Question d'origine :
Y a-t-il un art de dire le nombre ? Pour une même quantité on trouve plusieurs graphies (XIV), unités (carat, année-lumière), précisions (3,14), présentations (%), ordres (8h45 ou 9h moins 1/4). Quel le sens de ce foisonnement au travers de l'histoire, des pays, des cultures, des sciences,...?
Réponse du Guichet

Oui, d’une certaine manière il existe une forme d’art pour dire le nombre. Ce foisonnement est le fruit des activités humaines, des diversités culturelles, et de l’émergence des différentes disciplines scientifiques. Cette diversité reflète la richesse et la complexité auxquelles les hommes ont dû faire preuve pour traiter et représenter les quantités.
Bonjour,
Il existe bien un art de dire le nombre issu de l’histoire humaine et de sa volonté à conceptualiser les quantités et les mesures afin de faciliter les échanges. Les différentes façons d'écrire ou de représenter les nombres et les calculs résultent de diverses conventions, systèmes numériques et système culturels établies au fil des siècles.
Tout d’abord, revenons sur un concept de base: «Le nombre n’a pas le même sens lorsqu’il dénombre et lorsqu’il mesure. Il y a un nombre comptable et un nombre métrique qui renvoie à des concepts différents. Le nombre comptable est structuré par la numération, tandis que le nombre métrique organise les structures numériques des systèmes de métrologiques, ce que déjà Aristote distinguait sous les concepts de nombre nombrant et de nombre nombré.» Histoire Universelle de la mesure.
Ainsi, votre interrogation concerne ces deux concepts qui sont vastes et complexes. En effet, toutes les civilisations ont eu leur propre numération et leur propre système métrologique. Compter et mesurer ont toujours été des activités voisines. C’est pourquoi notre réponse n’apportera que peu d’éléments de réponses.
Pour répondre à votre interrogation, il est nécessaire de comprendre la naissance des systèmes de numération qui en plus d’être un événement lointain, et un événement qui a la particularité d’avoir pris naissance à plusieurs endroits. C’est pourquoi, une multitude d’appellations et de graphies ont émergé selon les contextes d’utilisations et les civilisations.
Tout débuta par cette volonté des humains de compter les objets qui l’entouraient. A l’aide d’outils (cailloux, doigts, bâtonnets, entaille dans un os…), il se mit à compter. Mais rencontra rapidement un problème: comment représenter des nombres élevés? De ce constat, l’écriture des nombre devint vite une nécessité. De nombreux systèmes de numération virent ainsi le jour: le système de numération additionnel (égyptien, grecs, romains, arménien…), hybride (chinois, japonais), et positionnel (babylonien). «Parmi les différentes cultures humaines, de nombreux systèmes de numération traditionnels reposent sur les nombres 5, 10 ou 20. Cela peut s'expliquer par le fait que dans beaucoup de cultures on utilise le comptage sur les 5 doigts de la main, sur les 10 doigts des deux mains ou les 20 doigts des mains et orteils des pieds.» Wikipédia
Par exemple, durant l’Antiquité, les Romains utilisaient un système de numération de type additif de base 10 (les chiffres romains: I, IV, X…). Cette écriture a subsisté jusqu’au Moyen-âge, avec néanmoins quelques variantes. Avec l’extension romaine, ce système fut utilisé dans une grande partie de l’Europe. Son influence fut telle qu’aujourd’hui encore, il nous arrive de l’employer dans la pagination et dans les cadrans d’horloge. L’utilisation de cette graphie, durant la Rome Antique, provenant de la simplicité des caractères et sa capacité à représenter avec seulement sept symboles différentes valeurs. De plus, cette graphie concise convenait parfaitement pour les inscriptions sur les monuments et autres supports où l’espace demeurait limité. La naissance des mathématiques fit apparemment naître les chiffres indo-arabes qui permettaient de représenter les chiffres de manière simple, concise et facilement adaptable aux pratiques. Par la suite, les notations mathématiques, telles que les symboles et les conventions, ont évolué pour représenter efficacement les opérations et les relations entre les nombres.
Il a fallu beaucoup de temps à l’Homme pour qu’il puisse exprimer efficacement les nombres, de façon orale ou écrite. Plusieurs systèmes ont coexisté dans l’histoire et l’homme a rencontré de nombreux obstacles pour parvenir au système de numération que nous connaissons aujourd’hui et que l’on peut considérer comme universel : le système de numération positionnel.
Au fil de l'histoire, les systèmes numériques et les notations ont évolué en réponse aux besoins sociaux, économiques et scientifiques. Les différentes graphies que nous utilisons aujourd'hui ont souvent des racines historiques et culturelles distinctes. C'est pourquoi, toutes les graphies, unités, précisions, présentations ou ordres sont issues des pratiques humaines qui ont créé différents symboles et unités de mesure pour pouvoir communiquer et échanger sur les mêmes sujets. Il nous est impossible de remonter historiquement dans chaque discipline pour comprendre pourquoi les civilisations ont fait le choix de telles ou telles symboles. Cette question relève autant de l'histoire des sciences, des civilisations, du commerce que de l'écriture.
Voici toutefois une bibliographie qui vous apportera des éclaircissements sur l’évolution du nombre et de ses représentations à travers l’histoire :
Les trois écritures : langue, nombre, code / Clarisse Herrenschmidt
De la mesure de toutes choses / Fabrice BoudJaaba
Histoire universelle de la mesure : logique des systèmes prémétriques / Franck Jedrzejewski
Histoire des nombres / Grégory Chambon
Bonne découverte !