Quelles vont être les évolutions pour les agriculteurs suite à la grève actuelle ?
Question d'origine :
Bonjour
Pourriez-vous nous décrypter quelles vont être les évolutions pour les agriculteurs suite à la grève actuelle ?
Merci d'avance pour votre aide
Anna
Réponse du Guichet
Pour répondre à la crise agricole, le gouvernement a annoncées le 1er février 2024 plusieurs mesures destinées à calmer la colère des agriculteurs, mobilisés depuis deux semaines dans toute la France. Estimant avoir été « entendus sur un certain nombre de points », les syndicats agricoles FNSEA et Jeunes Agriculteurs ont appelé à la « suspension des blocages » routiers.
Bonjour,
Depuis fin novembre, les syndicats des Jeunes Agriculteurs et la FNSEA (voir cet article : Agriculteurs en colère : qui sont les principaux syndicats agricoles ?) réclament une «respiration normative» : «Nos moyens de production sont régulièrement amputés avec des interdictions de produits phytosanitaires qui laissent les agriculteurs sans solution, les normes d’élevage deviennent de plus en plus contraignantes […] sans parler des accords de libre-échange que l’Union européenne est prête à ratifier», listait à l’automne Hervé Lapie, le secrétaire général de la FNSEA.
Le 24 janvier, la FNSEA et le syndicat des Jeunes agriculteurs avaient fait parvenir au gouvernement leur feuille de route, intitulée «Retrouver une liberté d’entreprendre» comprenant trois revendications prioritaires : dignité dans l’exercice des métiers agricoles ; juste rémunération ; conditions d’exercice acceptables de ces métiers. La demande est particulièrement forte sur l'assouplissement de la règlementation environnementale (sur les pesticides, l’eau, les jachères et les contrôles conduits par l’Office français de la biodiversité) et le soutient de l’élevage. Ces revendications vont cependant à l’encontre des mesures qui permettraient de lutter contre le réchauffement et l’érosion de la biodiversité, comme le rappelle le tout récent rapport du Haut Conseil pour le climat paru le 25 janvier.
Le 1er février 2024, à six mois des élections européennes et quelques semaines de l’ouverture du Salon de l’agriculture, et alors que le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau devait présenter cette semaine son projet de loi sur l’installation de nouveaux paysans, le Premier ministre ainsi que les ministres de l’Économie, de l’Agriculture et de la Transition écologique ont présenté leurs mesures pour répondre à la mobilisation.
Pour protéger les agriculteurs, le gouvernement souhaite « renforcer la loi Egalim » et « lutter contre la concurrence déloyale » exercée par certains agriculteurs étrangers.
Que prévoit la « loi Egalim » ?: elle comprend en réalité trois textes, adoptés entre 2018 et 2023. L’un de leurs objectifs est d’améliorer les revenus des agriculteurs. Pour y parvenir, ces textes régulent les négociations entre les enseignes de la grande distribution, ou plus souvent leurs centrales d’achat, et les industriels fabriquant les produits. La loi Egalim 2 leur interdit par exemple de négocier le prix de la matière agricole contenue dans un produit, garantissant ainsi le revenu des agriculteurs. Cependant, dans un contexte de forte inflation, certains industriels et distributeurs ne respectent pas la loi, selon les syndicats agricoles. Ils dénoncent aussi l’essor des centrales d’achat européennes, issues d’alliances entre distributeurs français et étrangers, qui sont situées hors de France, ce qui leur permet de contourner les lois Egalim. « Nous ferons des contrôles aussi bien sur les industriels que sur les chaînes de supermarchés », a prévenu aujourd’hui le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire (lire : Que sont les accords de libre-échange au cœur de la crise agricole ?).
Clauses de sauvegarde sur les importations (limitation des importations de céréales ukrainiennes).
Le plan Ecophyto mis « en pause » qui vise à réduire l’usage des pesticides
Arrêt de l’importation de fruits et légumes traités avec le pesticide thiaclopride
Pour « lutter contre la concurrence déloyale », Gabriel Attal a défendu la mise en place de « vraies mesures miroirs », une revendication forte des agriculteurs. Une mesure miroir impose aux partenaires commerciaux de l’UE de se conformer à ses normes sanitaires, sociales ou environnementales. Par exemple, l’UE a adopté en 2023 une mesure miroir lui permettant de prohiber, à partir de 2026, l’importation sur son sol de produits contenant certains néonicotinoïdes, une catégorie d’insecticides interdite en Europe depuis 2018, a expliqué à Brief.me Mathilde Dupré, codirectrice du cercle de réflexion Institut Veblen. Les clauses miroirs sur l’ensemble des produits auraient pour conséquence de vider les « étals des supermarchés ». (Source Brief.me)
Inscrire la souveraineté alimentaire dans la loi
150 millions d’euros pour les éleveurs: aides d’urgence, aux fermes de Bretagne touchées par la récente tempête Ciaran, aux éleveurs bovins frappés par la maladie hémorragique épizootique (MHE) et aux exploitations bio en difficultés — une première enveloppe de 50 millions d’euros est prévue pour ces dernières.
remise de la TICPE (la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) sera appliquée directement sur la facture pour permettre aux exploitants de ne plus avoir à avancer les frais.
Dérogation aux règles sur les prairies
Relèvement des seuils d’exonération sur les successions agricoles
Remboursement partiel de la taxe sur le gazole
De son côté, l’UE, très fortement interpellée notamment à travers le programme de la PAC, fait une concession au mouvement agricole :
La Commission européenne propose de déroger à l’obligation de jachère, critiquée par plusieurs syndicats agricoles.
La politique de la jachère voulue par la Commission européenne vise à préserver la biodiversité.
Lexique pour mieux comprendre les termes du débat :
Reste que les annonces de l’exécutif ne répondent pas au problème structurel des bas revenus en agriculture, et régressent sur l’environnement. Par exemple, les nouvelles mesures vont avoir un impact sur la gestion de l'eau. C'est particulièrement la mise en pause du plan Ecophyto et de la lutte contre les pesticides qui inquiète les représentants des collectivités locales car en effet les captages d’eau potable risquent la pollution par des produits phytosanitaires.
Quelques ressources pour aller plus loin :
Agriculteurs en crise : une sélection de films, séries, docus et livres pour mieux les comprendre
Les émissions de Public Sénat sur le sujet
Bonne journée,
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