Question d'origine :
Bonjour,
Pourquoi les jeunes des banlieues brûlent les écoles. Explications hétérodoxes hors presse mainstream.
Merci beaucoup.
Gilbert
Réponse du Guichet

Les écoles brûlées dans le cadre d'émeutes sont le résultat d'une représentation de l'école comme un lieu d'exclusion et de répression.
Bonjour,
Dans l’article « Pourquoi les émeutiers s’en prennent-ils aux services publics », publié dans la Revue française d’administration publique en 2017 , Didier Chabannet, chercheur à l'Ecole normale supérieure de Lyon et Xavier Weppe, maître de conférences à l’IAE Lille s’interrogent sur la propension de la jeunesse à attaquer les services publics, parmi lesquels les écoles. Selon Chabannet et Weppe, ces attaques traduisent un sentiment d’exclusion.
Sans qu’il soit explicitement formalisé, le message ainsi envoyé est clair : les émeutiers et derrière eux une bonne partie de la jeunesse de ces quartiers ne veulent plus de services publics qui, pensent-ils, les assujettissent, parfois même les méprisent et au final participent de leur exclusion et de leur stigmatisation.
Au sujet des écoles attaquées, Chabannet et Weppe relèvent un ensemble de griefs ayant conduit à une rancune des émeutiers vis-à-vis des écoles et, en définitive, à l’attaque des établissements. Ces griefs sont les suivants:
- Le mythe de la possibilité d’une ascension sociale par le bais du système scolaire
- Le sentiment d’avoir subi une orientation conduite par des critères ethniques
- Un sentiment de rabaissement causé par un écart culturel trop fort entre enseignants et élèves
Dans l’ouvrage Quand les banlieues brûlent… publié suite aux émeutes de novembre 2005, le formateur Laurent Ott aborde le cas des écoles brûlées dans le chapitre « Pourquoi ont-ils brûlé les écoles ».
Ott soutient, dans ce chapitre, que le choix des écoles comme cible s’expliquerait par représentation des écoles comme des lieux d’exclusion et de répression.
[…] il est fort possible que les jeunes n’aient pas gardé un si bon souvenir de ces structures et qu’ils les aient vécu bien davantage comme des lieux d’exclusion ou de répression que comme des lieux d’éducation
Ott souligne, dans ce texte, un ensemble de facteurs conduisant à cette image de l’école comme lieu d’exclusion et de répression. Nous citerons, parmi d’autres:
- Les inégalités scolaires
La sélection scolaire selon les origines bat son plein: à 18 ans, près de 20% des jeunes ont arrêté leurs études. Près de 30% pour les enfants d’ouvriers contre 5% pour les enfants de cadres »
- Une responsabilité de l’éducation reportée sur les familles
[…] l’éducation des enfants est requise comme un déjà-là qui devrait être préalablement fourni par les familles. Des enfants qui n’ont pas reçu d’apprentissage de la vie en collectivité mettent ainsi en difficulté les acteurs sociaux et éducatifs dans leurs objectifs propres; ces derniers ont alors tendance à convoquer les parents et à renvoyer sur eux la gestion de la crise et de cette difficulté
Pour une étude plus approfondie de cette question, nous vous invitons à consulter les textes cités dans cette réponse:
« Pourquoi ont-ils brûlés les écoles » pp 126-144, chapitre rédigé par Laurent Ott dans Quand les banlieues brûlent…; Retour sur les émeutes de novembre 2005, ouvrage disponible à la bibliothèque de la Part Dieu à Lyon.
« Pourquoi les émeutiers s’en prennent-ils aux services publics », article de Didier Chabannet et Xavier Weppe dans la Revue française d’administration publique en 2017.