Le palais de Bondy est-il décoré des premières notes de la Marseillaise ?
Question d'origine :
Bonjour,
sur la façade EST du palais de Bondy quai de Saône, il y a des notes de musique qui parait il sont les premières notes de la Marseillaise, ou est ce que je peut trouver la source de cette information.
Merci
Bonne semaine
cordialement
Jean Paul
Réponse du Guichet
Ce sont bien les premières notes de la Marseillaise qui figurent sur le bas relief de la façade Est du palais de Bondy.
Tout d'abord, veuillez nous excuser pour le retard avec lequel nous répondons à votre question.
Pour vous répondre, nous avons comparé les notes de musique qui figurent sur le bas relief dont une image est disponible sur Numelyo, avec la partition de La Marseillaise composé par Rouget de Lisle trouvée sur Gallica : Rouget de Lisle, Claude Joseph (1760-1836). Compositeur. La
Marseillaise, chant national français de Rouget de L'Isle.Transcription de Langevin. 1909
Ce sont bien les mêmes notes que celles qui composent les premières mesures de La Marseillaise
Malgré nos recherches, nous ne sommes pas parvenus à en savoir plus sur cet élément de décor sculpté par Thomas Lamothe (ou Lamotte) dont vous trouverez un portrait dans les collections numérisées de la bibliothèque de l'INHA.
Un article de l'exposition en ligne "Airs du temps : Édouard Herriot et la vie musicale à Lyon (1905-1952) nous en apprend davantage sur ce bâtiment :
De l’enseignement musical au Conservatoire de Lyon
C’est en effet par une délibération en date du 29 novembre 1899 que le Conseil municipal de Lyon approuvait un avant-projet de construction, dans le quartier Saint-Paul, d’un édifice destiné à recevoir une salle d’expositions et de concerts, ainsi que le Conservatoire de musique. Les terrains occupant la place de l’ancienne Douane, choisis pour l’emplacement de cet édifice, furent déblayés ; les maisons occupant les numéros 18 à 20 du quai de Bondy furent détruites. Vers la fin mai 1902, les terrains étaient remis à l’architecte-adjoint de la Ville, Eugène Huguet (1863-1914). La construction, telle que conçue par ce dernier, couvrait une superficie d’environ 1700 mètres carrés, soit 40 mètres de façade sur le quai et 45 mètres de façade latérale, avec un édifice se divisant en deux parties distinctes : l’une sur le quai, de beaucoup la plus importante, comprenant, outre des sous-sols, un rez-de-chaussée avec salle de concert d’environ 900 places et un premier étage où devaient être aménagées des salles d’exposition ; l’autre, sur la rue de l’Angile, comprenant le Conservatoire, avec ses trois étages, dont un rez-de-chaussée comportant le cabinet du directeur, les services administratifs, une bibliothèque et la loge du gardien, lui-même surmonté par deux étages aménagés en salles d’études. La façade principale sur le quai, qui comporte deux portes d’entrée et cinq grandes baies éclairant les spacieux vestibules du rez-de-chaussée, fut richement décorée par le sculpteur Thomas Lamothe. Cette décoration devait se poursuivre sur la façade en retour de l’actuelle rue Louis-Carrand où l’on avait prévu l’emplacement destiné à recevoir un motif sculpté rappelant le passage de Molière à Lyon. Un bas-relief que l’on attend toujours !...
Le nouveau bâtiment ne fut pas cependant exempt de reproches. On en regrettait ainsi la surélévation sur le quai ou bien encore la double ouverture, alors qu’il aurait été si commode de lui donner une seule entrée centrale. Plus encore c’est sa décoration qui focalisa les nombreuses critiques, ou plutôt son absence de décoration… "Lyon, Cité de l’inachevé !", notait en son temps Édouard Aynard et, à sa suite, le journaliste Jules Coste-Labaume. Une critique qui selon eux caractérisait un grand nombre de monuments construits à Lyon à la fin du XIXe siècle. Dans un article qui fit grand bruit, le rédacteur en chef du Lyon républicain se faisait ainsi l’écho en décembre 1907 de l’opinion des Lyonnais concernant le nouveau Conservatoire que l’on venait d’(in)achever quelques années plus tôt.
En 1904, un emplacement avait en effet été réservé à gauche de l’escalier d’entrée du nouveau Conservatoire de musique, sur la façade latérale et à l’angle sud du bâtiment donnant sur la rue Louis-Carrand. Cet emplacement, comportant une pierre d’attente non encore dégrossie, devait recevoir un haut-relief décoratif destiné à rappeler le souvenir du séjour que Molière fit à Lyon pour la première représentation de son Etourdi (1655), et dont le théâtre - la salle du Jeu-de-Paume -, établissement que la tradition plaçait rue de l’Angile, dans une maison démolie en 1861 à l’angle de la rue de Flandres, était précisément situé non loin de là, dans le quartier Saint-Paul.
Une maquette composée par le sculpteur Jean Ploquin, professeur à l’Ecole des Beaux-Arts de Lyon, comportant un médaillon en bronze à l’effigie de Molière couronné par une Renommée ailée assise sur un lion, avait même été exécutée à cet effet. Le projet fut adopté par la municipalité lyonnaise. Il restait à trouver les fonds nécessaires à son exécution. Dans ce but, un comité ayant à sa tête le professeur Alexandre Lacassagne, assisté des érudits lyonnais Auguste Bleton et Félix Desvernay, se constitua en mars 1906 afin de recueillir environ 12.000 francs, dont une partie était déjà acquise sur le produit de la vente de la répétition générale payante d’Armide qui fut donné au Grand-Théâtre le 12 novembre 1904. Les 5.000 francs récoltés lors de cette représentation - le théâtre étant alors en régie sous la direction de Leimistin Broussan (1858-1958) - furent versés, comme toutes les recettes, dans la caisse municipale... pour ne plus en ressortir.
Puis vint la guerre. Le projet passa aux oubliettes, mais continua d’alimenter les chroniques jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée. À défaut d’un buste, Molière aura une salle ! En décembre 1921, à l’occasion des commémorations nationales du tricentenaire de Molière qui devaient se tenir à Lyon le mois suivant, le journaliste lyonnais Jean Camelin concluait ainsi cette triste histoire : "Tous les Lyonnais ont remarqué sur l’une des façades du Conservatoire (celle qui donne rue Carrand, et à gauche de l’escalier d’entrée), une surface de quelques mètres carrés dont la pierre n’est pas travaillée, et qui est là, sur ce mur, comme une tache rugueuse qui semble ne devoir jamais s’effacer. De mauvais plaisants prétendent que c’est un symbole de l’inachevé, et qu’en regardant bien, on le retrouverait un peu partout, sur de nombreux monuments de notre ville [...] M. Herriot a fait ce qu’il a pu. Son geste a au moins le mérite d’être économique et de ne pas grever le budget : la salle du Conservatoire s’appellera désormais salle Molière !".
Dès 1904, les travaux du Palais du quai de Bondy étaient quasiment achevés, exception faite de la salle de concert. Au mois de février, les galeries du nouveau bâtiment pouvaient ainsi abriter l’exposition annuelle de la Société lyonnaise des Beaux-Arts jusqu’alors installée, suivant les années, dans des baraquements en planches sur la place Bellecour ou sur le quai de la Charité (actuel quai Gailleton). Quant au conservatoire proprement dit, la première rentrée des classes s’effectua en octobre 1904. Consacré à l’enseignement gratuit de la musique vocale et instrumentale, à la déclamation lyrique et dramatique, l’établissement de la rue de l’Angile fut inauguré en grande pompe le 13 novembre 1904 par le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts Joseph Chaumié. Après l’hypothèse d’une nomination du compositeur Guy Ropatz (1864-1955), c’est finalement un autre compositeur, Augustin Savard (1861-1942), ancien élève de Massenet et Grand Prix de Rome (1886), qui prit la succession d’Aimé Gros à la direction de l’institution municipale, poste qu’il occupera pendant dix-neuf ans, de janvier 1902 à juin 1921. C’est à ce dernier que revint la tâche d’organiser le bâtiment du quai de Bondy.
Enfin, la salle de concert que l’on n’appelait pas encore salle Molière fut inaugurée bien plus tard, le 31 mars 1912. On en loua immédiatement l’élégance, le confort indiscutable et la parfaite acoustique à tel point que certains la nommèrent "la bonbonnière". Quelques mois plus tôt, Édouard Herriot avait largement milité au sein du Conseil municipal pour que s’y tienne un cours public et gratuit d’histoire de la musique : "II ne faut pas laisser croire que le travailleur est une bête de somme et qu’il a rempli sa fonction lorsqu’il a travaillé, mangé et dormi. Tout homme a droit à tous les avantages sociaux. Les cours d’histoire de la musique, que nous voulons instituer, ne sont pas destinés aux bourgeois, lesquels iront ailleurs, à Paris, par exemple, satisfaire leurs besoins artistiques. L’ouvrier, lui, ne peut en faire autant... Il demande néanmoins à être instruit des choses de l’art. Il le désire plus profondément qu’on ne se l’imagine, car c’est par l’éducation esthétique que s’accentuera son évolution..."
Pour en savoir plus :
Le Palais de Bondy. Patrimoine-Lyon
Bonne journée,