Que sait-on de la mesure d'une perpendiculaire à la méridienne de l'observatoire de Paris?
Question d'origine :
Bonjour,
J'ai une question à propos de travaux de géomètres..
Sur le site wikipedia du sommet vosgien "Le Donon" (https: //urls.fr/t-ohCC) est mentionnée la phrase suivante:
"En raison de l'élévation du Donon, les géomètres l'ont toujours utilisé comme point de triangulation (notamment Cassini) et cela dès 1821, pour la mesure « de la perpendiculaire à la méridienne de l'observatoire de Paris ». Dans ce but, une pyramide de 6 à 7 mètres de haut y avait été construite sur la plate-forme supérieure."
Or je ne trouve aucune source concernant ce projet de mesure d'une perpendiculaire à la méridienne de l'observatoire de Paris. Et j'aimerais creuser plusieurs questions, par exemple: Quel est l'intérêt de mesurer une perpendiculaire? Ce projet s'intéressait-il également au tracé d'autres perpendiculaires? Quel est le point de rencontre de cette perpendiculaire passant par le Donon avec la méridienne de l'observatoire de Paris? Quelles équipes étaient-elles en charge de ce projet? En quelle année a-t-il été mené?
Je vous remercie par avance pour votre retour.
Bien cordialement,
Pruvieros
Réponse du Guichet
La mesure de la perpendiculaire à la méridienne de l'Observatoire de Paris a joué un rôle essentiel dans l'établissement du premier système géodésique français et dans la détermination des paramètres de la Terre.
Bonjour,
Tout d’abord, un petit rappel de la charte d’utilisation du Guichet du Savoir qui précise que :
« […]
Droits et devoirs de l'utilisatrice et de l'utilisateur
[…]
En outre, le Guichet du Savoir ne répondra pas à plus de trois questions par semaine (ou par période de 7 jours) émanant du même internaute et ce afin de laisser l'accès possible au plus grand nombre. Le message ne doit comporter qu'une seule question.
[…] »
Ceci étant, sur la première partie de votre question portant sur la citation extraite de l’article «Donon» sur Wikipédia, portant sur la disparition de la pyramide qui avait été construite sur son sommet, l’explication en est fort simple :
«La table sommitale, culminant à 1109 m, est l'endroit le plus sacré. Ici se déroulaient certainement des cérémonies en plein air. Actuellement le temple musée de 1869 s'y dresse. […]. Le temple musée a remplacé une pyramide géodésique qui permettait de vérifier la mesure de la perpendiculaire à la méridienne de l'observatoire de Paris.»
comme stipulé sur le site de la commune de Thiaville sur Meurthe.
A priori, ce type de construction, appelées aussi cheminées géodésiques, selon wikipédia, étaient :
«un haut édifice creux, généralement en brique ou en pierre. De forme oblongue, il ressemble souvent à une cheminée d'usine. Au sol, en son centre, est scellée une borne géodésique, rendue accessible depuis l'extérieur par une ou plusieurs ouvertures à la base de l'édifice.
La hauteur de la structure permet de faire passer à l'intérieur un long fil à plomb, lequel est ainsi protégé du vent, afin de positionner le théodolite à l'aplomb de la borne géodésique qu'elle surmonte, et ainsi réaliser des mesures précises avec d'autres points géodésiques connus.»
Quant à la question de mesurer ou calculer la perpendiculaire d’un méridien terrestre, qu’il soit de Paris, de Greenwich ou de toute autre partie de la terre, nous vous répondrons simplement que ce calcul est essentiel dans la mesure où cela permettait d’effectuer des relevés précis, par triangulation, afin de constituer les cartes topographiques des territoires comme ont pu le faire les Cassini en cartographiant la France pour Louis XIV :
«La carte des principaux triangles de 1744
Non datée, son intitulé est Nouvelle carte qui comprend les principaux triangles qui servent de fondement à la Description géométrique de la France. Levée par ordre du Roy par Messrs. Maraldi et Cassini de Thury, de l'Académie royale des Sciences. Son échelle approximative est de 1: 1750000.
C'est la carte officielle qui suit l'article de Cassini de Thury Sur la description géométrique de la France9.
Elle comporte, comme précédemment, la Méridienne, mais avec trois parallèles et, maintenant, sept perpendiculaires, ce qui forme sur le territoire des pseudo-carrés d'environ 60000 toises (≈117 km) de côté; de plus, les côtes et les frontières y sont définies ainsi que leur triangulation. «Il a fallu pour l'exécution de ce projet, former sur le terrain près de 800 triangles [en tout 814 triangles réduits dans le plan horizontal], tous liés les uns aux autres et qui se terminent à 19 [plutôt 17 ou 18] bases qui servent de preuves aux vérifications». Les instruments et les méthodes employés pour la triangulation sont ceux de l'époque; on les retrouve sous leur vocable propre (quart de cercle, secteur) et dans l'étude des méridiennes géodésiques. Sur la carte sont aussi localisés un grand nombre de villes, bourgs, châteaux, etc., déterminés géométriquement. Dans les marges sont indiquées les distances à l'Observatoire de Paris de 440 villes, fanaux et montagnes; plus tard y seront ajoutées latitude et longitude des lieux considérés.
[…]
Triangulation complémentaire 1745-1783
Entre les perpendiculaires à la Méridienne, il reste de vastes zones à couvrir de grands triangles à rattacher au réseau de premier ordre. Ces grands espaces seront triangulés par des équipes de deux ingénieurs expérimentés ayant participé à des levés des perpendiculaires précitées. Leurs outils et leurs méthodes sont les mêmes que ceux employés sur le réseau de premier ordre13.
Dans ces zones, le réseau hydrographique de la Seine — Seine, Marne, Oise, Aube, Yonne — sera couvert, dans cet ordre, de 1747 à 174914.
En 1747, Cassini de Thury publie une «carte qui comprend tous les lieux de la France qui ont été déterminés par les opérations géométriques»15. La Seine y est triangulée et le réseau tracé en Flandre par Cassini de Thury en 1746-47 — pendant la guerre de succession d'Autriche — y est représenté.
Plan triangulé de 60 000 toises autour de Paris, avant 1751.
Pour le reste, le maillage du pays sera effectué en fonction des cartes que Cassini va entreprendre, à la suite de la décision du Roi du 7 juillet 1747 qui dit à Cassini, dans un contexte précisé plus loin: «Je veux que la carte de mon royaume soit levée…, je vous en charge, prévenez-en M. de Machault, alors contrôleur général»16.»
Ainsi, la mesure de perpendiculaires aux méridiens était une pratique courante en géodésie et en cartographie au 18e et 19e siècle. Ces mesures permettaient de déterminer la forme et les dimensions de la Terre avec plus de précision.
Pour le reste de votre questionnement, nous avons contacté l’Observatoire de Paris qui sera plus à même d’apporter la meilleure réponse. Nous la compléterons dans les meilleurs délais.
Utopiquement votre,
Si vous souhaitez aller plus loin, vous trouverez dans nos collections :
Curiosités cartographiques : cartes (pas si) absurdes et (un peu) bizarres de Jean Leveugle
Une histoire des lointains : entre réel et imaginaire de Georges Vigarello
La Carte de France : histoire et techniques de Jean-Luc Arnaud
Complétés par une bibliographie élargie sur la cartographie
Pour aller encore plus loin: Furari de Jirô Taniguchi
Pour finir, n’hésitez pas à aller sur le site de l’IGN (Institut national de l'information géographique et forestière) quelques pépites vous y attendent.
Complément(s) de réponse
Vous trouverez ci dessous la réponse concernant la perpendiculaire perdue du Donon que Pascal Descamps de l'Observatoire de Paris a apporté et que nous remercions vivement :
Bonjour,
Je ne vous répondrai que sur votre question relative à la mesure d'un arc de parallèle, donc sur une perpendiculaire à un méridien.
De telles mesures ont été faites en 1733, 1734. Elles sont consécutives à une polémique naissante en 1733 sur la forme de la Terre, allongée vers les pôles ou à l'équateur ?
Comme souvent, la controverse opposait deux camps rangés derrière deux figures majeures, Newton partisan d'une Terre aplatie, et Jean-Dominique Cassini partisan d'une Terre allongée. La controverse ne sera tranchée qu'après le retour des deux expéditions en Laponie et au Pérou en 1743.
Cependant, dans l'intervalle, Jacques Cassini, fils de son père, veut démontrer que son père a raison et que la Terre est bien allongée vers les pôles. Pour cela il va mener la mesure de la longueur d'un arc de parallèle.Si la Terre est aplatie, cette longueur sera plus longue respectivement à une Terre sphérique, le contraire sera vrai pour une Terre allongée. Il s'agissait donc de mettre en place ce que l'on dénomme aujourd'hui une expérience cruciale. Il réalise une première mesure en 1733 entre Paris et Saint-Malo, puis une seconde en 1734, en prolongeant le même parallèle vers l'est en direction des Vosges. Ce parallèle passait vraisemblablement par le Donon dont la latitude est très sensiblement celle de l'observatoire de Paris. L'amplitude de l'arc était de 8,5°. Cassini trouva que le degré de parallèle était plus petit que si la Terre était sphérique, démontrant ainsi selon lui que la Terre était bien allongée.
Bien cordialement
Pascal Descamps
Service de calculs astronomiques et de renseignements
Observatoire de Paris