Question d'origine :
Que faut il retenir de la kabbale chrétienne ?
Réponse du Guichet
Il est difficile de répondre succinctement à cette question en raison de la complexité de ce mouvement de pensée et d’interprétation des Ecritures. Cependant, un rapide survol de ses principes fondamentaux et de quelques auteurs majeurs pourra vous livrer des clés de compréhension.
La kabbale chrétienne est fille de la Kabbale juive, elle-même apparue au XII-XIIIe siècle avec deux textes majeurs, le Bahir et le Zohar.
Comme l’explique Antoine Faivre dans son Que sais-je ? sur l’ésotérisme, la kabbale se répand dans l’Europe à l’orée de la Renaissance après que le décret 1492 a expulsé les Juifs d’Espagne. Parmi ceux qui vont recevoir l’enseignement kabbalistique juif, une personnalité majeure : Pic de la Mirandole, qui se propose d’appliquer les méthodes des kabbalistes pour découvrir les vérités cachés dans les Ecritures. Ainsi, la kabbale chrétienne peut se définir ainsi,selon les mots d'Antoine Faivre et de Frédérick Tristan :
« Œuvre de chrétiens, elle consiste surtout à scruter les Ecritures avec les méthodes mêmes des kabbalistes juifs, en appliquant celles-ci non seulement à l’Ancien mais aussi au Nouveau Testament, et en s’efforçant de trouver dans les écrits de la kabbale juive des arguments en faveur du christianisme ».
Car la kabbale chrétienne est aussi une apologétique ; il s’agit d’y puiser de quoi justifier la prééminence du christianisme. L’analyse kabbalistique du nom de Jésus « révélerait ainsi par tous ses arcanes la divinité et la fonction messianique » (Jean-Pierre Brach, Dictionnaire de l’ésotérisme).
Dans la kabbale chrétienne, l’idée centrale – qui est une idée très ancienne ! - est celle d’un sens caché des mots, au-delà d’une lecture littérale qui ne permet pas d’atteindre l’âme secrète des Ecritures. Avec cette « méthode », Pic de la Mirandole déploie quelques thématiques importantes dans ses exégèses : les rapports entre Dieu, l’homme et le monde, la hiérarchie divine, l’angélologie, le rôle de l’âme…
Peu à peu, la kabbale chrétienne va être articulée à d’autres pratiques ésotériques : « Plus le [XVIe] siècle avance, plus se généralise une tendance qui ne fera que croître par la suite, celle qui consiste à associer les spéculations kabbalistiques à la philosophie occulte, c’est-à-dire aux différentes sortes de magie, à l’astrologie, à l’arithmologie ou à l’alchimie » JP Brach, Dictionnaire de l'Esotérisme). Fin XVIIe - début XVIII le mouvement kabbalistique s’essouffle très largement.
Parmi les auteurs majeurs de la kabbale chrétienne, on pourra lire :
- Guillaume Postel (1510-1581) qui a notamment traduit le Zohar et rédigé une Interprétation du candélabre de Moïse.
- Le célèbre ésotérique Cornelius Agrippa (1486-1535) qui effectue dans son De Occulta philosophia une synthèse accrobatique entre kabbale, magie, alchimie…
- Johannes Reuchlin (1455-1522) pour De l'art cabbalistique que l'historien François Secret qualifie de "Bible de la kabbale chrétienne" !
Quant aux études sur la kabbale chrétienne, outre celles déjà mentionnées, vous pourrez consulter à profit :
Les kabbalistes chrétiens de la Renaissance, de François Secret qui propose un parcourt érudit (et avec beaucoup d'extraits de textes) parmi les grandes figures de ce courant.
L’ABC de la kabbale chrétienne, de Jean-Louis de Biaisi qui insiste également sur la façon dont ce courant a influencé d’autres mouvements ésotériques.
Enfin, vous pouvez réécouter cet épisode de la série Kabbale et kabbaliste sur France culture, dans l'émission les Chemins de la connaissance.
Bonnes lectures !