Question d'origine :
L'île de North Sentinel, habitée par le peuple des Sentinelles, est l'une des dernières sociétés sur Terre à vivre complètement isolée du monde extérieur.
que sait-on exactement sur eux ? Leur langue, leur culture, leur habitat...
Pourquoi ne pas installer des systemes discrets pour les étudier ? Comme se fait-il qu'on accepte de les laisser tranquilles alors qu'en des milliers d'années ont avait tout le loisir pour les coloniser, etc.
Réponse du Guichet
Dans l'ensemble, nous n’avons presque aucune information les concernant. Les dernières prises de contact avec ces populations se sont soldées par des échecs. Un contact prolongé avec l'extérieur entrainerait l'extinction presque certaine du peuple des Sentinelles.
Bonjour,
Nous appelons "peuple des Sentinelles", les habitants de l'île North Sentinel, une petite île de 70 kilomètres carrés, située dans l'archipel Andaman à une cinquantaine de kilomètres à vol d'oiseau des îles Andaman et Nicobar. Depuis 1947 et l'indépendance de l'Inde contre l'empire britannique, ce territoire est sous la juridiction de New Delhi.
Depuis le XIXème siècle, la multiplication des contacts avec les populations autochtones de l'archipel (colons et scientifiques occidentaux, pêcheurs et mercenaires, puis touristes) ont conduit à la disparition, ou du moins à une chute drastique de leur démographie, et mené à un effacement progressif de leurs cultures (cf. les Jarawa). L’agressivité avec laquelle les Sentinelles défendent leur territoire semble être la condition sine qua non de leur survie. Toutes les tentatives d'approche avec l'extérieur qu'ils ont connues auraient eu un impact catastrophique sur le groupe. Leurs corps n'ayant pas développé les mêmes anticorps que le reste de la population mondiale, ils peuvent être mortellement sujets à la grippe, la varicelle ou encore à la rougeole.
Dans l'ensemble, nous n’avons presque aucune information les concernant. Aux dernières estimations ils seraient entre 50 et 200, mais la fourchette est large et très difficile à vérifier. Ils se nourrissent grâce à la chasse, la pêche et la cueillette et seraient les descendants des premiers humains venant d'Afrique à avoir colonisé l'Asie du sud est au paléolithique. Le Monde apparenterait leur langue à celles pratiquées par les populations originelles de Tasmanie, Papouasie et Mélanésie.
L'un des principaux problèmes lorsqu'il s'agit d'appréhender l'histoire et la culture du peuple des Sentinelles vient du corpus de sources exploitables, exclusivement exogènes à la tribu. Et il est toujours difficile de faire la distinction entre ce qui relève de la fiction, de la légende ou du fantasme, de ce qui peut réellement être confirmé à leurs égards. L'une des sources les plus célèbres nous provient de l'officier naval britannique Maurice Vidal Portman qui, en 1880, entouré de missionnaires catholiques, tenta d'établir un contact avec les habitants de l'île. Il échoua à les amadouer avec de la marchandise et procéda à la manière forte en capturant des personnes âgées et plusieurs enfants. Les adultes moururent en quelques heures seulement mais les enfants ont été rendus à leurs familles après plusieurs semaines où ils furent soumis à une batterie de tests et photographiés. Ce fil Twitter illustre bien les pratiques de Portman lors de ces expéditions dans l'archipel Andaman. Fiore Longo, directrice de Survival International France, une ONG qui défend les droits des populations autochtones rappelle ceci au sujet de cette expédition :
«Les populations autochtones ont une mémoire collective très forte. Cet événement a pu laisser une empreinte traumatique très forte et se trouver à la racine de leur hostilité au monde extérieur".
On comprend peut être mieux pourquoi les expéditions qui ont suivi se sont presque toutes soldées sur des échecs ou des drames. Qu'ils soient de l'initiative de pêcheurs, parfois même simplement échoués sur l'île, d'anthropologues, ou même une sordide tentative d'évangélisation en 2018 par l'Américain John Chau, qui l'a conduit à la mort. Les derniers contacts se sont tellement mal passés, que pour la protection des populations autochtones, autant que des potentiels curieux, l'Inde interdit à toutes embarcations de s'approcher à moins de 5 kilomètres de l'Ile. Certaines vidéos documentent ces tentatives d'approches, quand d'autres photos rendent compte de leurs réactions après l'approche d'un hélicoptère sur l'Ile, au lendemain du tsunami de 2004 auquel ils ont parfaitement survécu.
Oui à l'aide de son armée, l'Inde pourrait théoriquement récupérer le "contrôle" sur ce territoire qui lui appartient. Mais cela ne se ferait pas sans un désastre humain et un procès médiatique dans lequel s'engouffreraient toutes les organisations de défense des populations autochtones. Quand l'on voit ce qu'il est advenu des autres populations autochtones de l'archipel, et notamment des Grand-Andamanais, parqués dans des camps en préfabriqué par le pouvoir central indien au lendemain de son indépendance, on peut comprendre certaines réticences à reproduire les drames du passé. Le gouvernement indien a en ce sens, notifié qu'il n'avait nullement l'intention d'interférer avec le mode de vie des Sentinelles.
Voici les sources que nous avons utilisées :
Le Monde - Derrière la mort d'un missionnaire, une longue histoire de résistance
A la découverte de l'Ile de North Sentinel, l'un des endroits les plus isolés au monde
Dirtybiology, Ce que vous savez sur cette tribu est faux (vidéo Youtube)
Nous vous conseillons aussi la lecture de ce roman qui a pour cadre l'île de North Sentinel :