Question d'origine :
MUSIQUE COMPRESSÉE
Je suis abonnée à une plateforme de musique en ligne : applemusic. Cette musique est elle compressée ? Quels sont les effets sur le corps et le psychisme ? Comment écouter de la musique non compressée ?
merci
Réponse du Guichet
Concernant la compression de données audio, Apple Music utilise deux formats compressés, l'AAC et le Lossless, d'une qualité sonore variable. Toutefois, la compression du son recouvre une autre réalité, celle d'un mixage "aplati", qui pourrait bien être cause de fatigue auditive, lorsque l'écoute est trop prolongée.
Bonjour,
Tout d'abord, notons que le mot "compression" est ambigu. On distingue en effet :
- la compression de données audio, définie par Wikipédia comme "une forme de compression de données qui a pour but de réduire la taille d'un flux audio numérique en vue d'une transmission (contraintes de largeur de bande et de débit) ou d'un stockage (contrainte d'espace de stockage)." Le but est d'économiser des données, et les formats de type MP3 sont destinés à cette usage ;
- et la compression audio, un "traitement du son destiné à réduire la dynamique du signal", c'est-à-dire à atténuer la différence entre les sons les plus forts et les plus faibles d'un document sonore - par exemple le mixage d'une chanson - afin que chaque instrument soit plus aisément distinct. C'est bien ce que nous dit Futura-sciences, selon laquelle la compression audio "Consiste à conserver le volume sonore dans les limites audibles en abaissant les sons les plus forts, tout en augmentant les plus faibles, selon le niveau de compression défini. En gros, il s'agit de limiter les différences de volume d'une chanson."
C'est celle-ci qui est suspectée d'avoir des répercussions sur notre santé. Voici ce qu'en dit l'article de FranceInfo Audition : les dégâts du son compressé mis en évidence par une étude réalisée sur des cochons d'Inde :
Un ”son compressé" est un son numérique qui a été "tassé" électroniquement pour faire remonter les niveaux sonores les plus faibles, afin que ce soit plus audible.
Le son de franceinfo est légèrement compressé. Tout comme la grande majorité des musiques et des sons que l’on écoute sur internet, en DVD ou en visioconférence quand on télétravaille.Ce format s’est généralisé car le son compressé a l’avantage de se placer au-dessus des bruits d’ambiance, ce qui permet d'avoir un plus grand confort d'écoute. Mais visiblement la compression du son n’a pas que des avantages. L'inconvénient, c'est que les oreilles reçoivent une énergie sonore plus forte et avec moins de nuances qu'avec un son classique, explique Christian Hugonnet, ingénieur acousticien et président de la Semaine du son [...].
Des chercheurs de l'Inserm et de la faculté de médecine de Clermont-Ferrand ont donc voulu savoir si ces sons compressés représentaient un danger pour les oreilles. Pour cela, ils ont donc fait écouter de la musique pendant plusieurs heures à 90 cochons d’Inde, car ils ont un système auditif proche du nôtre. Certains cobayes avaient droit à de la musique compressée et d’autres à de la musique en format original. Ils ont écouté de la pop, du classique ou encore de l'électro, il y en avait pour tous les goûts.
le système auditif n’a plus de répit
Ces cobayes ont ensuite eu droit à un examen ORL. Bonne nouvelle : aucun n'avait perdu en audition. Mais les cochons d’Inde ayant écouté de la musique compressée ont subi une fatigue auditive pendant plus de 48 heures. Les muscles protecteurs situés à l’intérieur de leurs oreilles étaient fragilisés.
Le son compressé ne contient plus aucun silence, explique le Pr Paul Avan qui a dirigé les recherches. Il n'y a même plus les quelques millisecondes de blanc, qu’on peut trouver dans un son non compressé, ou modérément compressé, donc le système auditif n’a plus de répit, il est comme asphyxié. Certains médecins font un rapprochement entre l'augmentation de certains troubles auditifs chez les jeunes et l’écoute de ces sons, mais si cette fatigue auditive est démontrée chez l'animal, elle reste encore à prouver chez l'homme.Quelles sont les solutions de prévention, puisque les sons compressés sont déjà partout ? Un comité scientifique est sur le point d'être créé pour voir s’il est possible, à l'avenir, de labelliser des sons moins compressés et garantis "sans danger" : ils contiendraient les quelques millisecondes de silence nécessaires pour laisser les oreilles "respirer".
A notre connaissance, cette étude, dont de nombreux médias se sont fait l'écho, reste pionnière. Il n'est donc pour l'instant pas prouvé que la musique compressée représente des risques sur la santé humaine. Toutefois, un article de Sciences et avenir nous avertit : la fatigue auditive n'est pas sans conséquences.
Les oreilles ne se reposent jamais. Même la nuit, lorsqu’une personne dort, ses oreilles continuent d’interpréter les sons et de les transmettre au cerveau. Mais elles peuvent se fatiguer. La fatigue auditive est un mécanisme de protection. Après une stimulation forte de plusieurs minutes, les cellules ciliées se placent au repos. Sans cela, un trop fort stimulus peut briser les cils des cellules à cause de l’intensité de mécanique de la vibration. Durant cette phase de protection, l’audition est provisoirement moins bonne, mais après du repos (ou du silence), les cellules auditives peuvent de nouveau agir normalement. Mais si l’écoute est plus longue ou plus forte, elles peuvent être endommagées de manière irréversible et créer une perte auditive définitive.
Danger pointé par l'Institut national de recherche et de sécurité au travail (INRS), qui prévient qu'" Aujourd’hui, on ne sait pas soigner la surdité. L'appareillage par des prothèses auditives se contente d'amplifier les sons reçus par l’utilisateur, il n’améliore pas la fonction auditive dans son ensemble".
Interrogé par Essentiel santé magazine, le professeur Avan, directeur de l'étude citée plus haut, explique le mécanisme de la fatigue auditive et prévient que la musique n'est pas la seule concernée : le son des logiciels de télétravail, le mixage des publicités TV et radio... nous baignons dans un environnement sonore trop compressé pour notre physiologie, dit encore le magazine canadien La Presse :
« L’oreille est soumise à un niveau sonore qui ne désemplit jamais, poursuit Christian Hugonnet. Aujourd’hui, c’est plus facile d’écouter un son compressé, parce que finalement, l’oreille n’a plus à travailler. À la longue, ça crée une accoutumance et on a de plus en plus de difficulté à entendre des sons de plus faible niveau, comme le bruit des pas ou d’une feuille qui tombe. »
Cette paresse auditive entraîne toutes sortes de problèmes de fatigue et de surdité, mais aussi de sifflement et d’acouphène.
« L’acouphène est lié à la surcompression, croit Christian Hugonnet, mais il peut être lié à un traumatisme sonore, qui touche particulièrement les musiciens et les gens de l’industrie musicale. Aujourd’hui, on estime que 60 % des musiciens ont des acouphènes, c’est-à-dire qu’ils ont des sifflements permanents dans les oreilles. Ce sont les neurones qui sont agressés en permanence et qui fournissent à leur tour un bruit intérieur permanent. »
L’audiologiste Sylvie Auger confirme ce phénomène. La présidente et fondatrice de la Clinique du Centre-Ouest a mis sur pied une clinique pour musiciens afin de répondre à la demande des patients issus du monde musical – musiciens, chanteurs et mélomanes. Et les cas surviennent chez des gens de plus en plus jeunes, souligne-t-elle.
Concernant les répercussions psychiques des troubles auditifs, Ameli prévient :
Le bruit peut constituer une gêne, un facteur de stress dans la mesure où il est chronique, imprévisible et incontrôlable.
La gêne liée au bruit est aussi associée à l'insatisfaction du cadre de vie ou du travail.
Le bruit peut entrainer une irritabilité, une anxiété, une agressivité, voire une dépression.
Le bruit gêne la compréhension de la lecture, de la parole, ainsi que la mémorisation, la concentration et l’attention. Il gêne la communication.
Par conséquent, le bruit diminue la qualité des apprentissages scolaires et détériore la performance des travailleurs dans les tâches cognitives, surtout lorsqu'elles sollicitent la mémoire à court terme. 45 à 55 dB est un niveau sonore acceptable pour un travail nécessitant une attention soutenue.
Concernant Apple music, on parle en revanche de compression de données audio. Le principal reproche qui lui est fait n'est pas la perte de capacités auditives mais la perte de qualité sonore dans l'écoute musicale. Selon Que choisir, la plupart des plateformes de streaming sont concernées : "Les plateformes de streaming vantent toutes un son de « haute qualité » ou de « qualité CD ». En réalité, la qualité sonore varie d’un opérateur à l’autre. En général, elles proposent de la musique compressée en MP3, le standard le plus répandu (Spotify opte pour le format Ogg Vorbis et Apple pour l’AAC)."
En 2021, Apple s'est lancée dans le "Lossless", une technologie censée assurée une écoute sans déperdition sonore... selon un article du Monde cependant, la différence avec l'AAC, l'ancien format proposé n'est pas évidente. De plus, nombre d'appareils ne peuvent pas le lire et le Bluetooth ne lui est pas compatible.
Comment écouter donc une musique non compressée ? Tout d'abord, en revenant à des supports analogiques comme le vinyle :
S’il s’en est vendu plus d’un million en Angleterre en 2014, ce n’est pas seulement pour le charme du grésillement sur le microsillon. Ce format, qui affiche des ventes à la hausse, est le meilleur de ces trois supports, car il n’est pas échantillonné : la musique y est stockée de façon spatiale, et non numérique, ce qui donne au vinyle une subtilité que le CD et le MP3 n’ont pas. Grâce à la précision des microsillons, l’onde sonore est reproduite fidèlement, jusqu’à restituer parfois l’acoustique du lieu d’enregistrement (si l’ingénieur du son est bon). Si l’on excepte un certain grésillement et une relative tendance à se dégrader à long terme, il propose la meilleure qualité d’écoute disponible aujourd’hui.
La musique live, notamment les concerts classiques, vous permettront de jouir d'un son dénué de tout traitement numérique...
Voici ce que nous pouvons en dire. Toutefois, rappelons que nous sommes des bibliothécaires généralistes. En cas d'inquiétude à propos de votre audition, nous vous recommandons de vous adresser à un-e otorhinolaryngologiste après avis de votre médecin traitant, comme le préconise Ameli.
Bonne journée.