Je cherche des informations sur les députés de la sénéchaussée de Lyon
Question d'origine :
Bonjour,
Le 5 mars 1789, la paroisse de Ville-sur-Jarnioux a élu 3 députés pour la représenter à l’assemblée des 3 ordres du 14 mars 1789 à Lyon. A cette date, il semble qu’il y a eu 350 députés représentants le tiers état de la sénéchaussée de Lyon. Le 27 avril, lors de l’élection des 4 représentants du tiers état de la sénéchaussée de Lyon aux Etats Généraux, il semble qu’ils ne soient plus que 150. Y-a-t-il eu une nouvelle élection qui a permis de réduire de 350 à 150 le nombre de délégués ? Pouvez-vous m’éclairer ?
Merci par avance
Gilles D.
Réponse du Guichet
Si effectivement 350 députés représentent le Tiers-Etat lors de l'assemblée générale des trois ordres à Lyon, 200 vont élire 4 délégués pour la campagne lyonnaise et 150 éliront 4 autres délégués pour la ville de Lyon, sous décision de Sa Majesté face aux craintes de non-représentation des soyeux lyonnais en minorité lors des débats.
Bonjour,
Sauf erreur de notre part, il semblerait que deux confusions se soient glissées dans votre énoncé : les représentants du Tiers-État à l'assemblée générale des trois ordres du 14 mars étaient bien au nombre de 350 dont 150 pour la ville de Lyon et 200 pour la sénéchaussée. Les députés aux États Généraux ont été élus à la suite des travaux commencés le 14 mars (terminés le 4 avril) et non le 27 avril qui est la date à laquelle devaient se tenir les États Généraux.
Dans Lyon et la Révolution, Marcel Ruby parle tout d'abord de l'assemblée préparatoire qui a pour objectif l'élection des représentants lyonnais à l’assemblée générale des 3 ordres du 14 mars 1789, puis présente en détail le déroulé et les enjeux de cette assemblée des trois ordres :
C'est dans cette atmosphère de crise nationale et locale que se déroulent les préparatifs des Etats Généraux. le 26 février 1789, en la cathédrale Saint-Jean, doivent se réunir "les maîtres marchands fabricants en étoffes d'or, d'argent et de soie ou maîtres ouvriers fabricants aux dites étoffes ou autres faisant partie de la ladite communauté, ayant domicile et faisant le service de guet et garde". Environ 400 marchands et 6000 ouvriers avaient ainsi qualité pour y assister ; il n'y eut que 2651 présents ; la première séance se borna à un pointage nominal ; le lendemain, il y avait 3 300 personnes. Lors de ces élections, par bureaux, les maîtres ouvriers firent payer aux maîtres marchands leur mauvaise volonté lors de l'affaire de la révision des tarifs de main d’œuvre. [...] Les choix se portèrent donc, en cette ambiance, uniquement sur des ouvriers [...]
Ces élections primaires devaient permettre de désigner les 183 délégués chargés d'établir le Cahier des Doléances de la ville de Lyon et de choisir les électeurs qui la représenteraient dans l'assemblée générale des trois ordres. Le 14 mars, cette assemblée générale se tient en l'église des Cordeliers ; elle réunit 300 membres du clergé, 317 de la noblesse, 350 membres du Tiers-Etat, soit 150 pour la ville, 200 pour la sénéchaussée. Après la séance solennelle commune, les trois ordres se séparèrent en assemblées particulières ; ils décidèrent qu'ils procéderaient séparément à la rédaction de leurs cahiers, mais s'en donneraient communication réciproque, ce qui témoignait d'un certain esprit de coopération, sinon de bonne entente. Le clergé était dominé par le nombre de ses curés, gens prudents, mais décidés à en finir avec les abus. la noblesse, souvent de fraîche date, n'avait pas les réflexes et préjugés d'une vieille aristocratie, même marchande. Elle se montrait plus souple.
Les choses étaient plus complexes pour le Tiers-Etat que pour les autres ordres. Il était composé de délégués porteurs de cahiers dressés par leurs commettants, dont il fallait opérer la synthèse. De plus, les habitants du plat pays se défiaient des Lyonnais ; ils avaient peur d'être absorbés, et cette peur les rendait hostiles et même agressifs. Or, ils avaient l'avantage du nombre et étaient tentés d'en abuser. D'autant plus qu'ils reprochaient à Lyon son monopole jaloux de la Fabrique. L'ancien avocat du roi MILLANOIS lança un appel à la conciliation d'intérêts si divergents, et à la méthode, car l'assemblée risquait de s'enliser dans une complète anarchie, chacun demeurant trop attaché à la lettre de ses mandats. Les commissaires de la campagne persistèrent et menacèrent les Lyonnais d'élire seuls les huit députés du Tiers. MILLANOIS fut donc chargé d'une mission auprès de NECKER, mission remplie avec succès puisqu'un réglement du 24 mars 1789 décida que le Tiers de la sénéchaussée de Lyon serait représenté par quatre députés de la ville et quatre députés de la campagne, car "Sa Majesté a considéré qu'en accordant quatre députations... elle avait eu égard, non seulement au nombre d'habitants de la ville et à la quotité de ses contributions, mais encore à l'étendue de son industrie et de son commerce..." . Et le cahier de la sénéchaussée devrait être rédigé en commun par tous les députés du Tiers-Etat, sauf pour les représentants de la ville à insérer à la fin leurs propres observations.
Ainsi l'unanimité était loin de régner. D'où les graves inquiétudes du Consulat quant aux subsistances, devant ces témoignages des fraîches relations entre le plat pays et la ville.
Pourtant, lors de l'assemblée générale de clôture, en l'église des Cordeliers, le 4 avril, l'unanimité se retrouve. Tout le monde est d'accord pour réclamer des réformes, même le Consulat. La noblesse réclame la liberté du commerce et de l'industrie, ce qui n'étonne pas de la part d'anciens marchands. Pour sa part, le Tiers insiste sur la crise que subit l'industrie de la soie, sur la misère des ouvriers en grande partie, selon lui, liée aux octrois. Comme la noblesse, il demande que l’État prenne à sa charge toute dette de la ville provenant d'avances faites au Trésor royal.
Ainsi mandatés, les députés partirent pour Versailles, où leur action se confondit bientôt avec celle des délégués venus de l'ensemble du pays.
La Bibliographie historique de la ville de Lyon pendant la révolution française de P. M. Gonon explique aussi :
Les députés du Tiers-Etat de la ville de Lyon, au nombre de 150, firent observer que, vu leur petit nombre relatif à ceux de la Sénéchaussée, ils avaient lieu de craindre que la ville de Lyon n’eût aucun député tiré de son sein. Sa Majesté, en conséquence, a ordonné que, des 8 députés accordés à la Sénéchaussée de Lyon, 4 seront élus séparément par les 150 députés de la ville, et les 4 autres séparément aussi par les autres députés du Tiers-Etat de la Sénéchaussée.
L'élection des représentants du Tiers-Etat de la sénéchaussée de Lyon n'a donc pas lieu le 27 avril car les débats sont clos le 4 avril.
Les États Généraux ont été convoqués initialement le 27 avril puis la date a été reportée au 5 mai.
Nous vous invitons à lire La Révolution française dans la région Rhône-Alpes dans lequel Louis Trenard indique en pages 144 et 159 :
Après une dernière assemblée, le 4 avril 1789, les élus des ordres se séparent ; ils ont accompli leur double mission : élire les députés aux Etats Généraux, rédiger les cahiers de doléances. [...]
Les députés du Tiers Etat sont, pour la ville de Lyon :
- Jean-Jacques Millanais, avocat au présidial, membre de l'Académie de Lyon, initié à la Parfaite Union puis à la Bienfaisance ;
- Jean-Baptiste Périsse-Duluc, imprimeur-libraire, membre de la loge Les Deux Réunies ;
- Goudard, négociant ;
- Couderc, banquier, de la religion réformée ;
pour la campagne :
- Bouchardier, bourgeois de Saint-Julien-En-Jarez ;
- Girerd, médecin à Tarare ;
- Trouillet, négociant à Charlieu ;
- Laurent Basset, lieutenant général.
Deux élus, Bouchardier et Basset, déclinent le mandat, ils sont remplacés par Etienne Durand, marchand à Saint-Maurice-sur-Dargoire et par Nicolas Bergasse, ancien élève des Jésuites et des Oratoriens, ayant étudié le droit à Lyon, qui s'est signalé par la publication dans la Gazette de France d'un "Discours ou Réflexion sur les préjugés" qui montre son attachement à la religion et à la morale, principes fondamentaux de la liberté humaine.
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