Quelles sources sur la ligne claire en bande dessinée ?
Question d'origine :
Bonjour,
Je suis étudiante et j'ai besoin de document au sujet de la ligne claire en Bande Dessinée.
Avez-vous des documents à me conseiller?
Merci


Réponse du Guichet

La ligne claire reste indissociablement liée à Hergé et plus particulièrement à son œuvre phare : Tintin. Véritable langage graphique, elle se caractérise par une exigence d’épure et de lisibilité appliquée au dessin, personnages et décors inclus, mais aussi au scénario.
Bonjour,
Pour rappel, l’expression "ligne claire" voit le jour, en 1977, à la faveur d’une exposition à Rotterdam, la "Klare lijn". Le dessinateur hollandais, Joost Swarte, à qui l’on doit cette formule passée à la postérité, en livre une définition technique plutôt claire: "une manière de dessiner qui implique les principes suivants: les surfaces sont délimitées par une ligne d’épaisseur constante, avec des contours francs, mises en couleurs par aplats, sans ombrages ni hachures" (Le Temps). On pourrait donc synthétiser la ligne claire comme une recherche d’épure et de lisibilité.
Hergé déclarait à ce sujet : "On essaie d’éliminer ce qui est graphiquement accessoire, de styliser le plus possible, de choisir la ligne qui est la plus éclairante".
Et de préciser son propos, à partir de l’évolution d’une planche non retenue dans la version finale de Tintin et les Picaros (voir pièces jointes1 et 2) :
« Je vais prendre un calque de tous ces crayonnés. Cela signifie que parmi tous ces traits qui s’entremêlent, se superposent, se dédoublent, s’entrecroisent, se recoupent, je vais choisir celui qui me paraît- le meilleur, celui qui me paraît à la fois le plus souple et le plus expressif, le plus clair aussi et le plus simple, celui qui exprime au maximum le mouvement, et cela tout en essayant de conserver toute la spontanéité, la fraîcheur, le jaillissement du premier jet, même si le premier jet a exigé un long travail.» (le Musée imaginaire de Tintin).
Il est important de noter également que cette recherche de la lisibilité ne s’applique pas uniquement au dessin des personnages et des décors mais aussi à la narration. C’est quasiment un état d’esprit ! Vous avez dit dogmatique ? Hergé n’hésite pas à reconnaître qu’il élabore un scénario le plus simple possible. « Pour moi, il doit tenir en dix lignes ». Une recherche de l’efficacité qui vient se nicher dans les détails les plus infimes. Il raconte ainsi:
"Le lecteur doit pouvoir suivre aisément la narration. Il y a notamment une règle absolue: dans nos pays, on lit de gauche à droite […] Quand je montre un personnage qui court, il va généralement de gauche à droite, en vertu de cette règle simple; et puis, cela correspond à une habitude de l’œil, qui suit le mouvement et qui l’accentue: de gauche à droite, la vitesse paraît plus grande que de droite à gauche."(Tintin et moi : entretiens avec Hergé / Numa Sadoul)
Hergé est vraiment celui qui a imprimé la quintessence de la ligne claire et la richesse des publications réflexives sur son œuvre explique sa place centrale dans notre réponse. Mais, il ne saurait faire oublier les "Autres" tenants de la ligne claire, inspirations et héritiers supposés.
Le théoricien de la BD, Thierry Groensteen, a rédigé une notice particulièrement éclairante sur le sujet dans le dictionnaire, "Le bouquin de la bande dessinée". Dans l’œuvre d’Hergé, selon lui, nous pouvons ainsi trouver des réminiscences du pionnier Rodolphe Töpffer ou encore de la Famille Illico de George MacManus, inspiration avouée du Maître, dont il admirait surtout les nez (!) "Ah ! Les nez de Geo MacManus !... Je trouvais ces petits nez ronds ou ovales tellement gais que je les utilisais, sans aucun scrupule !" .(Tintin et moi : entretiens avec Hergé / Numa Sadoul)
Et, que dire du Tintin-Lutin de Benjamin Rabier, au début du 20ème siècle (voir ci-dessous) ? On n'est pas obligés de croire Hergé lorsqu'il concède lui avoir seulement emprunté ses dessins d’animaux pour Tintin au pays des Soviets !
Nous citerons également le compagnon de toujours, Edgar P. Jacobs, auteur de Blake et Mortimer ou encore Jacques Martin auteur d’Alix.
Parmi les héritiers supposés, Groensteen recense Ted Benoit, Chris Ware, Yves Chaland ou encore Joost Swarte, bien sûr, dont il remarque de façon pertinente les emprunts au mouvement artistique De Stijl.
Pour être tout à fait complet, nous vous indiquons également les ouvrages suivants :
- Hergé ou le secret de l'image : essai sur l'univers graphique de Tintin / Pierre Fresnault-Deruelle
- Les années Caran d'Ache, catalogue d'exposition au Musée de la Bande dessinée d'Angoulême
- Les héritiers d'Hergé / Bruno Lecigne
- Qu'est ce que la bande dessinée aujourd'hui ?
- Les 100 plus belles plaches de la bande dessinée / Vincent Bernière
- L'âge d'or de la bande dessinée belge : collection du musée des Beaux-Arts de Liège
- 100 cases de maîtres / Thierry Groensteen
Nous vous souhaitons une bonne continuation dans vos recherches.