Que signifient ces devises des étendards du grade maçonnique chevalier kadosch ?
Question d'origine :
Au rite ancien et primitif de memphis misraïm, quelle est la signification hermétique de "Dieu le Veut" et "Vaincre ou mourir", devises portées sur les étendards au grade de chevalier kadosch ?
Réponse du Guichet
Ces devises ont été héritées de l'ordre des chevaliers des Templiers. Elles signifient donc la lutte de ceux-ci contre les vices et l'injustice comme "Dieu le veut".
Bonjour,
Votre question questionne les décors du chevalier Kadosch ou chevalier de l’Aigle Blanc et noir qui corresponds au 30ème degré du Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA). (Pour plus de précisions, voir ici cette ancienne question du Guichet sur sa définition).
En effet, le rite ancien et primitif de Memphis-Misraïm fut fondé à la fin du XIXème siècle. Il réunit deux rites anciens en un seul, le rite de Memphis et celui de Misraïm. Il s’agit d’un rite très minoritaire dans la maçonnerie mondiale et dont nous disposons donc que peu de littérature pour éclairer nos lanternes... Nous savons toutefois qu’au XXème siècle le rite fut réformé plusieurs fois mais sa spécificité réside toujours actuellement dans le nombre de grades qu’il possède. On compte alors en tout une échelle de 99 degrés. Les loges de hauts grades, du 4ème au 33ème degré, ont pris comme modèle l’échelle des grades du REAA si ce n’est quelques variantes pour les dénominations des grades et pour les ateliers. Tous les grades ne sont officiellement pas ritualisés et initiés en pratique mais le 30ème degré qui nous intéresse ici l’est. Il reprend le même rituel que celui du REAA bien qu’il soit un rituel très varié selon les lieux et époques.
Selon le REAA, le 30ème degré qui corresponds au chevalier Kadosch fait partie des grades dits « philosophiques » (du 19ème au 30ème degré) qui résulte de la loge dite des Aéropages.
Pour les décors, les chevaliers kadosch ne portent pas de tablier. De même, les gants sont noirs mais très souvent il n’en porte pas (voir cette précédente question du Guichet). Le cordon est un large ruban noir au liseré argent sur lequel est brodé une croix teutonique en rouge, deux épées en croix et les lettres C.K.S qui sont une abréviation de « chevalier kadosch ». Il est porté de gauche à droite. Les chevaliers kadosch portent un bijou qui représente soit une croix teutonique soit un aigle à deux têtes, ailes déployées, portant une couronne d’or et tenant un poignard dans ses serres. Le chevalier possède également pendant le rituel un glaive qu’il tient levé dans sa main gauche tandis que son autre main est posée sur son cœur les doigts écartés.
La loge correspondant à ce grade est constituée de 4 appartements dont le dernier est décoré en rouge le plus souvent. Il possède un trône derrière lequel on retrouve les étendards de l’ordre et qui nous intéressent ici. Il y a donc un étendard au fond blanc avec deux bandes croisées vertes et dont la devise « Dieu le veut » est brodée en argent. De l’autre côté un étendard au fond vert avec une croix teutonique rouge brodée d’un côté et un aigle noir à deux têtes tenant un poignard de l’autre. En argent est brodée la devise « Vaincre ou mourir ».
Mais que signifient ces devises ?
Le rituel du chevalier kadosch prend source dans la tradition de l’Ordre des chevaliers des Templiers. Le chevalier kadosch est censé être un successeur des Templiers et en ce sens commémorer cet ordre illustre des vertus. Il est également supposé être un vengeur des persécutions subies à l’encontre des Templiers par Philippe le Bel et le pape Clément V et ce notamment à l'encontre du dernier chevalier de l’ordre, Jacques de Molay. Le rôle du grade est donc décrit comme celui d’un protecteur de la vertu et des opprimés dont la mission est de combattre tous vices, toute injustice et oppression.
L’historien et spécialiste de la franc-maçonnerie Paul Naudon dans Histoire, rituels et tuileur des hauts grades maçonniques nous éclaire à ce propos :
« Le Commandeur fait au récipiendaire un long discours sur l’histoire des Templiers, les griefs de Philippe le Bel à leur encontre, l’élection du pape Clément V, les conditions que le Roi obtint de lui, les persécutions dont furent victimes les Templiers, en particulier le Grand Maître Jacques de Molay. Comme le nombre de ceux qui avaient échappé était très petit, ajoute le récit, ils cherchèrent à renouveler et à augmenter leur Ordre en y admettant des personnes qui, par leurs qualités et leur conduite, seraient dignes d’être initiées à leurs importants secrets. Ils choisirent parmi les vertueux maçons ceux qui étaient dignes des maîtres que Salomon avaient distingués et favorisés après la construction du Temple, connaissant la candeur et l’intrépidité qu’ils avaient montrées dans les plus grands dangers avec sagesse, union, charité, amitié, impartialité, fermeté, discrétion et zèle. Ils pensèrent ne pouvoir mieux faire que de s’unir à ces Maçons, leurs pères, leurs protecteurs et leurs soutiens, et ils demandèrent à être admis dans leur société et initiés à leurs mystères. »
La devise « Dieu le veut » (en latin Deus vult) est donc un cri de guerre associé aux Templiers et qui fut utilisé par les croisés dès 1095 et la première croisade comme cri de mobilisation et de ralliement. Il signifie donc le combat voulu par Dieu des chrétiens d’Orient dans la guerre contre les Turcs seldjoukides.
Quant à la devise « Vaincre ou mourir » (en latin Vincere aut Mori), c’est également une devise associée aux Templiers. Elle met en lumière leur combat et appartient au même champ lexical guerrier. Le chevalier des Templiers doit vaincre ses ennemis, les vices et l’injustice jusqu’à la mort. Dans le cadre du rite maçonnique, on peut l’interpréter symboliquement d’une manière similaire.
Dans le rituel en vigueur en France en 1875, lorsque l’on demande au chevalier kadosch son essence même, il répond ainsi :
« Pour combattre par tous les moyens et sans trêve ni repos toute injustice ou toute oppression ».
Dans le rituel maçonnique français moderne, lorsque la même question est posée, la réponse exigée est :
« Le Kadosch qui a franchi les portes de la Mort et est entré dans le sanctuaire de la Vie, doit combattre toutes les tyrannies, tous les abus, toutes les ignorances; il est le soldat toujours debout de la Pensée libre, de la Justice et du Droit. »
Pour vous renseigner d'avantage sur le thème de l'Ordre du Temple et du chevalier Kadosch nous vous conseillons quelques titres :
- Dictionnaire de la franc-maçonnerie sous la direction de Daniel Ligou, 2006.
- Histoire, rituels et tuileurs des hauts grades maçonnique : le rite écossais ancien et accepté de Paul Naudon, 1978.
- Le Manuel maçonnique ou Tuileur de tous les rites de maçonnerie pratiqués en France de Claude André Vuillaume, 1820.
- Les Templiers de Régine Pernoud, 2018.
- Jacques de Molay : le dernier grand-maître des Templiers de Philippe Josserand, 2019.
- La persécution des Templiers : journal, 1307-1314 d'Alain Demurger, 2015.
En vous souhaitant d'agréables lectures ! :)