Question d'origine :
La route du sel en Italie: la via del Sale.
A propos du tracé de la route du sel de Monesi di Triora en Ligurie jusqu'à Limone Piemonte près de Cuneo: cet itinéraire finit-il dans ce village du Piémont? Le sel transporté sur cet itinéraire venait de France. Merci d'apporter des précisions sur le lieu de provenance de ce sel , ses modes et moyens de transports utilisés ainsi que des illustrations si possible.
Réponse du Guichet
Cet itinéraire s'achève actuellement à Limone mais était-ce le cas à l'époque de la route du sel, nous ne saurions-vous le dire. Nous avons trouvé diverses études abordant ce sujet mais qui n'abordent pas forcément votre tracé.
Bonjour,
Nous avons trouvé un certain nombre de documents s’intéressant aux routes du sel en Italie mais ceux-ci sont en italien et nous espérons donc que vous maîtrisez cette langue. Au pire, il vous faudra utiliser des outils de traduction en ligne comme deepl que nous avons employé ci-dessous.
Dans la via del sale, Anna Maria Parodi fournit de nombreuses informations sur les différents itinéraires, les moyens de transport. Les renseignements sur la provenance du sel sont en revanche plus sommaires et les chemins évoqués ne correspondent pas forcément au vôtre.
C'est en vain que l'on tenterait de dessiner une carte des routes du sel, car même le plus petit chemin a été emprunté par des porteurs de sel".
Cette déclaration de Jean Claude Hocquet, souligne encore l'idée qu'il n'y avait pas de route du sel, mais un système dense de routes et de chemins que les différents Liguriens, Piémontais, Lombards et Emiliens employaient pour transporter leur marchandise. Considérer, par conséquent, la via del sale comme une seule route n'est pas correct, car elle doit être doit être comprise dans un sens plus large et composée d'un ensemble d'itinéraires principaux et de routes principales et alternatives, de la côte ligure à la vallée du Pô.
(…)
Le sel, dans le territoire ligure, montait vers le bassin versant des Apennins, la ligne de partage des eaux des Appenins, celles de l'Émilie, les crêtes et les pentes des vallées de Trebbia et de Taro ; celles de Lombardie
routes du sel en Lombardie suivaient la vallée de la Staffora(...)
Elle poursuit en expliquant que :
le port de Gênes est considéré, tout au long du Moyen-Âge, comme le plus important centre marchand pour la vente des produits en provenance de l'Orient. À cette période, le bassin portuaire est en effet en effet, capable de développer un grand trafic grâce à l'importation et à l'exportation de marchandises de la mer vers l'arrière-pays.
Initialement, le transport du sel s'effectuait, principalement par l'ancienne route romaine Postumia, construite en 197 av. par le consul Aulus Postumius Albinuspour relier Gênes à l'Aquileia via Campomorone,
Voltaggio, Gavi, Libarna, Serravalle, Tortona, Voghera et en déviant ensuite vers Pavie, mais la succession de conflits politiques entre entre les Gibelins dePavie et les Guelfes de Plaisance conduisirent ces derniers à la réalisation d'un nouvel itinéraire plus court et plus sûr, qui, partant de Gênes passait le long de la vallée de Bisagno jusqu'au col de Scoffe.
(…)
Le premier sel de mer est arrivé de Gênes vers les territoires au-delà des Alpes dans des sacs rudimentaires emballés avec des peaux d'animaux : un sac de sel équivalait à un sac de grain.
(...)
Pendant des siècles, le transport le long du sentier s'est fait à dos de mulets
(...) les hommes gravissaient les pentes sur des chemins muletiers étroits et obtenaient en contrepartie une partie de la charge comme le prévoit la loi.
(...)cette denrée précieuse arrivait dans le port ligure avec des bateaux des grandes salines de Cagliari, Trapani
Cagliari, Trapani, Rhodes, Tunisie, des Baléares et de la Libye.
Pour cette raison, Gênes, grâce au trafic de marchandises, était sans aucun doute la ville la plus importante
d'où partaient les routes du sel.
Porta Siberia ou Porta Cibaria et la plus ancienne Porta Sottana ou Porta dei Vacca délimitaient les lieux utilisés pour le commerce du sel qui arrivait dans l'ancien port du Mandraccio (...) entre le 16e et le 17e sècle 55...) jusqu'à jusqu'à 44 000 tonnes de sel,
(...)
À Gênes, ainsi que le long des plus routes commerciales les plus importantes qui reliaient la mer à la plaine, il y avait des "voûtes", anciennes zones réservées au commerce et au dépôt de marchandises, caractérisées par des espaces pour l'abri et le ravitaillement des caravanes.
(...)
Lors du transport maritime, le sel était chargé en vrac dans la cale du navire et servait de lest, puis, dans les ports, il était mis en en sachet ou mis en bois. C'était un sel très coloré : rose, rose, jaune, à peine blanc.
L'expédition se faisait surtout en saison, d'avril à septembre ; les navires partaient de Gênes chargés de marchandises destinées aux ports de la Méditerranée : blé, céréales, haricots, vin,pois chiches, châtaignes, bois, lin, chanvre, soie, fromage, noix et autres produits venant des plaines et des collines (...) Le sel
était ainsi chargé sur des galères retournant à à Gênes (...) De là, des mules étaient chargées de sacs de sel et d'autres d'autres marchandises pour entreprendre le voyage(...)
Le choix, de la part ds marchands, d'emprunter une route plutôt qu'une autre dépendait en grande partie de
de l'état des routes, des moyens de transport, de la nature des marchandises transportées, mais surtout de la commodité des droits de douane exigés pour le franchissement des différents États. Les itinéraires
alternatifs ont été suivis par les contrebandiers de sel qui, pour éviter les droits de douane, se déplaçaient
avec des mules sur des routes secondaires peu connues, protégées (...) À côté d'un réseau routier
réseau routier composé de routes officielles officielles, nous avons un système de routes "interdites" sur lesquelles les autorités féodales interdisaient le transport des marchandises.
Pour ce qui concerne le tracé, le site italoamericano-org précise :
La Via del Sale a un riche passé historique qui remonte à l'époque de Charlemagne, mais sa première mention se trouve dans des documents datant de 1207, qui en font l'une des plus anciennes routes du sel de la péninsule italienne, avec plus de 800 ans d'histoire. Elle était également connue sous le nom de Route du Marguareis, du nom de la principale montagne des Alpes ligures qu'elle traverse. Historiquement, sa principale fonction était de transporter le sel de Vintimille à Limone Piemonte, puis à Turin : le besoin d'une telle route est né de la nécessité pour les populations de l'intérieur d'accéder à l'indispensable "or blanc" (le sel) qui abondait le long des régions côtières. Le long du parcours, on s'arrêtait pour changer les quadrupèdes et le conducteur avant de poursuivre jusqu'au Colle di Tenda, l'une des rares routes reliant la plaine à la mer. Pendant la période ducale de la dynastie savoyarde, elle s'appelait Via Marenca, un nom qui indiquait sa route vers la mer. Cependant, cette route n'était pas exclusivement destinée au commerce, car elle avait également une importance administrative et politique. Les travaux d'entretien de la route se sont poursuivis jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, ce qui a permis de préserver cet axe important.
Une autre route est évoquée sur La vallée de la Roya. Bien que concernant cette vallée, l’article nous semble intéressant pour comprendre les échanges marchands :
La route permettant l’acheminement du sel depuis les magasins du cours Saleya à Nice vers Cunéo, Turin et tout le Piémont joue maintenant un rôle essentiel. Dès 1388, les Ducs de Savoie veulent assurer un « débouché maritime aux pays d’Outre-Monts ».
La route du sel va tout d’abord passer par la Vésubie. Il s’agissait d’éviter le Comté de Tende dont les révoltes contre la Maison de Savoie rendaient les routes peu sûres.
Mais en 1581, Charles Emmanuel 1er de Savoie entre en possession de Tende. Dès lors, les premiers travaux sont entrepris pour rendre praticable la route reliant le littoral à Turin, devenue capitale de la Savoie.
D’abord ouverte aux charrettes, on va ensuite s’attaquer aux passages les plus difficiles, tels que les gorges de la Roya à hauteur de Saorge.
A ce propos nous vous laissons aussi consulter De la route du sel à la Voie Royale : Histoire de la vallée de la Roya.
Nous vous laissons aussi parcourir l’étude sur les routes du sel qui atteste de l’importance du port de Nice d’où arrivaient les marchandises.
Différents sites s'intéressent à ce sujet :
Il piemonte e le vie del sale qui reproduit notamment des photographies
ou encore le bref article publié sur Wikipedia, Routes du sel en Italie.
Enfin pour approfondir le sujet, il faudrait vous plonger dans les lectures suivantes :
Il salto dell'acciuga / Nico Orengo, 2003
Le vie del sale / Fabrizio Capecchi
Par ailleurs Jean-Claude Hocquet a souvent écrit sur le sel dont :
Le sel : de l'esclavage à la mondialisation / Jean-Claude Hocquet, 2019 : "Le sel, généreusement dispensé par la nature, a joué un rôle fondamental dans les diverses cultures humaines. Indispensable aux êtres vivants, présent dans chaque foyer, il donne saveur aux aliments, permet de les conserver et joue un rôle biologique important dans l’équilibre d’un organisme. Consommé par tous quotidiennement, on lui accorde également une valeur rituelle et symbolique, voire un pouvoir magique. Produit unique et abondant, il est néanmoins souvent caché, enfoui dans le sol ou bien en dissolution dans la mer. Les hommes ont donc fait preuve, depuis les temps préhistoriques, de beaucoup d’ingéniosité à l’extraire. Comment le sel est-il produit ? Où le trouve-t-on ? Comment s’échange-t-on cette denrée ? Qui en tire le meilleur profit ? En dix chapitres, dix études qui peuvent se lire séparément les unes des autres, le livre répond à ces questions. On découvrira la peine des esclaves et des forçats dans les bagnes du sel, le partage des revenus au détriment des sauniers, la construction d’une saline fortifiée aux portes de la Camargue, les efforts des Suisses longtemps démunis pour faire venir le précieux minéral, l’entrée du sel dans l’économie mondialisée dès la fin du Moyen Âge, les flottes des puissances maritimes du nord de l’Europe qui traversent l’Atlantique à la recherche de ce produit stratégique, l’instauration de la gabelle dans un grand nombre d’États".
Le sel et la fortune de Venise. 1, Production et monopole / Jean-Claude Hocquet, 1978
Commercio e navigazione in Adriatico : porto di Ancona, sale di Pago e marina di Ragusa (XIV-XVII secolo) / Jean-Claude Hocquet,1978.
L'article suivant "Les routes du sel à la frontière franco-savoyarde du nord", Arts et mémoire, ; No 14, déc. 1999, p. 2-8 devrait aussi vous intéresser.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
L'eau de l'une des sources du jura peut-elle venir...
L’outre-mer et la France : histoire d’une “gouvernementalité...