La lumière peut-elle être créatrice de matière ?

SCIENCES ET TECHNIQUES

Publiée par :

jpd

Le 22/03/2024 à 10h27 365 vues

Question d'origine :

la lumière peut elle être créatrice de matière ?

Réponse du Guichet

Sciences1 - Département : Sciences et Techniques

Le 26/03/2024 à 10h24

Oui, la lumière peut être créatrice de matière. Selon la célèbre équation d’Einstein E=mc², des collisions de photons (particules de lumière) peuvent créer de la matière sous forme d’électrons et de positrons, leur opposé en antimatière. Toutefois, ce phénomène prédit depuis longtemps et difficile à démontrer en physique des particules.

Bonjour,

En théorie, il est possible de créer de la matière à partir de lumière. Les physicien Breit et Wheeler l'ont prédit en 1934 selon la célèbre équation d'Einstein E=mc² qui décrit l'énergie et la matière comme deux entités équivalentes. Si l'annihilation matière-antimatière survient fréquemment, l'opération inverse, c'est à dire la matérialisation n'a jamais été observée. Ainsi, théoriquement, des collisions de photons peuvent créer de la matière sous forme d'électrons et de positrons, leur opposé en antimatière (processus Breit-Wheeler.)

Toutefois, en 2014, des chercheurs britanniques de l'Imperial College London ont annoncé avoir trouvé le moyen de parvenir à démontrer cette théorie, dans un article paru dans la revue Nature du 18 mai 2014.

Selon nos recherches, il n'y a qu'en 2021, qu'une équipe de physiciens a revendiqué la première observation directe du processus Breit-Wheeler. Toutefois, comme le stipule l'article annonçant cette découverte, l'importance de la détection dépend de la définition du mot "réel". "Certains physiciens affirment que les photons ne sont pas considérés comme réels [...] "

Prédit il y a plus de 80 ans, le processus de Breit-Wheeler n’avait jamais été directement observé, bien que les scientifiques aient observé des processus connexes, tels que ladiffusion de la lumière hors de la lumière(SN : 14/08/17). De nouvelles mesures de l’expérience STAR du collisionneur d’ions lourds relativistes du Brookhaven National Laboratorycorrespondent aux prédictionsde la transformation insaisissable, rapportent le physicien de Brookhaven Daniel Brandenburg et ses collègues dans Physical Review Letters du30 juillet.
« L’idée que l’on puisse créer de la matière à partir de la lumière qui s’écrase est un concept intéressant », explique Brandenburg. C’est une démonstration frappante de la physique immortalisée dans l’équation d’Einstein E=mc2, qui a révélé que l’énergie et la masse sont les deux faces d’une même médaille.
La validité de l’observation dépend de la question de savoir si les photons sont considérés comme « réels », comme l’exige le processus Breit-Wheeler, ou comme « virtuels ». En physique des particules, les particules virtuelles sont celles qui n’apparaissent que pendant de brefs instants et qui n’ont pas leur masse normale.
Les photons d’une source de lumière banale, comme une ampoule ou un laser, sont réels, les physiciens s’accordent à dire. Mais la bonne foi des photons de Brandenburg et de ses collègues est sujette à débat. C’est parce que la lumière que l’équipe entre en collision provient d’une source inhabituelle.
Dans le collisionneur d’ions lourds relativistes, les noyaux atomiques se déplacent à une vitesse proche de celle de la lumière avant de se percuter. Ces noyaux rapides sont entourés de champs électromagnétiques, et ces champs sont associés à des photons. Normalement, ces photons provenant des champs électromagnétiques sont virtuels. Mais dans l’expérience, les photons agissent comme s’ils étaient réels en raison des vitesses élevées auxquelles les deux noyaux se déplacent.
La nouvelle preuve du processus de Breit-Wheeler provient de collisions où les noyaux se sont manqués de justesse. Dans ces cas, les champs électromagnétiques des deux noyaux se chevauchent et deux photons de ces champs peuvent entrer en collision. Les chercheurs ont donc recherché des quasi-accidents qui provoquent la création d'un électron et d'un positron. [...]
Pour étayer l’hypothèse selon laquelle les particules provenaient de photons réels, les chercheurs ont étudié les angles entre ces particules, qui diffèrent selon que les photons réels ou virtuels sont entrés en collision. Les angles correspondaient aux attentes pour les photons réels, ce qui suggère que l’équipe avait vu le processus légitime de Breit-Wheeler.
Pourtant, «strictement parlant», dit le physicien des particules Lucian Harland-Lang de l’Université d’Oxford, l’expérience est «en quelque sorte à un pas de distance» du véritable processus de Breit-Wheeler. Bien que les photons se comportent presque comme s’ils étaient réels, ils sont techniquement virtuels.
Brandenburg et ses collègues adoptent un point de vue différent, semblable à une version physique du test classique du canard : s’il marche comme un canard et qu’il cancanecomme un canard, alors c’est probablement un canard. Si la réalité d’un photon est basée uniquement sur la façon dont il se comporte, alors il s’agirait de photons réels.
Et les mesures des scientifiques le confirment, explique Stuart Mangles, physicien du plasma laser de l’Imperial College de Londres, qui n’a pas participé à la nouvelle étude : « Tout ce qu’ils mesurent à ce sujet le fait ressembler à un vrai photon. » Cependant, Mangles note que les photons sont toujours virtuels selon certaines définitions : contrairement aux photons normaux, qui n’ont pas de masse, ces photons ont une masse.
Une façon d’esquiver les questions épineuses sur la définition de la réalité serait de réaliser cette expérience avec des photons indiscutablement réels. Mangles et d’autres travaillent à la détection du processus Breit-Wheeler avec des lasers, qui produisent une lumière aussi réelle que la lumière qui vous permet de lire cet article. Les physiciens espèrent que cela permettra de convaincre la lumière qui fait entrer en collision la matière.