D'où viennent les différentes appellations des formats de livres ?
Question d'origine :
Bonsoir !
D'où viennent les différentes appellations des formats de livres : incunable, à la française, à l'italienne, à l'allemande ? Pourquoi ces appellations ? Et y en a-t-il d'autres ?
Dans l'attente de vous lire,
Bien cordialement,
FD
Réponse du Guichet
Le mot "incunable", désignant les livres imprimés antérieurs à 1501, vient du latin "incunabulum", "berceau", signifiant par là qu'il s'agit de la naissance de l'imprimerie... l'origine des noms des formats à la française, à l'italienne, est en revanche obscure mais semble provenir de l'édition musicale. Quant à d'autres appellations, il y en a eu au cours de l'histoire. Beaucoup.
Bonjour,
Une page du site de la Bibliothèque nationale de France revient sur l'origine du mot Incunable :
Le terme désigne un livre imprimé sous la presse à l’aide de caractères mobiles fondus en métal, entre l’invention de l’imprimerie et la fin du 15e siècle, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 1500 inclus. Le mot « incunable » vient d’un terme savant (en latin berceau, sous-entendu de l’imprimerie) apparu en principe en 1640 sous la plume de Bernhard von Mallinckrodt, partisan de la naissance de l’invention à Mayence. On vient de découvrir qu’il conviendrait de le faire remonter à Hadrianus Junius dans une édition de 1588 posthume et dont la rédaction remonterait à 1563…
L'article ajoute que "Cette appellation se répand surtout dans la seconde partie du 18e siècle, quand les érudits et "antiquaires" commencent à s’intéresser aux « premiers monuments de la typographie »" et que le choix de date est arbitraire. Ce que nous vous disions également dans notre réponse à la question Qu'est-ce qui différencie réellement un incunable d'un ouvrage imprimé après 1500 ? :
[L'appellation] ne correspond pas à une étape notable dans la transformation du livre, qui ne prendra un aspect moderne qu’une vingtaine d’années plus tard. Un tiers au moins des ouvrages imprimés au cours de cette période ne comporte pas de date explicite, aussi considère-t-on comme incunables tous ceux qui peuvent être datés, au plus tard, des environs de l’année 1500.
Le CNRTL confirme cette étymologie en donnant une date différente :
Empr. au lat.incunabula [littéralement « langes, berceau, enfance, origine »] tiré du titre Incunabula typographiæ du catalogue répertoriant les premiers ouvrages imprimés, publié en 1688 à Amsterdam par Beughem, v. DG.
L'origine des noms des formats à la française et à l'italienne est plus obscure. L'imposant Dictionnaire encyclopédique du livre sous la direction de Pascal Fouché, Daniel Péchoin, Philippe Schuwer les définit de façon peu satisfaisante, la première comme un "format rectangulaire d'une hauteur supérieure à la largeur, par opposition au format à l'italienne" et la seconde comme un... "format rectangulaire d'une largeur supérieure à la hauteur, par opposition au format à la française".
Quant au pli (et non format) à l'allemande, d'une "motivation incertaine", en voici la définition :
Façonnage, imprimerie. Se dit d'un pli croisé pratiqué dans le sens inverse du sens du pli usuel, celui du pliage croisé.
Cela nous laisse sur notre fin. La page Wikipédia consacrée au Format à l'italienne nous dit bien que "Le format à l'italienne a été popularisé en Italie par la publication des fumetti, des bandes dessinées dans un petit format dans les années 1950 et 1960", cela ne nous avance guère car on trouve des occurrences de "format à l'italienne" dans des sources bien antérieures. Ainsi, le Grand dictionnaire universel du XIXè siècle de Pierre Larousse, publié entre de 1866 et 1876 et consultable sur Gallica nous apprend que les livres de format oblong (terme préféré à l'époque) sont appelés, "en musique", "formats à l'italienne". C'est d'ailleurs dans les pages consacrées à la musique dans Le Livre des jeunes filles : jeux, récréations, exercices, arts utiles et d'agrément, amusements, etc., par l'abbé de Savigny qu'apparaît la plus ancienne occurrence que nous ayons pu trouver.
La distinction entre ces deux formats est donc apparue au XIXè siècle dans le cadre de l'édition de partitions sans que nous ayons trouvé pourquoi. En revanche, il existe bien d'autres appellations qui nous renseignent soit sur la taille des livres soit sur le nombre de pliures qu'a reçues la feuille de papier originelle : ainsi toujours selon la BnF
Dans un livre de format in-folio, on plie la feuille de papier sortie de la forme une seule fois, pour obtenir un cahier de deux feuillets paginés de 1 à 4 ; dans un in-quarto, on plie la feuille deux fois pour obtenir un cahier de quatre feuillets paginés de 1 à 8, et ainsi de suite.
... en pliant la feuille trois fois, on obtiendra donc un in-octavo et ainsi de suite, jusqu'à des formats très petits tels que l'in-seize.
Mais cela vaut surtout pour l'édition ancienne, comme nous préviennent les ouvrages Le Livre. Son architecture. Sa technique de Marius Audin et Le format des livres : notions pratiques de Charles Mortet : avec le temps il a fallu distinguer les in-quartos, in-octavos etc... réels, de ceux de format "apparent" désignés couramment par les mêmes appellations sans que le nombre de pliages soit en cause. Parallèlement est apparue dans l'imprimerie française une nouvelle nomenclature de formats beaucoup plus précise car de dimensions exprimées en centimètres : ce sont les formats :
- Pot (écolier)
- Tellière (ministre
- Couronne
- Ecu
- Coquille
- Carré (qui n'est pas carré puisqu'il mesure 45X56 cm)
- Cavalier
- Raisin
- Grand raisin
- Jésus
- Grand Jésus
- Soleil
- Colombier
- Journal
- Petit-Aigle
- Grand-Aigle
- Petit-Monde
- Grand-monde
Qui varient entre 31X40 et la bagatelle de 90X120...
Mais nous ne sommes pas encore au bout de nos découvertes puisque l'article de Jean Stouff Références pour le livre ancien (3) Formats des livres accessible via le blog Biblioweb ajoute :
Les principaux formats de papier sont les suivants, par ordre croissant : pot, couronne, écu, coquille, carré, raisin, jésus, colombier. Ces appellations proviennent des motifs qui étaient autrefois filigranés dans le papier, suivant le format. On parlera donc, pour plus de précision, d’in-octavo jésus, in-octavo couronne, etc. Pourtant ces termes sont de moins en moins utilisés par certains libraires et bibliographes. De nos jours, ceux-ci préfèrent indiquer les dimensions d’un volume en centimètres.
Cependant, voici une désignation moins approximative pour les amateurs de précision :
- in plano : très grand format ; feuille à plat non pliée
- in folio : format atlas ; feuille pliée en deux, soit une fois
- in quarto : format grand cahier ; feuille pliée en 4 soit deux fois
- in octavo : format petit cahier d’écolier ; feuille pliée en 8 soit trois fois
- in douze, in seize, in dix-huit : format livre de poche ; feuille pliée en seize ou subdivisée en 6/6 ; 8/4 ; 14/4 ou 12/6 soit quatre fois
- in vingt et quatre, in trente et deux : très petits formats
- au-delà on désignera ces ouvrages sous le terme ” minuscule “. Il sera dès lors approprié d’en donner un format en centimètres (on peut toutefois rencontrer des formats très réduits restitués en termes classiques, par exemple, in-364.
Usage qui a été modifié au XIXè siècle pour plus de commodité :
Pour simplifier et codifier les formats, on utilise depuis le 19ème une côte moyenne appelée “format bibliographique”, et qui est la suivante, pour les principaux formats:
(la dimension est celle de la hauteur du livre)
Grand in-folio : plus de 40 cm
In-folio : moins de 40 cm
In-4 : moins de 30 cm
In-8 : moins de 25 cm
In-12 : moins de 20 cm
In-16 : moins de 16 cm
In-18 : moins de 14 cm
In-32 : moins de 10 cm.
Vous trouverez encore d'autres appellations, toujours plus précises quant au format, dans l'article Format du papier du même auteur sur le même blog... preuve qu'en bibliophilie la créativité n'a pas de limite.
Bonne journée.
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