Comment l'intelligence artificielle peut-elle être utilisée dans les bibliothèques ?
Question d'origine :
Comment l'intelligence artificielle peut-elle être utilisée pour améliorer la gestion des informations dans les bibliothèques et les systèmes d'information, tout en aidant les usagers à trouver plus efficacement les ressources dont ils ont besoin?
Question d'origine :
comment l'intelligence articifcielle impact le travail du bibliotécaires ?
Réponse du Guichet
Ces premières pistes devraient vous permettre de poursuivre vos recherches et ainsi répondre à votre sujet.
Bonjour,
Nous supposons que vous êtes dans la même promotion … et si tel n’était pas le cas, nous avons tout de même fait le choix de combiner vos deux questions car les sujets se rejoignent et finalement les références citées seront quasiment similaires. Le Bulletin des bibliothèques de France consacre de nombreux articles à l’intelligence artificielle dont Le printemps des métiers «1, 2, 3… IA! Intelligence artificielle, métiers et compétences, une journée pour explorer les liens de l’IA avec le monde des bibliothèques» (2023)
L’article mentionne diverses interventions dont celle d’Emmanuelle Bermès qui
rappelle que l’une des toutes premières applications de l’IA aux données de masse produites par les bibliothèques est la reconnaissance optique de caractères (OCR pour Optical Character Recognition) qui permet d’extraire le contenu de textes numérisés. Cette utilisation s’est industrialisée au milieu du XXe siècle et a ouvert la voie aux techniques de reconnaissance optique de mise en page (OLR pour Optical Layout Recognition) permettant de reconnaître dans des documents complexes comme la presse, la mise en page en colonnes, ainsi qu’aux techniques de reconnaissance de l’écriture manuscrite (HTR) ou d’analyse de la parole enregistrée pour générer du texte. Aujourd’hui, les technologies IA, prédictives et génératives, vont plus loin en comparant les images, en les classant et en les étiquetant, ou encore en générant des notices à partir d’un texte (aide au catalogage). L’IA trouve aussi son utilité dans la médiation, l’éditorialisation, la valorisation des collections.
Prédictive, elle intervient comme aide à la décision et au pilotage, en comparant et observant les répétitions d’informations, comme les données de conservation afin d’anticiper la dégradation de certains documents. Emmanuelle Bermès recommande d’envisager les projets sous l’angle des usages plutôt que des outils, afin d’offrir des services combinant plusieurs approches de l’IA comme l’a fait l’Institut national de l’audiovisuel (INA) avec son interface qui catalogue le programme TV en segmentant les sujets, en détectant les personnes et en extrayant la parole ; il génère des résumés et mots-clés vérifiés par le documentaliste.
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Autre problématique très prégnante posée par l’IA, l’exemple des algorithmes utilisés dans les moteurs de recherche ; celui de Gallica passe outre la prédictibilité du parcours usager. Loin des stratégies économiques développées par les acteurs privés, ce parti pris évite de l’enfermer dans des recommandations en l’orientant uniquement selon ses points d’intérêt. Fondés sur des critères et des choix non explicités et non neutres, les algorithmes utilisés par les moteurs de recherche restent souvent opaques et offrent des résultats biaisé.
Ce même article souligne le rôle joué par le bibliothécaire :
Malcolm Walsby, quant à lui, soulève une autre problématique induite par l’IA impactant la recherche: soumis à l’injonction de plus en plus forte du Publish or Perish, les chercheurs sont tentés d’utiliser l’IA afin de générer leurs articles. Ceux-ci, non détectés par les comités de relecture peuvent être publiés mettant en danger la réputation d’éditeurs. Les rappels d’ouvrages et les rétractations d’articles sont appelés à devenir plus fréquents. Les bibliothèques ont donc un rôle de veille et de vérification de métadonnées à jouer.
Le métier de bibliothécaire doit valoriser deux voies dans cette mise à niveau: on produit dans nos métiers des informations structurées, ce qui suppose d’être formé aux différentes normes, mais aussi à ce qu’on doit décrire, et donc développer une expertise, des vocabulaires communs; on doit être capable de qualifier, de sourcer et de mesurer l’information.La question de la fiabilité de la donnée va devenir primordiale, préoccupation qui rejoint les considérations éthiques pour la construction de regards critiques dans l’éducation à la citoyenneté et l’approche des médias et informations. Repérer les plagiats, construire les indicateurs, cartographier l’information : autant d’activités qui positionnent les bibliothécaires non plus comme des seuls pourvoyeurs de contenus mais aussi comme des valideurs, ou même des experts de certains domaines.
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Les bibliothécaires devront se former sur toutes les questions liées au droit d’auteur, aux droits voisins, au traitement et à l’exploitation des données personnelles. Ils doivent investir le nouveau cadre juridique en construction. Par leur veille, ils auront aussi un positionnement critique sur les impacts climatiques (empreinte carbone de l’IA) et la gestion des ressources humaines dans ce domaine.
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Luc Bellier soulève l’enjeu majeur de la mutualisation des moyens. Les instruments de l’IA sont coûteux en termes de matériel: stockage des données, puissances de calcul, cartes graphiques. Pour les projets de recherche, il faudra développer davantage de plateformes partagées. Dans le domaine des humanités numériques, des infrastructures existent mais elles sont sous-dimensionnées par rapport aux besoins.
Le bibliothécaire peut jouer son rôle en valorisant ce qui est déjà dans son ADN professionnel: la mobilisation des communs, la culture d’un service public de l’échange gratuit de biens et de données. Il ne pourra cependant pas agir seul: la réglementation devra l’aider à affirmer ce rôle, et les instances de gouvernance françaises, qui pour le moment restent encore trop cloisonnées entre Culture, Enseignement supérieur et Éducation, doivent mobiliser des financements, et organiser le partage des ressources métiers.
Par ailleurs, Emmanuelle Bermès et Céline Leclaire dans l'article «Vers l’intelligence artificielle et au-delà! Une feuille de route pour la BnF», (Arabesques, 107|2022) mentionnent :
Cette opportunité a été saisie pour faire de l’IA une dynamique transverse du nouveau contrat, susceptible d’apporter des pistes d’innovation dans tous les domaines métier de la bibliothèque: des entrées numériques à la médiation, du signalement à la conservation, du traitement des documents numérisés à leur accès dans Gallica, de l’analyse des usages des publics aux fonctions de gestion administrative. Cette stratégie globale met l’accent, dès cette étape, sur les enjeux éthiques, en particulier la question des données personnelles, les risques liés aux biais dans les données, l’impact environnemental de cette technologie et l’accompagnement du changement. Celui-ci touche particulièrement la fonction informatique, qui doit se mobiliser pour devenir une force motrice des évolutions à venir.
Pour approfondir vos sujets, il vous faudra consulter les études suivantes et les bibliographies mentionnées dans celles et ainsi poursuivre les recherches :
Les bibliothèques face au monde des données / Véronique Mesguich, 2023.
L’intelligence artificielle en bibliothèque : une collaboration internationale / Marlène Racault, 2022.
Le patrimoine numérique national à l’heure de l’intelligence artificielle. Le programme de recherche. Corpus comme espace d’expérimentation pour les humanités numériques / Emmanuelle Bermès, Eleonora Moiraghi, 2022.
Intelligence artificielle et transformation des métiers de la gestion documentaire / Steve Jacob, Seima Souissi et Charlie Martineau 2022.
Landro Hummelslund Daniel, «7 ways AI is changing libraries», 2021.
L'intelligence artificielle au service des bibliothèques universitaires / Bruno Texier, 2020.
Svein Arne Brygfjeld, «L'Intelligence artificielle à la Bibliothèque nationale de Norvège », Arabesques, 94|2019.
Pour ce qui est du de bibliothécaire métier vous pourrez aussi regarder les impacts de l’IA dans d’autres domaines dont Intelligence Artificielle pour l’aide à la décision des systèmes dynamiques : Diagnostic, Prévision, Recommandation d’actions.
Enfin, pour les questions portant sur des sujets de bibliothéconomie, nous vous invitons à interroger le service questions-réponses de l'Enssib.