Quels étaient les loisirs des paysans aux XVIIe et XVIIIe siècles ?
Question d'origine :
Cher guichet,
Quels étaient les loisirs des paysans aux XVIIe et XVIIIe siècles ? Quelles danses pratiquaient-ils ?
Bien à vous.
Réponse du Guichet
Il n'y avait que peu de loisirs pour les paysans et ceux-ci avaient lieu lors de rituels collectifs, de fêtes patronales.
Bonjour,
Pour les paysans, les loisirs se limitaient aux fêtes et rituels collectifs.
Pierre Goubert dans Les paysans français au XVIIe siècle et Vie quotidienne des paysans français au XVIIe siècle rappelle ce qu'étaient les loisirs des paysans sachant que le dimanche était consacré à la messe et au cabaret. Il revient alors sur les fêtes anciennes :
D'abord toute une série de rites agraires, dont les antécédences au moins romaines semblent difficiles à réfuter. Par exemple les Rogations, rites évidents de fécondité agraire, comme quelques autre : le 25 avril (à la Saint-Marc) dans un premier temps, les trois jours avant l’Ascension, pour le second, des processions à travers champs, avec des reposoirs (ô horreur ! accompagné parfois de buvettes), récitaient des litanies, majeures ou mineurs pour que les blés encore en tiges vertes puissent mûrir (…) ou bien ces processions étonnantes des fontaines ou des statues de fécondité, observée dans mainte province
(…= une autre partie des rites anciens étaient saisonnière ou comme on dit, calendaire (…) les fêtes du solstice, avec l’enfer Jésus d’un côté, les feux de la Saint-Jean de l’autre, mais chacun paganisé avec des bergers et des agneaux d’un côté, des brandons et des sauts de brasier de l’autre, et des veillées assez gourmandes des deux côtés. Les équinoxes étaient bien plus fêtés au printemps
Abordant la question de Mardi gras l’auteur relate que les carnavals ne se trouvaient« à peu près jamais dans les campagnes, où l’on pouvait au mieux se contenter, dans les foyers les moins pauvres, de fêter les « jours gras » avec quelques crêpes ou galettes, arrosées de vin nouveau le cas échéant »
Sur les fêtes patronales, il rapporte :
La véritable fête, c'était tout de même celle du saint patron de la paroisse, la fête « patronale » et on fréquentait volontiers celle des localités voisines. C’était aussi la foire et le marché
(…) le grand souci de l’Eglise post-tridentine, c’était d’éviter que ces fêtes ne tournent à l'orgie, et si possible aient lieu le jour du Seigneur (..) les marchés te les grandes foires du bourg voisin, qui se plaçaient presque toujours « en semaine » et qui rassemblaient un grand concours de peuple, parti très tôt – à pied ou, pour les riches, à cheval – de plusieurs lieues à la ronde. C’était le lieu des ventes, des achats, des marchandages mais aussi (vers la Saint-Michel, 29 septembre, ou la Saint-Martin du 11 novembre) le moment de la « louée » des domestiques et servantes. Beuveries et dans s’achevaient souvent mal
(…)
Souvent, notamment dans les provinces d’Angoumois, de Poitou et alentour, la plupart de ces fêtes étaient organisées par des associations de jeunes célibataires appelées « bacheliers » (…) leur rôle principal est l’organisation d’un certain nombre de fêtes propres à la localité (…) Avec des variantes inévitables, ces fêtes entrent dans les catégories suivantes : fêtes patronales, rites de noces, cérémonies dites « calendaires » de Carnaval (en ville surtout), de la Pentecôte, de la Saint-Jean, de Noël et quelques autres. Les formes revêtent une certaine diversité, parmi lesquelles on peut distinguer les suivantes :
Le banquet de jeunesse, nourriture et surtout boisson, peut avoir lieu soit au cabaret, soit par beau temps dans une prairie désignée pour le festin.
Il peut s’agir d’une remise de bouquets (…) souvent aussi, lors de certaines fêtes, dont quelques-unes ont longtemps survécu (les œufs de Pâques) la quête de certaines denrées ou de quelque monnaie ... qui souvent seront consommées ou dépensées sur le pré ou au cabaret.
(…)
Les plus grands moments des fêtes de bachelleries sont tout de même ceux de la compétition, luttes, lancers ou courses.
Les luttes, on l’a deviné, opposent des bandes de jeunes à d’autres
(…) Moins courantes, plus pittoresques, les cours de bagues, les quintaines, toutes deux exécutées o cheval, afin d’enfiler les premières, ou de briser les sortes de pannés fichés en terre
(…) plus drôles pour nous, sans doute, ls rites consistant à casser les pots (suspendus à des arbres eou des mâts), à coups de bâton et les yeux bandés …
On ne saurait abandonner ces types de joutes sans évoquer la poétique chasse à l’oiseau (le roitelet, le roybry, surtout vendéen), au son de la célèbre chanson de l’ »Alouette, gentille alouette » … et moins encore ce rite poitevin qu’on appelle « fesser le mouton » .. Ce sont les dernières mariées du printemps qui, le dernier samedi d’avril, doivent essayer de faire absorber du pain et du vin au pauvre animal, le faire virer trois fois autour d’un tonneau, afin qu’ensuite les garçons les plus vigoureux le mettent sur leur dos et le fassent tourner trois fois autour de leur tête, ce qui requiert naturellement une certaine vigueur.
En dehors de ces rites curieux (..) existait pour la jeunesse des course et des jeux qui semblent à l’origine de distractions dites sportives beaucoup plus récentes : le lancer de la soule, énorme et lourd ballon qui doit accomplir un certain trajet ; les jeux de pelote et d e paume, où l’on reconnaitra les origines du tennis (…) les quilles, les boules et la « crosse »
(…) Les curés réformés de la fin du siècle se méfiaient beaucoup des fêtes dites « pâtronales » ( le saint patron de l’église en principe) parce que l’élément païen y succédait très vite au chrétien. Point de fêtes sans marchand « forain », plus ou moins fantaisiste, sans cabaret annexant la prairie voisine, sans violoneux grimpés sur un tonneau, et l’affreux bal générateur de tous les péchés.
(…) si l'on se fie aux sources habituelles, à l’historien, et non à ce discours clérical (…) le mariage constituait vraiment la plus grande fête dans la vie d’une famille paysanne au moins moyenne (pour les pauvres, on sait mal). Célébré le lundi ou le mardi, souvent après le meurtre du cochon, c’était une unique occasion de bâfrer, qui pouvait se prolonger le lendemain et qui, dans les payas viticoles .. ; s’accompagnait de la mise en perce d’un tonneau ou deux de vin de l’année dont la fermentation était alors achevé.
L’auteur note qu’il y avait peu de loisirs, de grandes fêtes y compris dans le cadre de baptême ou de funéraille et précise :
Sans compter qu’il n’y avait de fête que pour ceux qui pouvaient l’assumer ou la financer. C’est dire que la moitié du petit peuple, mariage, fête patronale ou quelque « mai » à part, n’avait guère d’occasion de réjouissance et moins encore de ripaille.
En complément, nous vous suggérons les lectures suivantes :
Loisirs et travail, du Moyen Age à nos jours / Bénigno Cacérès, 1973.
Les chrétiens et la danse dans la France moderne : XVIe-XVIIIe siècle / Marianne Ruel, 2006.
Complément(s) de réponse
Bonjour,
Pour compléter notre première réponse, nous reprenons un passage de l'ouvrage Loisirs et travail, du Moyen Age à nos jours de Bénigno Cacérès qui lui aussi montre que les loisirs étaient limités et les paysans soumis à la famine. Il écrit ainsi
Comme au Moyen-Age, et cela restera vrai jusqu'à la révolution française, et même au-delà, les paysans de la Renaissance ont toujours les mêmes loisirs. C'est dans l'Eglise et autour de l'église que se déroulent les principales fêtes, puisque l'Eglise seule décide des jours chômés et organise la plupart des réjouissances. Les paysans ont aussi d'autres loisirs étroitement liés au travail professionnel qu'ils exécutent en commun. Vendanges, moissons, cueillettes donnent lieu à des jeux, à des moments de détente après les durs efforts. Pendant les veillées, hommes, femmes et enfants accomplissent ensemble de menus travaux, participent à des jeux ou écoutent des récits. Les célébrations religieuses, et particulièrement a Nativité, donnent lieu à des récis précis.
(...) Le Roy Ladurie, dans Paysans de Languedoc, nous montre un autre aspect plus tragique de la vie paysanne au temps de la renaissance : les atroces famines qu'ils subissent ...
Les ouvrages sur l'histoire de la danse, possédés par la bibliothèque municipale de Lyon, s'intéressent aux danses aristocratiques et non aux danses paysannes.