Question d'origine :
D'où vient l'expression récente « Être né avant la honte ? »
Toujours sur le thème de la honte, y a-t-il un philosophe qui fait de la honte quelque chose de prsitif (régulation sociale...) ? Est-ce que dans les « cultures de la honte » (Asie...) les gens ont plus honte qu'en Occident ? Ou bien la honte est un sentiment universellement et également partagé ?
Réponse du Guichet

Nous ne sommes pas parvenus à retrouver l'origine de l'expression "Être né avant la honte". Parmi les philosophes qui traitent de la honte comme quelque chose de positif nous pensons aux notions "d'Aidos", partagée par plusieurs figures de la discipline, Frederic Gros. Il est difficile de quantifier une notion aussi personnelle et subjective. Chaque société est capable de ressentir de la honte, en ça le sentiment est universellement partagé. L'égalité hypothétique de ce ressenti reste une construction très arbitraire.
Bonjour,
Après avoir consulté nos dictionnaires d'expressions en langue française, à savoir : le dictionnaire des expressions et locutions, le dictionnaire des expressions et locutions traditionnelles ainsi que le Le bouquet des expressions imagées, nous ne sommes malheureusement pas parvenus à trouver l'origine de cette expression. Peut-être est-elle trop moderne pour avoir été lexicalisée, ou simplement sa fréquence d'utilisation est-elle trop faible pour avoir fait l'objet d'une étude sur la question.
Concernant les philosophes abordant la question de la honte comme un aspect "positif", nous avons choisi deux exemples. Le premier s'articule autour d'une notion : " l'aidos", utilisé par plusieurs philosophes antiques, comme Aristote par exemple : Voir cet article publié dans philosophie magazine, numéro 135
Aristote (384-322 av. J.-C.)
Qui ne s’est jamais imaginé en train d’avoir honte ? Cette « honte d’avant la honte » (aidôs) est censée éviter le déshonneur, selon le philosophe grec. Si nous commettons quand même un acte indigne, nous entrons dans le deuxième temps de la honte (aiskhunè), la peur des conséquences...
Nous mentionnons aussi Frédéric Gros, et son ouvrage intitulé "La honte est un sentiment révolutionnaire". Philosophie magazine, toujours, cite ce dernier en introduisant :
La honte ne serait-elle pas, par certains aspects, un levier d’action personnel et collectif, à valoriser en tant que tel ?
Parmi les autres philosophes qui ont abordé la honte, nous pouvons aussi citer Jean-Paul Sartre, et Annah Arendt.
Au sujet du clivage entre les cultures de la culpabilité ainsi que les cultures de la honte, aucune réponse claire et déterminante ne peut être rédigée. Comme nous le disions, il est difficile voire impossible de quantifier les émotions et les sentiments humains, d'autant plus lorsque ces derniers ne sont pas toujours conscients. La honte fait partie de ces objets d'études que nous ne pourrons cristalliser à travers le prisme de la quantité, surtout en comparant deux instances aussi grandes et aux échantillons aussi étendus que ces cultures opposées, à savoir, (grossièrement) la culture occidentale et la culture orientale. En revanche, il nous est possible d'avancer le fait que la honte est bel et bien un sentiment pouvant être partagé par tous et toutes. Ce partage est bien universel. Quant à son égale répartition, il en est différemment. S'il n'est pas possible d'affirmer qu'originellement un peuple ou une culture a plus honte qu'un autre, il nous est possible de proposer l'hypothèse qu'un peuple soumis à une importance de la honte plus grande qu'ailleurs, sera plus conscient de cette honte. Est-ce qu'être davantage conscient de cette honte revient à être plus honteux ? Selon la philosophie de Sartre, la réponse serait oui. En effet, pour lui, autrui est l'intermédiaire nécessaire à la honte, on ne peut avoir honte qu'en étant sujet au regard d'autrui. Ce regard peut d'ailleurs être fictif et imaginé par le moi. L'exemple récurrent de l'observateur à travers la serrure est parlant : il est pris de honte en se figurant qu'il est observé. L'est-il vraiment ? Cela importe peu. Mais revenons-en à votre question. Cette conscience de la honte entraine donc une honte. Peut-être est-elle exacerbée par rapport aux cultures de cette même honte. Son importance en tant que concept y est plus grande et liée à la notion d'autrui, par opposition aux cultures de la culpabilité, qui sont tournées vers l'intérieur.
Pour plus de documentations, nous vous proposons :
- Honte et culpabilité, Jean Paulus
- La honte, la culpabilité et le drame oedipien
- La honte, métapsychologie et expérience, Ruth Stein
- Réflexions sur la honte, Michaël de Saint-Cheron
Bonnes lectures.