Question d'origine :
Bonjour,
Je suis à la recherche de l'origine de ce qui semble être une citation qui se trouve en exergue d'un poème publié dans la revue La tour de feu, no 38, paru en 1952 (voyez la page 4). La voici :
« — Monsieur Humeau, on vous appelle au téléphone !
(profond étonnement et confusion)
En l'absence de son confrère, Miatlev continue la conférence.
(il bafouille)
Humeau revient, bouleversé :
— Mesdames, messieurs, chers camarades, une grave nouvelle, une étonnante nouvelle !
(il hésite un instant)
— LA POÉSIE EST DÉCLARÉE !
— Merde ! Qu'est-ce que ça veut dire ?
— Que la poésie sort de la clandestinité, que nous sortons de la clandestinité… »
Sauriez-vous me dire d'où elle peut venir ?
Merci pour votre aide,
Pauline L.-D.
Réponse du Guichet
Nous avons pu repérer qui étaient les divers protagonistes mentionnés dans cet extrait mais n'avons pu, en revanche, déterminer qui en était l'auteur. Serait-ce Pierre Chabert qui proclamait "la poésie est déclarée"?
Bonjour,
Ne possédant pas ce numéro, nous n’avons pu vérifier les possibles mentions dans cette revue et ne pourrons qu’émettre des hypothèses.
En parcourant la bibliothèque numérique Gallica nous avons pu constater que "Monsieur Humeau" faisait référence au poète Edmond Humeau, mentionné dans Études (1977) :
J Mambrino présente Poèmes Edmond Humeau(1976) et indique que « pour le découvrir, il faut lire le numéro d’hommage de La Tour de feu (,° 11’) disponible chez José Corti.
Notre attention s’est alors portée sur Pierre Boujut, fondateur de la revue. Ainsi, Aguiaine : revue de recherches ethnographiques Société d'ethnologie et de folklore du Centre-Ouest (1998)indique:
Rappelons que Pierre, le père de Michel [Boujut] a été l’animateur d’une école de poésie centrée autour de la revue de Jarnac « La tour de feu » reconnue comme la plus importante de son temps, dans le genre.
Pierre Boujut est également cité dans Revue de recherches ethnographiques (1972).
A partir de là, nous avons élargi nos recherches et avons trouvé que Pierre Chabert avait également contribué à cette revue comme le mentionne Les Lettres françaises Front national des écrivains (France) (1951) :
À ses recueils, il convient d’ajouter les nombreux articles, études et pages de journal, qu’il donna dans La Tour de Feu, la revue de Jarnac, dont il fut l’un des piliers. Chabert fut également proche du Pont de l’Épée de Guy Chambelland.
Le site recoursaupoeme.fr consacre une longue étude à Pierre Chabert :
L’aventure éditoriale de Pierre Chabert débute en 1948, lorsqu’il devient critique littéraire à Vie libre, revue naturiste d’Avignon. Jusque-là, il a voulu être poète, et donc, il a « travaillé, imité, trouvé des rimes. Plus que cela : traqué un langage ». Grâce à Vie libre, il reçoit des revues, des recueils de poèmes, et fait la connaissance de nombreux poètes, dont celles, déterminantes, de Pierre Boujut, de Guy Chambelland et de Jean Breton. Il participera à leurs trois revues : La Tour de Feu, Le Pont de l’Épée et Les Hommes sans Épaules, à laquelle s’ajoutera plus tard, Poésie 1 de Michel et Jean Breton.
(…)
Chabert (dans une lettre à Jean Breton), relate : « Tout un programme. Jarnac devient pour moi le lieu où vivre. C’est l’été, les vacances. Paysage calme, vert, la rivière, le chai, les poètes. Une société nouvelle. Le « meilleur » des mondes possibles. Je deviens le néophyte un peu naïf, je répands dans les campagnes le tract « La poésie est déclarée, soyez heureux ». Les amis de La Tour de Feu se réunissent dans le chai de Pierre Boujut, à Jarnac : « Une communauté Tour de Feu, telle est pour moi la révélation de ces congrès où les uns et les autres avons vécu complètement ensemble, mêlant nos idées, heurtant nos manies, formant société au vrai sens du mot. Plus qu’un journal, je pourrai en tirer un almanach, ou un recueil de caractères… La première réalité de La Tour de Feu, ce sont ses congrès : on se rend à Jarnac le 14 juillet pour y trouver un accueil, un climat doux et lumineux, des gens en vacances, une sorte de but, un thème de réflexion, mais rien de rigide, le vrai travail de qui cultive la paresse. On y retrouve des amis que l’on aime, et on y fait des rencontres. Certains y cherchent des directeurs de revues, des acheteurs pour leurs recueils. La poésie incarnée… La Tour de Feu est une sorte de communauté, dont on fait l’expérience trois jours par an, ce qui est la limite vivable pour une communauté. »
La rencontre de Boujut inaugure une amitié et le début d’une collaboration de trente années. « Pierre Chabert est « l’homme-frère » selon Boujut, c’est-à-dire, celui qui ne l’a jamais déçu. Avec Chabert, écrit Pierre Boujut (in Un Mauvais Français, Arléa, 1989) : « pas d’opposition exaltante comme avec Miatlev, mais l’accord merveilleux et le plaisir de réagir de la même façon devant les faits de la vie politique, sociale, familiale et devant les idées générales de l’existence. Comme moi, il est un doux mais avec une résistance secrète et solide qui correspond à ma douceur armée d’un certain autoritarisme… Nous avons tout de suite été accordés. Nous étions proches (« les proches-poètes » a t-on dit). Nous avions la même tonalité, lui, peut-être en mineur, car il est plus discret, plus timide et surtout plus subtil que moi. Je me sens lourdaud à côté de lui qui est aérien. Ses certitudes sont ironiques, sa confiance à demi sceptique. Mais, partant de nous deux, c’est le même regard qui se pose sur le monde. »
Le texte a-t-il été rédigé par Pierre Chabert ?
Il faudrait le vérifier en consultant le numéro 38 de cette revue (localisable via le catalogue sudoc) ou en contactant l'association Les Amis de Pierre Boujut et de la Tour de Feu,
11, rueLaporte-Bisquit - 16200 Jarnac
Tél. : 05.45.81.63.74
Enfin, pour approfondir la question, il faudrait peut-être effectuer des recherches dans le Fonds Edmond Humeau et parcourir l’ouvrage suivant : Pierre Boujut, poète, fondateur et animateur de "La Tour de feu".