Comment fonctionnait la Sécurité publique pour les corps de police urbains de Vichy ?
Question d'origine :
Bonjour,
Sous l'état Français de Vichy, le corps de police était divisé en 3 section, et je me questionne sur le fonctionnement et les missions de la section de sécurité publique pour corps de police urbain.
Plus précisément, qu'est-ce qui les différencie des autres corps de police de cette époque, avaitent-ils des signes distinctifs?
Y a-t-il des différences ou similitudes avec les GMR créés peu après?
Merci beaucoup
Réponse du Guichet
La sécurité publique pour les corps de police urbains réalise des missions urbaines de maintien de l'ordre, de surveillance des populations et de traque des opposants politiques. Leurs effectifs portent l'uniforme contrairement aux sections du Renseignement général ou les services de sécurité missionnés en civil. Ils appartiennent à la même direction que les GRM avant leur autonomisation en 1943. Ils se distinguent par leur tenue et leur participation appuyée à des opérations d'épuration et de rafles avec les SS et la Gestapo.
Bonjour,
Par la promulgation de la loi du 23 avril 1941 le régime de Vichy a restructuré la police française et réorganisé son mode de fonctionnement. Cette loi enclenche ce que les historiens appellent un "processus d'étatisation" de la police qui la place désormais sous la coupole de l’État et ce, au détriment des maires, dans toutes villes de plus de 10 000 habitants. Désormais ce sont les préfets régionaux et les intendants de police qui reçoivent le pouvoir de mettre en action la Police. Au niveau national elle est chapeautée par la Direction générale de la police nationale.
La Police se divise alors en 3 Directions qui se partagent les 3 grandes catégories de services actifs : La police judiciaire (ou police de sureté à partir de 1942), les Renseignements généraux et la sécurité publique pour les corps de police urbains, plus communément appelée Sécurité publique, qui regroupait les commissariats, les gardiens des polices municipales étatisées et les Groupes mobiles de réserves (GMR - instaurés par décret le 7 juillet 1941) avant que leur direction ne prenne son autonomie en 1943.
Source : Les policiers français sous l'Occupation de Jean-Marc Berlière (p. 28 - 29).
Les ramifications de la police vichyste sont toutefois amenées à se complexifier. Ce schéma permet de mieux appréhender la nouvelle structuration de la Police et particulièrement la place des corps urbains de sécurité publique dans l'échelle hiérarchique :
Source : Police des temps noirs - Jean-Marc Berlière - Chapitre Polices régionales d’État (PRE) (p 929 - 959).
Au sein de cette répartition des pouvoirs de police, l'un des attributs qui distingue les Corps urbains des RG ou des Services de sureté est le port de l'uniforme. Voici comment Jean-Marc Berlière décrit leurs missions et leurs modes de fonctionnement :
Ils assurent, sous les ordres de commissaires de police, commandants des gardiens de la paix et officiers de paix, les services normaux et quotidiens pour le maintien de la tranquillité et de la sécurité publiques. Ils sont répartis en brigades de 12 hommes elles-mêmes regroupées en compagnies. (...)
Source : Police des temps noirs - Jean-Marc Berlière - Chapitre Polices régionales d’État (PRE) (p 929 - 959)
En somme cette section était chargée de maintenir l'ordre public dans les zones urbaines. Son fonctionnement et ses missions étaient principalement axés sur le maintien de l'ordre, la surveillance des populations, la répression de toute forme d'opposition au régime et la lutte contre les activités des résistants. Mais faisant face à des manques d'effectifs, les Corps urbains de sécurité publique sont souvent appuyés par le soutien des GMR. Une sous section spécialisée appelée Brigades centrales de sécurité urbaine (BCU) est aussi constituée pour combler certaines carences :
Ces CU sont renforcés par les GMR. Ceux-ci ne devraient normalement intervenir que dans des cas exceptionnels, mais le manque d’effectifs des CU entraîne souvent l’emploi régulier des GMR à des tâches qui ne sont pas les leurs.
En 1943, Bousquet et la DGPN ont mis au point un projet de création, dans les Corps urbains de police des grandes agglomérations de ZO, de « Sections urbaines de réserve » (SUR), également désignées sous l’appellation de « Brigades centrales de sécurité urbaine » (BCU), qui participeraient au service normal mais seraient destinées à renforcer ou pallier l’action des GMR et à compenser les demandes des autorités allemandes, qui exigent que soient affectés d’importants effectifs de police à la garde et à la protection de leurs locaux.
Source : Police des temps noirs - Jean-Marc Berlière - Chapitre Polices régionales d’État (PRE) (p 929 - 959).
Il existe donc un lien ténu entre les Corps urbains et les GRM qui sont particulièrement liés par la nature de leurs missions. Mais les GRM acquièrent en 1943 une autonomie plus grande à la demande des Allemands :
Force mobile dédiée au maintien de l’ordre en renfort des Corps urbains de Sécurité publique, substitut de la Gendarmerie républicaine mobile qui jouait ce rôle avant guerre, les Groupes mobiles de réserve (GMR) sont donc une force civile, mais à l’organisation, la tenue, la hiérarchie et la discipline toutes militaires, qu’exalte et rappelle leur devise « Ordre, tenue, discipline » (...)
Deux ans plus tard, Bousquet réalise l’autonomie des GMR, qui disposeront de leur propre direction nationale à Vichy : la loi du 17 avril 1943 crée, à l’échelon central, une Direction des Groupes mobiles de réserve dont le directeur, le colonel Labarthe, joue un rôle comparable à celui d’une direction d’arme du ministère de la Guerre. (...) Le nombre de GMR varie dans chaque région selon l’importance de la population et ses réactions possibles liées à l’histoire sociale, au tissu industriel, à sa composition sociologique (...)
Leur vocation primitive de maintien de l’ordre apparaît clairement avec les localisations de leurs cantonnements, tous urbains, dans ou à proximité immédiate de grandes agglomérations, ou encore près de nœuds ferroviaires d’où ils pourront être rapidement transportés par fer vers les lieux d’intervention. (...)
À partir de l’été 1943, les GMR disposent, au même titre que la Police de Sûreté, les Renseignements généraux et la Sécurité publique, de leur propre direction au sein de la Police nationale. Cette création, pour laquelle Bousquet a sollicité dès février 1943 l’indispensable agrément d’Oberg, est justifiée par les autorités de Vichy par la différence des missions entre Corps urbains de police et GMR jusqu’alors réunis dans une même Direction de la Sécurité publique.
Source : Police des temps noirs - Jean Marc Berlière - Chapitre Groupe mobiles de réserve (GMR) (p 514 à 546)*
Ils sont tristement célèbres pour de nombreuses opérations "d'épuration" et de rafles conjointes avec les forces SS, comme à Marseille en janvier 1943 :
C’est ainsi que plusieurs GMR participent, aux côtés du régiment SSPolizei Griese (Orpo), de soldats de la 328e division d’infanterie de la Wehrmacht, de 3 régiments de la Garde, de policiers et de gendarmes, aux rafles et « opérations spéciales de police » décidées par Himmler contre la « sous-ville » de Marseille et ses « masses criminelles » précédant la destruction du Vieux-Port, puis au transfèrement des 1 642 « prisonniers de cette ville » dont 745 Juifs (parmi lesquels 570 Français) à Compiègn
Source : Police des temps noirs - Jean Marc Berlière - Chapitre Groupe mobiles de réserve (GMR) (p 514 à 546)*
Ils portent aussi un uniforme différent de celui des Corps urbains :
La tenue de ville et de travail était constituée d’un uniforme noir avec, au milieu du bras gauche, une tête de lion rugissant, le n° de la région en chiffres romains, le n° du groupe en chiffres arabes, l’insigne réglementaire de police métallique à droite et l’insigne du groupe sur la poche de poitrine droite. L’uniforme comprenait une culotte de cheval, des brodequins avec leggins ou des bottes, un ceinturon et baudrier en cuir, l’arme individuelle dans son étui. Le couvre-chef consistait selon les circonstances en un béret incliné à gauche, un képi ou un casque. La silhouette générale (uniforme noir, bottes ou leggins, casquette plate, culotte de cheval « forme Saumur », manteau de drap noir) évoquait irrésistiblement celle des SS. Officiers et commandants étaient dotés de manteaux de cuir ou de drap avec le grade sur la poitrine, et d’une chemise bleue et d’une cravate noire.
Source : Police des temps noirs - Jean Marc Berlière - Chapitre Groupe mobiles de réserve (GMR) (p 514 à 546)*
*Nous avons utilisé une pagination large car nous nous sommes référés au livre numérique, disponible par abonnement sur la plateforme Cairn, puisque l'exemplaire physique de la bibliothèque a été emprunté.
Bonne journée,