La clepsydre était-elle utilisée pour mesurer le temps lors des Jeux Olympiques ?
Question d'origine :
Bonjour le guichet du Savoir
lors d'une visite guidée durant laquelle je présentais la clepsydre, un visiteur m'a dit que cet objet était utilisé pour mesurer le temps lors des Jeux Olympiques (spécifiquement il a parlé de Marathon). N'ayant pour ma part, pas de sources sur cette info je me demande si cela pourrait être possible et si oui avons nous des sources?
Je sais qu'elle était utilisé pour mesurer le temps de parole sur l'Agora, lors des discours politiques ou plaidoiries judiciaires.
Merci d'avance pour votre réponse
Bonne journée
Sabine
Réponse du Guichet
En tant qu'instrument utilisé pour mesurer la durée des évènements, il est possible que la clepsydre servît à mesurer le temps dans différentes circonstances et domaines de la vie sociale dans la Grèce antique.
Bonjour,
Le mot clepsydre provient du grec et se compose de deux mots: «clepto» qui veut dire «voler» et «hudrios» qui signifie «d’eau» ou «aqueux». Cette composition - faire voler l’eau – matérialise l’idée de l’écoulement du temps. La clepsydre est, en effet, un instrument à eau pour mesurer la durée d’un évènement. Il s’agit d’un récipient doté d’un orifice par lequel il se vide de son eau. Il peut avoir n’importe quelle forme, à la différence de l’horloge hydraulique.
Utilisées dans la Grèce et la Rome antique, les clepsydres étaient déjà connues dans l’Egypte ancienne. Dans son livre «La mesure du temps dans l’Antiquité», Jérôme Bonnin retrace les typologies des différents instruments qui servaient à se repérer dans le temps. En parlant de Rome, il précise "qu’en ce qui concerne les instruments hydrauliques, le terme de clepsydra, directement emprunté au grec, est très peu employé en dehors du contexte juridique."
L’archéologue mentionne également un auteur romain du Ve siècle de notre ère, Sidoine Apollinaire, qui note dans ses «Correspondances», à propos de l’Empereur Pétrone Maxime, (resté au pouvoir deux mois et demi uniquement en 455 ap. J.-C.) :
Ce haut dignitaire (…) dont la vie elle-même, dans ses phases quotidiennes, était, pour tout dire, l’objet d’une telle attention, que son déroulement était réglé sur les heures de la clepsydre (p. 80)
Etant donné que la clepsydre désigne les intervalles de temps et non les heures, Jérôme Bonnin s’interroge sur le vocable utilisé par l’auteur romain. Il écarte rapidement la piste d’un vocabulaire transformé dans l’entourage de l’auteur latin, privilégiant plutôt celle d’une erreur, tout simplement.
Plus loin, dans le chapitre 5 de son ouvrage, le chercheur examine plus précisément les pratiques appliquées dans les institutions judiciaires, en indiquant que "dans les tribunaux, l’utilisation du temps n’est pas directement liée aux horloges. Bien souvent, il n’y est question que de clepsydres. Les tours de paroles y étaient en effet calculés avec des clepsydres et non des horloges hydrauliques ou solaires." Il donne un exemple: le procès de Parrhesiadès devant Philosophie et les philosophes ressuscités, procès fictif inventé par Lucien de Samosate (dans «Le Pêcheur ou les Ressuscités». La clepsydre, dit-il, "y est alors omniprésente et elle rythme la narration comme dans un véritable procès."
Les premières clepsydres attestées dans la littérature classique datent du Ve siècle avant notre ère. Le premier instrument connu, la clepsydre d’Athènes, date du IVe siècle. Les temps de parole étaient déterminés par les capacités standardisées des clepsydres judiciaires. On comptait donc en volume de clepsydre (tant de volume d’une clepsydre pour telle affaire) et non en heure.
Jérôme Bonnin remarque néanmoins que le temps de parole à Rome est exprimé en heures, et non par capacité de liquide comme à l’époque classique en Grèce. Certes, la méthode est héritée des Grecs, mais à Rome, la clepsydre devient un outil courant dans les cours de justice au moment où les horloges étaient déjà connues. C’est peut-être donc la raison pour laquelle les tours de parole se mesuraient à la clepsydre, mais se comptaient en heures (p.238-239).
Sans trouver de références aux usages éventuels de la clepsydre dans les disciplines sportives, au vu du caractère de l’outil qui mesure les intervalles de temps et la durée des évènements, il n’est pas interdit de supposer qu’il servait à mesurer la durée dans d’autres domaines que celui de la prise de parole au tribunal. Pourquoi pas la course à pied ?
Pour aller plus loin:
La mesure du temps dans l’Antiquité de Jérôme Bonnin, éd. Belles Lettres, 2020, avec 30 pages de références bibliographiques, dont les sources anciennes littéraires et épigraphiques, sur lesquelles s’est basé l’auteur de cette fascinante étude.
La bibliothèque de la Maison de l’Orient et de la Méditerrannée Jean Pouilloux abrite des collections dédiées à l’étude des sociétés anciennes. Pour compléter et approfondir cette question, vous pouvez consulter les ressources qu’elle met à disposition.
Bonne lecture !