amateurs, collection des automates cuisiniers de Jean-Paul Lacombe : [vente] 1er décembre 1991
- Bijoux-orfèvrerie, objets de décoration et ameublement des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles [Livre] : tableaux anciens et modernes, écoles régionales : [vente] dimanche 23 février 1992, Lyon Brotteaux-Hotel des ventes, experts Franck Baille et Chantal Beauvois
- Bijoux, orfèvrerie, céramiques [Livre] : objets de décoration et ameublement des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, collection de tableaux anciens et modernes : [vente] dimanche 14 juin 1992, Lyon Brotteaux Hôtel des ventes ; commissaire-priseur Jean-Claude Anaf ; experts Max Crochat, Jean-Pierre Dillee, Guy Herdhebault et Alain Latreille [et al.]
Des arrêts du XVIIIe siècle relatifs à la bijouterie et au commerce des bijoux à Lyon, consultables en ligne sur Numelyo :
Des ouvrages sur l’artisanat et les arts décoratifs à Lyon :
Les industries d'art à Lyon [Livre] / Jean-Baptiste Giraud, 1890, consultable sur Google books
Les arts décoratifs à Lyon [Livre] : 1910 à 1950 / Thierry Roche, 1999
Travailleurs et métiers lyonnais [Livre] / Justin Godart ; préface de M. Edouard Herriot , 1979 (réimpr. De l’édition de 1909)
Histoire du bijou dans la région, et plus largement en France :
L'industrie du bijou, une histoire de passion et de création en Ardèche. 1 [Livre] / Roger Dugua, ed. Dolmazon, 2018
L'industrie du bijou en Ardèche. 2 [Livre] : Tradition, innovations et Renaissance / Roger Dugua, Dolmazon, 2019
Marchands-joailliers du Beaufortain au 18ème siècle [Revue] / Chantal et Gilbert Maistre
Histoire de l'orfèvrerie-joaillerie et des anciennes communautés et confréries d'orfèvres-joailliers de la France et de la Belgique [Livre] / par M. Paul Lacroix (bibliophile Jacob),... et M. Ferdinand Seré , 1850 (consultable sur Numelyo)
Bijoux des régions de France / [Livre] / Claudette Joannis, 1991
Dix siècles de joaillerie française [Livre] : musée du Louvre 3 mai-3 juin 1962
Autres références sur les bijoux en France à la BM de Lyon: voir au catalogue
Voici enfin quelques extraits et références glanés dans divers documents (dont certains sont numérisés sur Google books) :
Grand commerce& vie urbaine au XVIe siècle / Richard Gascon, 1971, voir p. 390 paragraphe consacré au métiers d’art :
«Les métiers d’art (2,77 % de l’effectif et 1,54% de l’impôt). C’est là une activité propre à une ville où la richesse et l’exemple des étrangers ont répandu le goût du luxe. Les orfèvres sont nombreux et riches: cinquante-huit. Plus deux joailliers, trois horlogers, cinq lapidaires, deux nacreurs, trois joyetiers, trois doreurs d’épées et un émailleur. Peintres et sculpteurs sont de petits artisans: vingt-deux peintres et deux imagiers ou sculpteurs.»
Travaux de la Commission française sur l'industrie des nations. Volume6, Par Great Exhibition (1851, London), 1854, voir p. 174 : un paragraphe sur la bijouterie de Lyon
Fabrique et commerce de l’orfèvrerie à Lyon, 2e partie. L’omnibus, mars 1834, p. 66-69
L'économie sociale et l'histoire du travail à Lyon : rapport / éd. par le Comité départemental du Rhône, VIe section, Histoire du travail, VIIe section, économie sociale et assistance, 1900, voir p. 31: Bijouterie, orfèvrerie, bronze d’art