Quel lien y'a t-il entre cet immeuble lyonnais et les grilles monumentales attenantes ?
Question d'origine :
Bonjou chers bibliothécaires !
Existe-t-il un lien entre la construction de l'hôtel immeuble par Monsieur Bourjaillat ainé au 1, boulevard du Nord, devenu boulevard des Belges et les grilles monumentale installées à la même époque juste un peu après l hôtel ?
J'avais lu dans un document que je ne retrouve plus qu'il avait été décidé de construire des grilles monumentales, suite à l'imposant édifice qui venait de se bâtir, serait-ce vrai ?
ci joint deux photos, un article de Lyon People consacré au Bld des Belges et une note de feu Mme Bertin
Bien à vous ,
EH
ci-joint une note de Mme Bertin de 2014
1 boulevard des Belges (Boulevard du Nord)
Les références citées concernent les documents conservés aux Archives municipales de Lyon
- 344 WP 004 PCA 19020272 : 1902, Permis de construire.
- 922 WP 012 3
plan masse de l’ensemble de l’hôtel particulier du 23 juin 1900 :
ce plan concerne les deux parcelles dont celle non construite qui fait l’angle avec le boulevard des Belges
plan détaillé n°1
avec l’ensemble des distributions intérieures
Plan détaillé n°2
Tracé de la rotonde donnant sur le parc
- 485 WP 007 : Clôture du Parc de la Tête d’or, 1898-1906
dans cette liasse qui concerne les grilles, il y a le dessin de la grille et du portillon du1 bd des Belges.
Ce sont les seuls documents d’archives que j’ai trouvés ; il n’y a pas d’élévation et je suppose qu’ils sont restés soit dans les archives de l’architecte Delorme soit auprès du commanditaire.
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Pour avoir la plupart des dates des constructions, il n’y a que deux permis de construire en 1902 pour le secteur sud-ouest ; celui du n° 1 (qui est le premier déposé) et celui des constructions à l’angle du boulevard et de la rue Duquesne (côté pair) ; la grande période des réalisations se situe entre 1906 et 1913/14. Donc c’était assez « aventureux » mais aussi judicieux de se lancer dans la construction d’un bâtiment aussi prestigieux, puisque la bourgeoisie des affaires s’était installée ou s’installait de préférence, rue Duquesne, avenue Foch (secteur de la Rédemption), voire le long du quai, rues Ney-Crillon-Tronchet.
Pourquoi ?
En fait le Parc et le secteur au sud ne bénéficiaient pas d’une très bonne renommée le soir venu ; il n’avait pas de clôture (vols, rixes...).
Le boulevard du Nord a été construit sur le tracé des anciennes fortifications qui avaient été déclassées en 1884 ; les tractations ont été très longues entre l’État et la Ville, puisque le premier plan parcellaire n’est dessiné qu’en 1898 (2S 245 b). Entre temps, il y a eu le remblaiement des fossés, l’assainissement car il y avait les eaux stagnantes des anciens fossés, ...
Quelques constructions sont réalisées dans la partie sud-est (au contact des rues Ney-Tronchet-Sully.....) avant 1900 : aujourd’hui elles sont détruites et remplacées par des immeubles des années 20 et 30 ).
Autre problème majeur : l’éloignement de ce secteur de la ville active. D’où le projet de créer une ligne de tramway en 1899 (485 WP 3) au moment où la Ville souhaite valoriser ce quartier, et y voir l’éclosion de « villas » dans l’esprit de celles qui longent le Parc Monceau. À cette même date est ouvert le 1er concours pour les grilles de l’ensemble du Parc (485 WP 7) ; un avant-projet avait été rendu en 1896 mais non réalisé.
Un 2ème concours est ouvert en 1900 pour la Porte des Légionnaires avec l’aménagement de la place (485 WP 7) ; en 1901, il est remporté par Charles Meysson qui vient de terminer ses études à Paris : c’est un inconnu à Lyon ; il sera plus tard architecte en chef de la Ville.
En 1901 : pour valoriser le Parc et les terrains qui le bordent au sud, l’ingénieur de la voirie dessine un projet « d’allée à voiture » longeant les terrains à lotir et une piste cavalière. À cette date, il est également indiqué que toutes les constructions futures auront un accès particulier au Parc, mais devront avoir les mêmes grilles de clôture.
Donc votre arrière arrière-grand-père devait suivre de très près l’actualité des tractations en cours, lorsqu’il s’est adressé à Delorme en 1900 !
Par ailleurs, dans les registres des hypothèques (mutations de propriétés) aux archives départementales, j’avais constaté que les terrains étaient vendus à des prix très modiques, lorsque le projet de créer le boulevard du Nord a vu le jour (Série P ; mais je n’ai pas pris de note particulière concernant l’emplacement du futur n°1).
Toutes les constructions côté Parc (partie ouest) ont des écuries plus ou moins importantes en raison des attelages et de la possibilité d’utiliser la piste cavalière.
Le n°1 est le seul édifice aussi imposant côté Parc et aussi raffiné ; les sculptures en façade ont été publiées dans le Livre de modèles de Raguenet qui faisait part de l’actualité dans le domaine de l’architecture en France (cf. documents ).
Pour les décors de la montée d’escalier je ne connais pas le nom du décorateur, mais il me semble qu’il doit s’agit de Flachat et Cochet ; il y a des similitudes avec des décors que j’ai vus dans le quartier de la Préfecture.
Réponse du Guichet
Nos recherches complémentaires dans divers documents sur l’édification des grilles monumentales du Parc de la Tête d’Or concomitante à la construction des riches demeures du Boulevard des Belges qui longent le parc côté impair ne nous permettent pas d’établir le lien que vous recherchez avec l’hôtel immeuble construit au n°1 du boulevard des Belges en 1902. Aussi, nous vous conseillons de vous adresser à la Société académique d’architecture de Lyon qui détient des fonds d’architectes (Série B) ; également à des architectes historiens tels que Philippe Dufieux ou des consultants Patrimoine Architecture tels que Pierre Jourdan. Enfin, poursuivez vos recherches dans la presse lyonnaise (1790-1944) de l'époque numérisée et accessible sur Numelyo (la bibliothèque numérique de Lyon), notamment La Construction lyonnaise (1879-1914).
Vous nous avez transmis les résultats de recherches effectuées aux Archives municipales et départementales avec des références des séries consultées (AML 485 WP 3, 922 WP 12) qui sont effectivement les sources primaires à interroger dans votre recherche; elles sont également mentionnées dans nombre d’ouvrages sur l’urbanisation de ce secteur Nord de Lyon fin 19e-début 20e.
D’autre part, vous citez également les notes de l’historienne Dominique Bertin dont nous avons consulté l’ouvrage «Silhouettes d’une ville recomposée. Architecture et urbanisme 1789-1914, Lyon, Éditions lyonnaises d’art et d’histoire, 2008» ; de la même façon l’historien Gérard Corneloup qui a participé au numéro spécial du magazine Lyon People que vous référencez, pour son dossier consacré aux belles demeures du Boulevard des Belges (juin 2010) est également un des spécialistes à citer et à consulter sur ce sujet, notamment avec son article sur le « Parc de la Tête d’Or » dans le Dictionnaire historique de Lyon (p. 959-963).
Voici les informations importantes que nous avons relevées dans ces 2 ouvrages ci-dessus mentionnés:
L’article «Du boulevard du Nord à la gare des Brotteaux» (p.141-151) rappelle les aménagements sur ce boulevard qui longe la parc de la Tête d’or avec le concours pour les grilles du Parc remporté par Meysson dont la réalisation sera effective en 1903, le dépôt des premiers permis de construire à partir de 1899 et 1900 qui concernent deux constructions en bordure du parc à proximité de l’entrée principale: l’hôtel particulier de l’industriel Simon et l’année suivante celui de M. Bourjaillat qui s’adresse à l’architecte Delorme pour la réalisation d’une construction monumentale couplant la fonction d’immeuble à appartements et d’hôtel urbain. Terminée en 1902, elle domine l’entrée principale.
Toutes les propriétés en bordure du parc ont un atout majeur puisqu’elles bénéficient d’un accès direct privé et permanent ouvrant sur l’allée cavalière du parc, ce qui les différencient de leurs voisines sur le côté sud du boulevard. A la veille de la première guerre mondiale, tout l’ensemble du boulevard est réalisé.
P. 146: plusieurs photographies de l’immeuble-hôtel 1900-1901 au 1, bd des Belges 6e par Barthélemy Delorme
- Gérard Corneloup, « Parc de la Tête d’Or », Dictionnaire historique de Lyon, Lyon, Bachès, 2010, p. 959-963.
Dans cet article, on retrouve en page 960 la nécessité de clôturer entièrement le parc suite aux nombreux vols de plantes et trafics de marchandises visant à éviter l’octroi. Après plusieurs tentatives de clôture pas assez haute, solide et qui sera détruite en partie par les habitants, dès novembre 1898 sera élevée une grille haute continue qui sera ponctuée plus tard de trois portes. Meysson dessinera la porte monumentale en bordure du Rhône avec une porte en ferronnerie dorée (1900-1902, restaurée en 1952, inscrite en 1982 à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques).
Nous vous rapportons également l’article sur le boulevard des Belges rédigé dans Lyon 6e, histoire, architecture, patrimoine [Livre] par Philippe Dufieux, Romain Billard, 2018
p.72: Le boulevard des Belges
A l’issue du déclassement des fortifications en 1884, de la destruction des forts et du remblaiement des fossés d’enceinte, un vaste espace de près de 167 hec est libéré entre le parc de la Tête d’Or et le boulevard du Nord. Le long des 2 entrées du parc, pas moins de 27 parcelles sont offertes au lotissement. Toutefois, ce ne sera qu’au début des années 1890 que les premières constructions voient le jour; les parcelles offrant une mitoyenneté avec le parc côté impair étant prisées. L’idée était de créer un ensemble résidentiel, composé de villas, hôtels et de maisons bourgeoises sur le modèle du parc Monceau à Paris selon un accord passé en 1895 entre l’Etat et la ville de Lyon qui détermine la typologie du bâti, des résidence ne devant pas dépasser 3 étages et la liaison avec le Parc (double façade, accès au parc…). Ce lotissement de prestige va donner une plus-value aux terrains proches des Hospices. En 1903, la pose des somptueuses grilles dessinées par Charles Meysson à l’entrée principale du parc donne le ton au nouveau quartier en l’inscrivant dans cette filiation prestigieuse. Ce n’est qu’en 1899 que les premières constructions voient le jour: villas, hôtels particuliers et châteaux s’élèvent côté impair tandis que le côté pair voit la construction d’immeubles de rapport. La création de ce boulevard planté à proximité immédiate du premier grand parc de la ville attire les fortunes récentes de l’industrie et de la banque qui entendent investir dans les parcelles récemment mises en vente par la «Société des Villas», formée en vue du lotissement des ilots dégagés sur l’ancienne emprise militaire. Parmi les premiers acquéreurs figure le fabricant de la lotion capillaire Pétrole Hahn, François Vibert qui achète en 1901 le futur n°15 pour y bâtir une maison-hotêl achevée en 1908. On peut également citer au n°45 l’hôtel particulier du docteur Condamin réalisé par l’architecte Georges Bouilhères. Le seul immeuble élevé côté impair est le n°1. Première réalisation achevée en 1902 par Barthélémy Delorme, architecte du lycée Edouard Herriot commandée par un certain Bourjaillat membre du Cercle du commerce, qui comporte de vastes écuries et un jardin.
Ainsi comme vous le voyez, nous n’avons pas trouvé de documents dans les ressources documentaires dont nous disposons à la bibliothèque qui nous permettraient de confirmer de façon certaine la conclusion que nous pouvons lire en page 20 du Lyon People de juin 2020 : «Obéissant au fameux précepte de la hauteur maximale, maisons, villas et chalets s’élèvent et embellissent. Il est vrai que chaque parcelle en bordure du parc – dont elle doit être séparée par une grille obligatoirement dessinée par l’architecte de la Ville Charles Meysson – possède une entrée privée sur ce dernier». Cet article est pourtant signé par Gérard Corneloup.
Nous espérons que d’autres sources et contacts vous permettront de trouver la confirmation que vous recherchez.